Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 17 mars 1983. – Margherita Macevicius, épouse Hebrant, contre Parlement européen. – Fonctionnaire – Promotion. – Affaire 252/81.

Par un arrêt du 12 novembre 1981, la Cour de justice des Communautés européennes a statué sur la recevabilité du recours en annulation formé par un fonctionnaire contre une décision de nomination. En l’espèce, une fonctionnaire de grade A 4, responsable d’un service au sein de la bibliothèque d’une institution européenne, avait vu la proposition de transformation de son emploi en un poste de grade A 3 écartée au profit d’un autre service. Un avis de vacance fut publié pour ce poste de grade A 3, auquel la fonctionnaire choisit de ne pas présenter sa candidature. À l’issue de la procédure, un autre agent fut nommé à ce poste par une décision du 24 octobre 1980. La fonctionnaire introduisit alors un recours visant à l’annulation de cette nomination, arguant que l’acte lui faisait grief et qu’il était entaché d’illégalité, notamment car l’avis de vacance aurait été conçu pour favoriser le candidat finalement retenu. L’institution défenderesse a soulevé une exception d’irrecevabilité, considérant que faute de candidature, la requérante ne justifiait ni d’un intérêt à agir ni d’un acte lui faisant grief. Il revenait donc à la Cour de déterminer si un agent, en s’abstenant de participer à une procédure de nomination, conservait un intérêt à agir pour contester l’issue de celle-ci. La Cour de justice a déclaré le recours irrecevable, retenant que « dans la mesure ou la requerante a decide volontairement de ne pas poser sa candidature, qu ‘ elle a donc refuse de prendre part a la procedure de nomination, elle ne peut plus attaquer la nomination D ‘ un tiers ». Cette solution, qui réaffirme une conception stricte de l’intérêt à agir, conduit à interroger la portée de cette exigence procédurale dans le contentieux de la fonction publique.

I. Une conception rigoureuse de l’intérêt à agir

La Cour de justice adopte une approche stricte en liant la recevabilité du recours à la participation effective du requérant à la procédure administrative contestée. Cette position se fonde sur l’idée que le choix de ne pas se porter candidat emporte des conséquences procédurales déterminantes.

A. La participation à la procédure comme condition de l’action

La décision subordonne l’intérêt à agir du fonctionnaire à sa participation préalable à la procédure de nomination. En s’abstenant volontairement de soumettre sa candidature, l’agent se place de lui-même en dehors du processus de sélection. Dès lors, la nomination d’un tiers ne peut être considérée comme une décision modifiant sa situation juridique personnelle. Le raisonnement de la Cour est limpide : le statut de candidat est un prérequis indispensable pour pouvoir ensuite se prévaloir d’un grief découlant de la décision finale de nomination. Le refus de prendre part à la procédure est interprété comme une renonciation à faire valoir ses droits dans le cadre de celle-ci, fermant ainsi la voie à une contestation ultérieure du résultat. Cette analyse consacre une logique de cohérence procédurale, où le droit de recours est la contrepartie de l’implication de l’agent dans le processus administratif.

B. Le rejet d’un grief né de la seule comparaison des situations

La requérante soutenait que la nomination d’un autre agent, lui conférant des avantages qu’elle n’obtenait pas, constituait en soi un acte lui faisant grief. La Cour écarte cet argument en refusant de reconnaître un intérêt à agir fondé sur la simple comparaison de sa situation avec celle du candidat retenu. Pour la Cour, le grief doit être direct et personnel, ce qui n’est pas le cas pour un agent qui n’a jamais formellement aspiré au poste en cause. La décision de nomination n’a pas pour effet de rejeter sa candidature inexistante, mais seulement de pourvoir un poste vacant. Par conséquent, la déception de la requérante, bien que compréhensible sur le plan humain, ne suffit pas à caractériser un intérêt juridiquement protégé. La Cour rappelle ainsi que le contentieux de l’annulation ne vise pas à sanctionner une inégalité de traitement abstraite, mais à censurer un acte administratif qui porte une atteinte effective aux droits d’un individu.

En conditionnant ainsi la recevabilité du recours à un acte positif de candidature, la Cour délimite clairement les voies de droit ouvertes au fonctionnaire, ce qui n’est pas sans conséquence sur la stratégie contentieuse que ce dernier doit adopter.

II. La portée de l’irrecevabilité dans le contentieux de la fonction publique

L’arrêt ne se limite pas à une simple application des règles de procédure ; il délivre un enseignement sur l’articulation des différents recours et consacre une solution qui dépasse le simple cas d’espèce.

A. La cristallisation des moyens tirés de l’avis de vacance

Un élément essentiel du raisonnement de la Cour réside dans le rappel d’une décision antérieure. La requérante ne pouvait plus invoquer l’illégalité prétendue de l’avis de vacance, car elle n’avait pas formé de réclamation contre cet acte en temps utile. Cette précision est fondamentale car elle signifie que les différents actes d’une procédure de recrutement doivent être contestés de manière autonome et successive. Un fonctionnaire qui s’estime lésé par les conditions d’un avis de vacance doit attaquer cet avis directement et ne peut attendre l’issue de la procédure pour en soulever l’illégalité à l’appui d’un recours contre la nomination finale. En refusant de se porter candidate, la requérante a perdu non seulement son intérêt à agir contre la nomination, mais aussi l’opportunité de critiquer les conditions qu’elle jugeait discriminatoires. La Cour impose ainsi une discipline procédurale stricte qui vise à assurer la sécurité juridique et à prévenir les recours dilatoires.

B. Une solution de principe sur le défaut d’intérêt à agir

Bien que rendue dans un contexte factuel précis, la solution énoncée par la Cour a une portée de principe. La formule générale employée, selon laquelle un agent ayant « refuse de prendre part a la procedure de nomination » n’est plus recevable à attaquer la nomination intervenue, établit une règle claire applicable à toutes les situations similaires. Cette jurisprudence a pour effet d’inciter les fonctionnaires à participer aux procédures de promotion, même s’ils doutent de leurs chances de succès ou de la régularité du processus. C’est en devenant partie à la procédure qu’ils acquièrent la qualité pour en contester les vices éventuels. La condamnation de la requérante aux dépens, en raison du caractère « manifeste de L ‘ irrecevabilite du recours », renforce le caractère exemplaire de la décision et sa vocation à décourager les actions jugées manifestement infondées. La Cour entend ainsi rationaliser le contentieux de la fonction publique en évitant son encombrement par des recours formés par des agents qui ne se sont pas comportés en candidats diligents.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture