Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 12 juillet 2001. – République portugaise contre Commission des Communautés européennes. – Agriculture – Police sanitaire – Mesures d’urgence contre l’encéphalopathie spongiforme bovine – Maladie dite ‘de la vache folle’. – Affaire C-365/99.

En l’espèce, un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, rendu en cinquième chambre le 27 mars 2001, a rejeté le recours en annulation formé par un État membre contre une décision de la Commission. Cette décision prorogeait une mesure d’urgence interdisant l’exportation de certains produits bovins depuis le territoire de cet État, dans le contexte de la lutte contre l’encéphalopathie spongiforme bovine. L’État membre concerné avait été soumis à un embargo initial en raison d’une incidence élevée de la maladie et de carences constatées dans la mise en œuvre des mesures de contrôle. Face à la prolongation de cet embargo, il a saisi la Cour de justice.

La procédure a débuté par une requête en annulation fondée sur quatre moyens distincts : une insuffisance de motivation, la violation d’un code sanitaire international, le non-respect des exigences procédurales et la méconnaissance du principe de proportionnalité. Bien que l’institution défenderesse n’ait pas présenté de mémoire en défense dans les délais, la Cour a procédé à un examen au fond pour vérifier le bien-fondé des prétentions de la partie requérante. Le problème de droit soulevé par cette affaire consistait à déterminer si une décision de la Commission, qui prolonge une interdiction totale d’exportation pour des motifs de santé publique, est légale au regard des exigences de motivation, de procédure et de proportionnalité, alors même que l’État membre visé fait état de progrès dans la gestion du risque sanitaire.

La Cour de justice a répondu par l’affirmative en validant intégralement la démarche de la Commission. Elle a jugé que la persistance d’un risque élevé, attestée par des données objectives et des rapports d’inspection, justifiait le maintien de la mesure restrictive. La décision a donc été considérée comme suffisamment motivée, procéduralement régulière et proportionnée à l’objectif de protection de la santé publique au sein de la Communauté.

La solution retenue par la Cour de justice repose sur une appréciation rigoureuse des conditions justifiant une mesure d’embargo, validant une approche stricte de la gestion du risque sanitaire (I). Par ailleurs, l’arrêt confirme la large marge d’appréciation dont dispose la Commission dans la mise en œuvre des procédures de contrôle et dans l’évaluation de la proportionnalité de ses actions (II).

I. La validation d’une mesure sanitaire stricte fondée sur des critères objectifs

La Cour de justice a justifié le maintien de l’embargo en s’appuyant d’une part sur une motivation factuelle précise et documentée (A), et d’autre part en clarifiant la portée normative des standards internationaux auxquels se référait l’État membre requérant (B).

A. Une motivation jugée suffisante face à un risque sanitaire aggravé

L’État membre requérant soutenait que la décision de proroger l’embargo manquait de justification, au vu des efforts accomplis pour maîtriser l’épizootie. La Cour a écarté cet argument en se fondant sur les éléments factuels présentés par la Commission dans les considérants de la décision attaquée. Elle a relevé que le taux d’incidence de la maladie, loin de diminuer, avait presque doublé, atteignant « 211 par million d’animaux âgés de plus de vingt-quatre mois ». Ce chiffre suffisait, selon la Cour, à démontrer non seulement la persistance mais aussi l’aggravation du risque sanitaire, justifiant ainsi une mesure de protection continue.

En outre, la motivation de la décision attaquée s’appuyait sur les conclusions de plusieurs missions d’inspection menées par l’Office alimentaire et vétérinaire de la Commission. Ces rapports, antérieurs à la décision, faisaient état de « carences graves en ce qui concerne le respect de la réglementation communautaire relative à l’ESB et aux viandes fraîches ». Pour la Cour, la référence à ces rapports constituait « une motivation adéquate et suffisante » pour établir que, malgré certains progrès, « un certain nombre de mesures ne sont pas adéquatement appliquées ». L’analyse de la Cour montre que l’existence de données chiffrées défavorables et de défaillances structurelles documentées prime sur la reconnaissance d’améliorations partielles.

