Arrêt de la Cour du 17 novembre 1993. – Commission des Communautés européennes contre Grand-Duché de Luxembourg. – Taxe sur la valeur ajoutée – Sixième directive – Prestations de publicité. – Affaire C-69/92.

Par un arrêt du 13 juillet 1993, la Cour de justice des Communautés européennes s’est prononcée sur la portée de la notion de « prestations de publicité » dans le cadre de la sixième directive en matière de taxe sur la valeur ajoutée. En l’espèce, la Commission européenne a engagé un recours en manquement à l’encontre d’un État membre. Elle lui reprochait d’interpréter de manière trop restrictive les dispositions de la directive relatives au lieu de rattachement fiscal des prestations de publicité. L’administration fiscale de cet État considérait que certaines opérations, telles que la vente de biens dans le cadre d’une campagne promotionnelle ou l’organisation d’événements de relations publiques, ne relevaient pas de cette catégorie et devaient donc suivre un régime de taxation différent.

La procédure a débuté par une mise en demeure de la Commission, à laquelle l’État membre a répondu en soutenant la compatibilité de son interprétation avec le droit communautaire. Insatisfaite de ces arguments, la Commission a émis un avis motivé, resté sans réponse, avant de saisir la Cour de justice. L’État membre n’ayant pas produit de mémoire en défense, la Cour a statué par défaut. La question de droit soumise à la Cour consistait donc à déterminer si la notion de « prestations de publicité », au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive, devait être entendue strictement comme la diffusion de messages publicitaires traditionnels, ou si elle incluait également un ensemble plus large d’opérations concourant à la promotion d’un produit ou d’un service.

La Cour de justice répond en consacrant une conception large et fonctionnelle de la notion. Elle juge qu’une opération doit être qualifiée de prestation de publicité dès lors qu’elle « comporte la transmission d’un message destiné à informer le public de l’existence et des qualités du produit ou service faisant l’objet de cette opération, dans le but d’en augmenter les ventes ». Par conséquent, la Cour a constaté le manquement de l’État membre, qui, par une interprétation restrictive, avait méconnu les obligations découlant de la directive.

I. L’interprétation extensive de la notion de « prestations de publicité »

A. L’affirmation d’une notion communautaire autonome

La Cour de justice commence son raisonnement en rappelant que l’article 9 de la sixième directive constitue une règle de conflit de lois visant à déterminer le lieu d’imposition des prestations de services. Cette règle est essentielle pour éviter les cas de double imposition ou de non-imposition qui nuiraient au bon fonctionnement du marché intérieur. Dans ce contexte, la Cour affirme avec force que « la notion de ‘prestations de publicité’ est une notion communautaire, qui doit être interprétée uniformément ». Cette affirmation de principe est fondamentale, car elle retire aux États membres toute marge d’appréciation pour définir unilatéralement le champ d’application de cette catégorie de prestations.

En qualifiant cette notion d’autonome, la Cour s’assure que les critères de rattachement fiscal ne varient pas d’un État membre à l’autre, garantissant ainsi une application homogène du droit de l’Union. La justification de la règle de rattachement, qui fixe le lieu d’imposition au lieu d’établissement du preneur, est d’ordre économique : le coût des services de publicité se répercute dans le prix final des biens ou services vendus au consommateur. Il est donc logique que la TVA grevant la publicité soit perçue dans l’État où la consommation finale a lieu, ce qui coïncide généralement avec le siège de l’activité du preneur. Cette interprétation téléologique renforce la nécessité d’une définition commune pour atteindre l’objectif du législateur.

B. L’extension du champ d’application aux opérations connexes

Sur la base de cette approche unitaire, la Cour définit le contenu même de la notion de publicité. Elle rejette une vision formaliste qui la limiterait aux supports traditionnels comme la presse, la radio ou la télévision. La Cour considère que la publicité se caractérise avant tout par sa finalité : la diffusion d’un message visant à « informer les consommateurs de l’existence et des qualités d’un produit ou d’un service, dans le but d’en augmenter les ventes ». Cette approche fonctionnelle conduit à inclure toute opération qui poursuit cet objectif, quels que soient les moyens employés.

La solution est particulièrement claire concernant les opérations exclues par l’État membre. La Cour juge que l’organisation de manifestations de « relations publiques » comme des cocktails ou des séminaires, ou encore la vente de biens meubles à prix réduit dans le cadre d’une campagne, peuvent constituer des prestations de publicité. Elle précise qu’il suffit que l’opération « comporte la transmission d’un message » promotionnel. Plus encore, la Cour étend la qualification à « toute opération qui fait indissociablement partie d’une campagne publicitaire et qui concourt, de ce fait, à la transmission du message publicitaire », même si, isolément, elle ne véhicule aucun message. Cette seconde extension est significative, car elle rattache à la catégorie principale des opérations qui ne sont que l’accessoire d’une stratégie de communication globale.

II. La portée de la solution : la consolidation du marché intérieur

A. La finalité économique comme critère de qualification

En faisant du but promotionnel le critère déterminant de la qualification, la Cour de justice adopte une grille de lecture économique et pragmatique. Elle s’écarte d’une analyse qui se serait attachée à la nature intrinsèque de la prestation. Peu importe qu’il s’agisse d’une vente de biens, d’un service de restauration ou de l’organisation d’un événement ; si l’opération est conçue pour accroître les ventes d’un produit ou service, elle relève de la publicité au sens de la directive. Cette approche fonctionnelle offre une plus grande flexibilité et permet d’adapter la qualification juridique à l’évolution constante des techniques de marketing et de communication.

La valeur de cette solution réside dans sa capacité à appréhender la réalité des campagnes publicitaires modernes, qui ne se limitent plus à l’achat d’espaces dans les médias. Elles intègrent une diversité d’actions, des relations publiques au parrainage, en passant par la distribution d’objets promotionnels. En refusant de dissocier ces différents éléments, la Cour reconnaît l’unité et la cohérence de la stratégie commerciale de l’annonceur. Cette vision globale est plus conforme à la logique économique qui sous-tend la directive que l’interprétation fragmentaire défendue par l’État membre.

B. La sécurisation des règles de conflit de lois en matière de TVA

La portée de cet arrêt réside principalement dans la clarification et la sécurisation des règles de rattachement fiscal. En posant une définition large et uniforme, la Cour fournit aux opérateurs économiques et aux administrations fiscales un critère clair pour déterminer l’État compétent pour percevoir la TVA sur les prestations de publicité. Cette prévisibilité juridique est indispensable au bon fonctionnement du marché intérieur, en particulier pour les agences de publicité et les entreprises qui opèrent dans plusieurs États membres.

En définitive, cette décision renforce l’harmonisation fiscale en matière de TVA. Elle illustre le rôle de la Cour comme gardienne non seulement de la lettre des traités et des directives, mais aussi de leur esprit. En alignant la définition juridique sur la réalité économique des pratiques commerciales, elle garantit l’application effective de la règle spéciale de l’article 9, paragraphe 2, sous e), et contribue ainsi à l’élimination des distorsions de concurrence qui pourraient naître d’interprétations nationales divergentes. La solution assure la cohérence du système commun de TVA et la neutralité de l’impôt pour les entreprises actives au-delà de leurs frontières.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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