Arrêt de la Cour du 14 juin 1990. – Commission des Communautés européennes contre République italienne. – Manquement – Obligation de transmettre des renseignements à la Commission – Inexécution. – Affaire C-48/89.

Par un arrêt rendu en manquement, la Cour de justice des Communautés européennes a sanctionné un État membre pour ne pas avoir respecté ses obligations découlant de plusieurs directives relatives à la gestion des déchets. Les faits à l’origine du litige sont marqués par l’omission de cet État de transmettre à la Commission européenne des informations requises par le droit de l’Union. En l’espèce, il lui était reproché de ne pas avoir communiqué les programmes et rapports prévus par la directive 75/442/CEE relative aux déchets, ainsi que les informations exigées par la directive 76/403/CEE sur l’élimination des polychlorobiphényles et polychloroterphényles, et par la directive 78/319/CEE relative aux déchets toxiques et dangereux. Face à cette situation, la Commission a engagé un recours en manquement, estimant que l’absence de communication de ces documents constituait une violation des obligations incombant à l’État mis en cause. La question juridique posée à la Cour était donc de déterminer si le simple défaut de transmission d’informations périodiques par un État membre suffisait à caractériser un manquement à ses obligations au regard du droit de l’Union. La Cour a répondu par l’affirmative, en jugeant que l’État membre avait effectivement manqué aux devoirs qui lui incombent en vertu des directives concernées.

Cette décision, bien que fondée sur une violation de nature administrative, illustre la rigueur avec laquelle la Cour s’assure du respect des obligations formelles qui pèsent sur les États membres, celles-ci étant le corollaire indispensable à la mise en œuvre des politiques communes. Il convient ainsi d’analyser la caractérisation du manquement retenue par la Cour (I), avant d’étudier la portée de cette solution pour l’effectivité du droit de l’Union (II).

I. La caractérisation d’un manquement étatique par omission

La Cour de justice établit la violation des obligations de l’État membre en se fondant sur un critère objectif (A), ce qui met en lumière l’importance de l’obligation de coopération loyale dans le système juridique de l’Union (B).

A. Une violation constituée par la seule absence de notification

La Cour de justice constate un manquement à partir d’un fait matériel simple et objectif : l’absence de communication des documents requis par les directives. Le dispositif de l’arrêt est à cet égard explicite, puisqu’il indique qu’« en omettant de fournir les programmes et rapports prévus […] la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces directives ». Le raisonnement de la Cour ne s’attache pas à examiner les raisons de cette omission, ni à évaluer l’état de la mise en œuvre matérielle de la politique de gestion des déchets sur le territoire de l’État concerné. La seule constatation que les informations n’ont pas été transmises dans les délais impartis suffit à établir la violation.

Cette approche formaliste démontre que les obligations de notification ne sont pas considérées comme des devoirs secondaires ou accessoires. Elles constituent une obligation de résultat à part entière, dont le non-respect engage la responsabilité de l’État membre devant la Cour de justice. La charge de la preuve repose sur la Commission, qui doit démontrer l’absence de réception des documents, mais une fois cette carence établie, le manquement est constitué sans qu’il soit nécessaire de prouver une intention de l’État ou un préjudice concret pour l’environnement. La simplicité de cette approche garantit une application uniforme et rigoureuse des devoirs de transparence imposés par le législateur de l’Union.

B. L’obligation de communication, instrument de la coopération loyale

Au-delà de son aspect formel, l’obligation de transmettre des rapports et programmes est fondamentale pour le bon fonctionnement de l’Union européenne. Elle découle du principe de coopération loyale, aujourd’hui consacré à l’article 4, paragraphe 3, du Traité sur l’Union européenne, qui impose aux États membres de faciliter l’accomplissement par la Commission de sa mission de gardienne des traités. En omettant de fournir les informations requises, l’État membre prive la Commission des outils nécessaires pour contrôler la bonne application du droit de l’Union sur son territoire. Sans ces données, il lui est impossible de vérifier si les objectifs fixés par les directives en matière de protection de l’environnement sont atteints.

Le manquement sanctionné n’est donc pas seulement une défaillance administrative ; il constitue une entrave au dialogue entre l’État membre et la Commission, et par extension, une atteinte au système de surveillance mutuelle sur lequel repose l’intégration européenne. La Cour, par cette décision, rappelle que le respect des procédures est essentiel pour garantir la confiance réciproque et l’efficacité des politiques communes. L’obligation de rendre des comptes n’est pas une simple formalité, mais un pilier de la méthode communautaire.

La reconnaissance de ce manquement formel emporte des conséquences significatives pour la consolidation du droit de l’Union, en réaffirmant le caractère contraignant de l’ensemble des dispositions contenues dans les directives.

II. La portée de la solution : une garantie pour l’effectivité du droit de l’Union

En sanctionnant fermement une omission procédurale, la Cour renforce l’effet utile des directives (A) et confirme le rôle central de la Commission dans le contrôle de leur application (B).

A. Une interprétation stricte au service de l’effet utile des directives

La décision commentée revêt une importance particulière pour l’effectivité, ou « effet utile », du droit de l’Union. En effet, si les États membres pouvaient s’abstenir de communiquer les informations relatives à la mise en œuvre des directives sans encourir de sanction, une part substantielle de la législation européenne serait privée de portée pratique. Les directives fixent des objectifs que les États doivent atteindre, mais les obligations de rapport sont le principal moyen pour l’Union de s’assurer que des mesures nationales adéquates sont bien adoptées et appliquées.

En jugeant que le défaut de notification constitue un manquement en soi, la Cour veille à ce que les directives ne deviennent pas lettre morte. Cette jurisprudence prévient toute tentation pour un État membre de dissimuler ses éventuelles défaillances dans la transposition ou l’application matérielle de la législation. La rigueur de la Cour garantit ainsi que les obligations de procédure et de fond forment un tout indissociable, dont le respect intégral est nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union, notamment dans un domaine aussi crucial que la protection de l’environnement, qui a des incidences transfrontalières.

B. La consolidation du pouvoir de surveillance de la Commission

Cet arrêt confirme et renforce le rôle de surveillance de la Commission européenne. Le recours en manquement est l’instrument le plus puissant dont elle dispose pour contraindre un État membre à respecter le droit de l’Union. En admettant que ce recours puisse aboutir pour une simple omission de communication, la Cour facilite la tâche de la Commission. Il est en effet plus aisé de prouver l’absence d’un document que de démontrer la mauvaise application d’une politique complexe sur l’ensemble d’un territoire national.

La solution adoptée a une portée pédagogique et préventive. Elle envoie un signal clair à l’ensemble des États membres sur l’importance de se conformer scrupuleusement à toutes leurs obligations, y compris celles qui peuvent paraître purement administratives. Elle souligne que la participation à l’Union européenne implique un haut degré de diligence et de transparence dans la gestion des politiques communes. Ainsi, la Cour de justice, par une décision d’apparence technique, consolide l’un des mécanismes fondamentaux de l’ordre juridique de l’Union et assure la primauté du droit dans la poursuite des objectifs communs.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture