Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 17 décembre 1981. – Amedeo Bellardi-Ricci et autres contre Commission des Communautés européennes. – Organigramme – Pouvoir d’appréciation dans l’organisation des services. – Affaire 178/80.

Par un arrêt rendu dans l’affaire 178/80, la Cour de justice des Communautés européennes, siégeant en sa deuxième chambre, a clarifié l’étendue du pouvoir d’organisation des services dont disposent les institutions communautaires face aux garanties statutaires invoquées par leurs fonctionnaires. En l’espèce, des fonctionnaires affectés au service de traduction à Luxembourg avaient sollicité une restructuration de leur unité administrative, impliquant la transformation de leurs postes en emplois de grade supérieur. Face au refus de l’administration, qui avait seulement procédé à des mesures partielles jugées insuffisantes, les intéressés ont engagé une procédure précontentieuse. Après avoir introduit des demandes individuelles au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires, puis une réclamation contre le rejet implicite de celles-ci, ils ont saisi la Cour d’un recours en annulation. Les requérants soutenaient que le refus de procéder à la restructuration demandée violait le principe d’égalité de traitement et l’obligation d’assistance de l’administration. Il appartenait donc à la Cour de déterminer si le pouvoir discrétionnaire des institutions dans l’organisation de leurs services est limité par un droit des fonctionnaires à une structure administrative garantissant leurs perspectives de carrière. La Cour a rejeté le recours en affirmant la pleine liberté de l’administration dans ce domaine, tout en précisant la portée des principes statutaires invoqués.

I. L’affirmation du pouvoir discrétionnaire de l’administration dans l’organisation des services

La solution retenue par la Cour repose entièrement sur la reconnaissance d’une large autonomie laissée aux institutions pour définir la structure de leurs services (A), ce qui exclut par conséquent tout droit acquis des fonctionnaires à une organisation favorisant leur déroulement de carrière (B).

A. La liberté de structurer les unités administratives

La Cour énonce avec clarté que les garanties offertes aux fonctionnaires ne sauraient dicter à l’administration la manière dont elle doit organiser ses services. Le statut impose le respect de l’égalité entre les agents, mais cette obligation s’inscrit nécessairement dans le cadre organisationnel prédéfini par l’institution. Celle-ci conserve la faculté de modeler ses unités administratives en fonction de critères objectifs liés à l’intérêt du service. La Cour précise en ce sens que la liberté des institutions permet de « structurer les diverses unités administratives en tenant compte d’un ensemble de facteurs, tels que la nature et l’ampleur des tâches qui leur sont dévolues et les possibilités budgétaires ». Le pouvoir d’appréciation de l’administration est donc large et ne peut être remis en cause que si les requérants démontrent qu’il a été exercé pour des motifs étrangers à l’intérêt du service, preuve qui n’a pas été rapportée en l’espèce.

B. L’absence d’un droit à une structure garantissant la promotion

En conséquence directe de cette autonomie, la Cour déduit qu’aucun fonctionnaire ne peut se prévaloir d’un droit à ce que son service soit structuré d’une manière spécifique pour lui ouvrir des perspectives de promotion. Le déroulement de carrière, bien que garanti par le statut, reste conditionné par l’existence d’emplois vacants au sein de l’organigramme tel qu’il a été arrêté par l’institution. La Cour juge ainsi que « la commission n’avait, à l’égard des requérants, aucune obligation de structurer le service auquel ils sont affectés, de manière à leur garantir la possibilité d’exercer certaines fonctions et d’obtenir les promotions en conséquence ». La simple intention de l’administration de procéder à une restructuration, ou même les mesures partielles déjà engagées, ne créent aucune obligation juridique de la parachever dans un délai déterminé, les contraintes budgétaires demeurant un facteur légitime de décision.

II. Le rejet des garanties statutaires invoquées par les fonctionnaires

Cette prérogative organisationnelle reconnue à l’administration conduit logiquement la Cour à écarter les moyens des requérants fondés sur le principe d’égalité de traitement (A) et sur le devoir d’assistance de l’institution (B), en en précisant les contours.

A. L’interprétation restrictive du principe d’égalité de traitement

Les requérants arguaient d’une violation de l’article 5, paragraphe 3, du statut, au motif que les conditions de carrière dans leur service à Luxembourg étaient devenues moins favorables que dans le service homologue de Bruxelles. La Cour rejette cet argument en jugeant que l’égalité de traitement s’apprécie au sein du cadre organisationnel existant et non indépendamment de lui. Le fait que les services relevant d’une même institution soient organisés différemment ne constitue pas en soi une discrimination, dès lors que cette différenciation repose sur des considérations objectives. Le principe d’égalité « ne saurait être apprécié en dehors du cadre déterminé par l’organisation des services ». Ainsi, l’égalité de traitement n’implique pas une identité de structure entre toutes les unités administratives et ne confère pas aux fonctionnaires un droit à l’alignement de leurs conditions de carrière sur celles, plus favorables, d’un autre service.

B. Le champ d’application limité de l’obligation d’assistance

Enfin, la Cour écarte le grief tiré de la méconnaissance de l’article 24 du statut, qui impose à l’institution une obligation d’assistance envers ses fonctionnaires. Elle rappelle la finalité de cette disposition de manière pédagogique et définitive. Le raisonnement de la Cour est sans équivoque : « cette disposition vise la défense des fonctionnaires, par l’institution, contre des agissements de tiers et non contre les actes émanant de l’institution même, dont le contrôle relève d’autres dispositions du statut ». L’obligation d’assistance a donc pour objet de protéger le fonctionnaire contre des attaques ou menaces extérieures dans l’exercice de ses fonctions. Elle ne peut être invoquée pour contester un acte de gestion interne de l’institution, tel qu’une décision relative à l’organisation des services, celui-ci relevant des voies de recours prévues aux articles 90 et 91 du statut.

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