Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 29 mai 1997. – Procédure administrative engagée par VAG Sverige AB. – Demande de décision préjudicielle: Länsrätten i Stockholms Län – Suède. – Immatriculation des véhicules – Certificat national en matière de gaz d’échappement – Compatibilité avec la directive 70/156/CEE. – Affaire C-329/95.

Par un arrêt du 23 janvier 1997, la Cour de justice des Communautés européennes a clarifié la portée de la procédure de réception communautaire pour les véhicules à moteur, dans le cadre de l’interprétation de la directive 70/156/CEE. En l’espèce, une société important des véhicules neufs sur le territoire d’un État membre s’est vu refuser l’immatriculation d’un modèle pourtant muni d’un certificat de conformité communautaire valide. L’administration nationale justifiait son refus par l’absence d’un certificat national spécifique, exigé par sa réglementation interne pour attester de la conformité du véhicule aux exigences locales en matière d’émissions de gaz d’échappement.

Saisie d’un recours par l’importateur, la juridiction administrative nationale a sursis à statuer afin de poser plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice. Il était principalement demandé si la directive-cadre relative à la réception des véhicules à moteur s’opposait à une législation nationale qui subordonne l’immatriculation d’un véhicule, déjà doté d’un certificat de conformité communautaire, à la production d’un certificat national supplémentaire. La question se posait de savoir si un État membre pouvait maintenir une telle exigence pour des motifs liés à la protection de l’environnement et au contrôle de la responsabilité des constructeurs.

La Cour a répondu que la directive instaure un régime d’harmonisation qui ne permet pas à un État membre d’imposer des exigences administratives additionnelles de cette nature. Elle a jugé que le certificat de conformité communautaire devait suffire pour permettre l’immatriculation d’un véhicule neuf dans n’importe quel État membre, sauf dans des cas très restreints. La solution retenue consacre ainsi la primauté du certificat de conformité communautaire comme un instrument essentiel à la libre circulation des marchandises (I), tout en écartant fermement les justifications nationales qui ne sont pas explicitement prévues par les textes communautaires (II).

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**I. La consécration de l’effet exclusif du certificat de conformité communautaire**

La Cour de justice affirme avec clarté le caractère exhaustif de la procédure d’harmonisation, faisant du certificat de conformité communautaire un véritable passeport pour le marché unique (A). Cette approche conduit logiquement à invalider toute procédure nationale qui viendrait doubler les contrôles déjà effectués au niveau communautaire (B).

**A. Un instrument d’harmonisation totale garantissant l’accès au marché**

L’objectif de la directive 70/156 est de remplacer les procédures nationales de réception par un système unique et centralisé, afin d’éliminer les entraves techniques aux échanges entre les États membres. La Cour rappelle que le certificat de conformité délivré par le constructeur atteste que le véhicule est conforme à un type déjà réceptionné par une autorité compétente d’un État membre. Ce mécanisme repose sur la confiance mutuelle et vise à garantir qu’un véhicule déclaré conforme dans un État puisse être vendu et immatriculé dans tous les autres sans formalité supplémentaire.

La décision s’appuie sur une lecture littérale de l’article 7, paragraphe 1, de la directive, selon lequel « Chaque État membre immatricule des véhicules neufs ou en permet la vente ou la mise en service […] si, et seulement si, ces véhicules sont accompagnés d’un certificat de conformité valide ». L’emploi des termes « si, et seulement si » indique que la possession de ce certificat est une condition non seulement nécessaire mais aussi suffisante. L’harmonisation opérée par la directive est donc totale, empêchant les États membres d’ajouter leurs propres conditions techniques ou administratives pour les aspects déjà couverts par la législation communautaire.

**B. L’incompatibilité des procédures de certification nationales parallèles**

La Cour constate que la réglementation nationale en cause dans le litige au principal crée une obligation supplémentaire non prévue par la directive. En exigeant un certificat national attestant de la conformité aux normes sur les gaz d’échappement, l’État membre remet en cause l’effet utile du certificat communautaire. Celui-ci couvre déjà le respect des directives particulières, y compris celles relatives aux émissions polluantes. La juridiction communautaire considère donc que le maintien d’une telle exigence vide de sa substance le système de réception communautaire.

Peu importe que le but poursuivi par la législation nationale soit la protection de l’environnement ou l’organisation de la responsabilité du constructeur. La méthode employée, à savoir la subordination de l’immatriculation à une nouvelle certification, constitue une entrave injustifiée. Le fait que les autorités nationales n’effectuent pas de nouveau contrôle technique et se contentent de vérifier des documents déjà fournis pour la réception communautaire ne change rien à la nature de l’obstacle. La procédure génère des délais et des coûts supplémentaires qui fragmentent le marché intérieur, à l’encontre de l’objectif même de la directive.

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**II. Le rejet des dérogations et arguments extérieurs au droit strict**

Pour justifier sa réglementation, l’État membre invoquait une clause de sauvegarde ainsi que des déclarations politiques. La Cour rejette ces deux arguments en procédant à une interprétation rigoureuse des textes (A) et en rappelant les principes fondamentaux de la hiérarchie des normes communautaires (B).

**A. Une interprétation stricte de la clause de sauvegarde**

La directive prévoit une seule possibilité pour un État membre de refuser l’immatriculation d’un véhicule muni d’un certificat valide. L’article 7, paragraphe 3, dispose qu’une telle mesure est possible si l’État « établit que des véhicules […] d’un type particulier compromettent gravement la sécurité routière ». La Cour souligne le caractère exceptionnel et limité de cette clause. Or, dans le cas d’espèce, le refus d’immatriculation n’était pas fondé sur un risque pour la sécurité routière, mais sur des « considérations tenant à la protection de l’environnement ».

En refusant d’étendre la portée de cette dérogation à des motifs environnementaux, la Cour adopte une lecture restrictive qui préserve l’intégrité du système d’harmonisation. Elle estime que les exceptions au principe de reconnaissance mutuelle doivent être interprétées étroitement. Permettre à un État membre d’invoquer d’autres motifs que celui expressément prévu par le texte reviendrait à ouvrir une brèche dans le marché unique et à réintroduire des barrières déguisées. La protection de l’environnement, bien que fondamentale, doit être assurée dans le respect du cadre juridique établi.

**B. L’absence de portée juridique des déclarations inscrites au procès-verbal**

L’argument le plus original avancé par le gouvernement national reposait sur des déclarations qui auraient été faites par les représentants de l’Union européenne lors des négociations d’adhésion. Ces déclarations auraient laissé entendre que le système national de responsabilité des fabricants pourrait être maintenu. La Cour écarte cet argument avec une grande fermeté, en rappelant un principe essentiel de l’interprétation du droit communautaire.

Elle juge qu’une déclaration inscrite dans un procès-verbal « a une valeur limitée, en ce sens qu’elle ne peut être prise en considération pour l’interprétation d’une disposition de droit communautaire lorsque son contenu ne trouve aucune expression dans le texte de la disposition en cause et n’a, dès lors, pas de portée juridique ». Cette position réaffirme la primauté du droit écrit sur les intentions politiques non formalisées dans un acte juridique contraignant. Seuls les traités et les actes de droit dérivé qui y trouvent leur fondement créent des obligations pour les États membres, garantissant ainsi la sécurité juridique pour l’ensemble des acteurs économiques.

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