9ème – 10ème chambres réunies du Conseil d’État, le 25 juillet 2025, n°492885

Le Conseil d’État a rendu, le 25 juillet 2025, une décision relative au périmètre de l’assiette de la taxe sur les distributeurs de services de télévision. Cette affaire soulève la question de l’assujettissement des options facultatives facturées en sus des offres composites comprenant un accès à des programmes audiovisuels. Un opérateur de télécommunications proposait des contrats incluant internet, la téléphonie et la télévision, tout en facturant séparément une mise à disposition de la boucle locale. L’administration a considéré que ces sommes devaient être incluses dans l’assiette de la taxe prévue par le code du cinéma et de l’image animée. Le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de décharge de l’opérateur par un jugement en date du 21 juin 2022. La Cour administrative d’appel de Paris a ensuite confirmé cette solution par un arrêt rendu le 24 janvier 2024. La société requérante soutient devant la haute juridiction que ces services optionnels sont dépourvus de lien avec la fourniture de programmes de télévision. La question posée est de savoir si le caractère composite d’une offre entraîne systématiquement l’imposition de toutes les options facturées par le distributeur. Le Conseil d’État annule l’arrêt car les juges du fond auraient dû rechercher l’existence d’un lien technique ou commercial avec la télévision.

I. L’exclusion des services optionnels de l’assiette fiscale

A. La délimitation stricte du périmètre des offres composites

Le code du cinéma définit l’assiette de la taxe en distinguant les services de télévision et les offres permettant de recevoir ces programmes. Les dispositions prévoient un abattement de 66 % pour les sommes acquittées en rémunération de services souscrits dans le cadre d’offres destinées au grand public. Le législateur vise les abonnements composites donnant accès à des services de communication en ligne ou à des services de téléphonie mobile ou fixe. L’objectif est de taxer la part du chiffre d’affaires global qui correspond indirectement à la consommation de produits audiovisuels par les usagers. Cette règle d’assiette suppose néanmoins que la souscription aux services mentionnés permette effectivement de recevoir, au titre de cet accès, des services de télévision.

B. La nécessité d’un lien technique ou commercial avec la télévision

Le Conseil d’État précise que ces textes « n’ont pas pour effet d’attraire dans l’assiette de la taxe le prix des options » facultatives. Ces services complémentaires doivent être souscrits en sus du contenu des offres et demeurer sans lien technique ou commercial avec l’accès audiovisuel. La haute juridiction introduit ainsi un critère de connexité indispensable pour justifier l’imposition des sommes perçues par le distributeur de services. Une option facturée de manière autonome ne peut être taxée si elle ne participe pas directement ou indirectement à la fourniture d’images. Cette interprétation garantit que la taxe reste assise sur des revenus réellement liés à l’activité de diffusion d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles.

II. La sanction d’une application extensive de la loi fiscale

A. L’erreur de droit commise par les juges du fond

La Cour administrative d’appel de Paris avait jugé que les sommes pour la boucle locale entraient dans l’assiette du seul fait du contrat. Elle s’était bornée à constater que cette option était « souscrite dans le cadre d’une offre composite » permettant de recevoir des services de télévision. Le Conseil d’État censure ce raisonnement car il fait abstraction de la nature réelle du service de mise à disposition de la ligne. Les juges d’appel ont commis une erreur de droit en ne recherchant pas si cette option présentait une utilité pour l’accès aux programmes. L’absence de vérification du lien technique ou commercial entre le supplément facturé et le service taxé vicie le fondement de la décision.

B. La portée de la cassation et le renvoi de l’affaire

L’arrêt attaqué est intégralement annulé sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par la société pourvoyeuse en cassation. Cette solution impose désormais aux juridictions de mener une analyse concrète des caractéristiques techniques des options proposées par les opérateurs de télécommunications. L’affaire est renvoyée devant la Cour administrative d’appel de Paris afin que soit exercé ce contrôle de fait sur la boucle locale. Le juge devra déterminer si la mise à disposition de cette infrastructure est indispensable ou liée commercialement à la réception des services de télévision. La haute assemblée protège ainsi les contribuables contre une extension incontrôlée de l’assiette de la taxe par une lecture trop littérale du code.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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