Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 20 mars 1997. – Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. – Manquement d’Etat – Non-transposition de la directive 93/42/CEE – Dispositifs médicaux. – Affaire C-294/96.

Par un arrêt du 23 avril 1997, la Cour de justice des Communautés européennes, statuant en cinquième chambre, s’est prononcée sur le manquement d’un État membre à ses obligations découlant du droit communautaire. En l’espèce, une directive du Conseil du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux, imposait aux États membres de prendre et de publier les dispositions nécessaires pour s’y conformer au plus tard le 1er juillet 1994. Constatant l’absence de communication des mesures de transposition par l’un des États membres dans le délai imparti, la Commission a engagé une procédure en manquement. Elle a d’abord adressé une lettre de mise en demeure le 20 janvier 1995, puis, en l’absence de réponse, un avis motivé le 26 janvier 1996, invitant l’État à se conformer dans un délai de deux mois. Face à l’inertie persistante de l’État concerné, qui n’a pas contesté les faits mais a seulement indiqué qu’un projet de transposition était en cours d’élaboration, l’institution a saisi la Cour de justice. Il était donc demandé à la Cour de déterminer si l’absence d’adoption des mesures de transposition d’une directive dans le délai prescrit constitue un manquement d’un État membre à ses obligations. La Cour de justice a répondu par l’affirmative, considérant que le manquement était établi par la simple constatation objective du non-respect de l’échéance. Elle juge ainsi qu’« en ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive […], le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 22 de cette directive ».

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I. Le constat formel du manquement d’État

La décision de la Cour de justice repose sur une application rigoureuse de la procédure en manquement (A), laquelle aboutit à une condamnation devenue inévitable face à l’absence de transposition effective (B).

A. La mise en œuvre d’une procédure précontentieuse graduée

Le recours en manquement introduit par la Commission est l’aboutissement d’une procédure administrative préalable clairement définie par les traités. La Cour rappelle les étapes suivies par l’institution, qui a d’abord mis l’État en demeure de présenter ses observations, puis lui a adressé un avis motivé. Cette phase précontentieuse a pour double objectif de donner à l’État membre l’opportunité de régulariser sa situation et de délimiter l’objet du litige si l’affaire devait être portée devant la Cour. En l’espèce, l’État défendeur n’a réagi à aucune de ces deux étapes, contraignant ainsi la Commission à poursuivre la procédure jusqu’à sa phase juridictionnelle. Le raisonnement de la Cour met en lumière le caractère formel et non discrétionnaire de ce mécanisme, qui constitue l’un des instruments fondamentaux pour garantir l’application uniforme du droit communautaire sur le territoire de l’Union.

B. L’indifférence des justifications d’ordre interne

Face au grief formulé par la Commission, l’État membre ne conteste pas le retard pris dans la transposition de la directive. Il se contente d’indiquer qu’« il fait seulement valoir que le projet d’arrêté royal rédigé à cet effet est en train d’être finalisé par un groupe de travail ». Or, la jurisprudence constante de la Cour de justice considère qu’un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier le non-respect des obligations et des délais prescrits par une directive. Le fait que le processus législatif ou réglementaire soit complexe ou retardé relève de la seule responsabilité de l’État. La Cour procède donc à une constatation purement objective du manquement : le délai fixé par la directive étant expiré et les mesures de transposition n’ayant pas été adoptées, l’infraction est constituée. La solution, bien que techniquement indiscutable, révèle la portée fondamentale des obligations qui pèsent sur les États membres dans l’ordre juridique communautaire.

II. La portée réaffirmée de l’obligation de transposition

Cet arrêt, bien que rendu dans une affaire sans complexité factuelle ni juridique, réaffirme la place centrale de l’obligation de transposition comme corollaire du principe de primauté (A) et s’inscrit dans une jurisprudence constante dont il constitue une application d’espèce (B).

A. La transposition, une exigence fondamentale de l’ordre juridique communautaire

L’obligation de transposer une directive dans le délai imparti constitue une obligation de résultat qui incombe à chaque État membre. Elle découle directement du traité et constitue une manifestation du devoir de coopération loyale. En s’abstenant de transposer, un État prive les normes communautaires de leur pleine effectivité et crée une situation d’insécurité juridique pour les justiciables, qui ne peuvent se prévaloir de droits qui auraient dû être intégrés dans l’ordre national. La condamnation prononcée par la Cour sanctionne donc moins une simple négligence administrative qu’une atteinte au fondement même de l’ordre juridique communautaire, lequel repose sur l’application effective et uniforme de ses règles. Le manquement constaté met en péril l’intégrité du marché intérieur que la directive sur les dispositifs médicaux visait précisément à harmoniser et à protéger.

B. Un arrêt d’application à la portée jurisprudentielle limitée

La présente décision ne constitue pas un revirement de jurisprudence ni un arrêt de principe énonçant une règle nouvelle. Elle s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle établie et constante, qui a toujours sanctionné avec rigueur le non-respect des délais de transposition. La solution est dictée par une application littérale des textes et des principes directeurs du droit communautaire. Sa portée doit donc être appréciée non pas en termes d’innovation juridique, mais comme un rappel de la discipline que les États membres se sont engagés à respecter. L’arrêt a une valeur pédagogique et dissuasive, démontrant que le mécanisme de contrôle opéré par la Commission est effectif et que nulle justification tirée de difficultés internes ne peut être accueillie. Il réaffirme ainsi, par une application d’espèce, la force contraignante du droit communautaire et la détermination de la Cour à en assurer la primauté.

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Hassan KOHEN
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