B. La portée limitée des standards sanitaires internationaux

Le deuxième moyen du requérant reposait sur une prétendue violation du code zoosanitaire de l’Office international des épizooties (OIE), qui, selon lui, n’imposait pas un embargo total pour la catégorie de risque dans laquelle il estimait se trouver. La Cour a rejeté cette argumentation en deux temps. Premièrement, elle a rappelé que la décision attaquée n’était pas fondée sur ce code, mais sur les directives communautaires pertinentes. Le code de l’OIE n’était cité qu’en tant que « texte de référence élaboré par un organisme international reconnu pour son expertise », et non comme une source de droit contraignante pour l’action de la Commission.

Deuxièmement, la Cour a examiné l’argument sur le fond et a constaté qu’il n’existait de toute façon « pas de contradiction entre les recommandations du code zoosanitaire de l’OIE et l’interdiction posée par la décision attaquée ». En effet, au regard de son taux d’incidence, l’État membre devait être classé dans la catégorie à risque élevé. Dans cette hypothèse, le code de l’OIE subordonnait les exportations à des conditions strictes que l’État membre n’était manifestement pas en mesure de garantir, notamment en raison des carences de ses systèmes de contrôle. L’arrêt souligne ainsi l’autonomie du droit communautaire tout en montrant que, même à l’aune des standards internationaux, la mesure prise était cohérente.

II. La confirmation de la marge d’appréciation de la Commission

Au-delà de la justification matérielle de la décision, la Cour a également validé la manière dont la Commission a exercé ses prérogatives, que ce soit dans le cadre de la procédure décisionnelle (A) ou dans l’application du principe de proportionnalité (B).

A. Une application rigoureuse du cadre procédural d’expertise

L’État membre requérant affirmait que la procédure était viciée car le comité vétérinaire permanent n’avait pas eu accès au rapport d’une mission d’inspection très récente, effectuée en juin 1999, lorsqu’il a rendu son avis. La Cour a jugé ce moyen non fondé en rappelant les règles procédurales applicables à ces contrôles. Conformément à la réglementation, l’État membre dispose d’un délai pour présenter ses observations sur le rapport d’inspection. Or, à la date de la réunion du comité, ce délai n’était pas écoulé et l’État membre n’avait pas encore fait part de ses observations.

Par conséquent, « le rapport relatif à la mission vétérinaire de juin 1999 n’aurait pu être définitif et complet ». La Commission ne pouvait donc pas le soumettre officiellement au comité. La Cour a estimé que la Commission avait agi dans le respect de la procédure en ne se basant que sur les rapports antérieurs, qui étaient finalisés. Elle a également noté que la délégation de l’État membre avait elle-même refusé une présentation orale de ce rapport. Cette position réaffirme que le respect des droits de la défense et du caractère contradictoire de la procédure prime, même dans un contexte d’urgence, et que la Commission agit légalement en se fondant sur un dossier complet et finalisé au moment de la consultation des experts.

B. Une interprétation restrictive du principe de proportionnalité en matière de santé publique

Enfin, la Cour a rejeté l’argument selon lequel l’embargo total était une mesure disproportionnée. L’État membre mettait en avant le faible volume de ses exportations et se comparait à d’autres États. La Cour a balayé ces comparaisons, estimant qu’elles n’étaient pas pertinentes pour établir le caractère disproportionné de la mesure, chaque situation devant être évaluée selon ses propres mérites. Surtout, elle a jugé la mesure nécessaire au regard des manquements constatés, qui n’étaient pas de « simples détails ».

L’arrêt met en évidence des défaillances critiques dans le système de contrôle de l’État membre, notant par exemple qu’« il n’existait pour ainsi dire pas de contrôles physiques des exportations de viande bovine aux points de sortie du territoire ». Face à de tels manquements, une interdiction totale des exportations n’apparaît pas excessive pour garantir un niveau élevé de protection de la santé publique. En subordonnant la reprise des exportations à la mise en place d’un régime de contrôle fiable, conforme aux standards recommandés, la Cour confirme que le principe de proportionnalité doit être interprété de manière stricte lorsque des risques majeurs pour la santé humaine sont en jeu, accordant ainsi une large marge d’appréciation à la Commission pour prendre les mesures les plus protectrices.

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