Arrêt de la Cour du 21 septembre 1999. – Dutch Antillian Dairy Industry Inc. et Verenigde Douane-Agenten BV contre Rijksdienst voor de keuring van Vee en Vlees. – Demande de décision préjudicielle: College van Beroep voor het Bedrijfsleven – Pays-Bas. – Association des pays et territoires d’outre-mer – Importation de beurre originaire des Antilles néerlandaises – Règles sanitaires relatives aux produits à base de lait – Articles 131 du traité CE (devenu, après modification, article 182 CE), 132 du traité CE (devenu article 183 CE), 136 et 227 du traité CE (devenus, après modifications, articles 187 CE et 299 CE) – Directive 92/46/CEE – Décision 94/70/CE. – Affaire C-106/97.

Par un arrêt en date du 21 septembre 1999, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé le régime sanitaire applicable aux importations de produits laitiers en provenance des pays et territoires d’outre-mer.

En l’espèce, une entreprise établie dans les Antilles néerlandaises s’était vue refuser l’importation de beurre sur le territoire communautaire par les autorités d’un État membre. Ce refus était motivé par le non-respect des exigences sanitaires prévues par la directive 92/46/CEE, laquelle harmonise les règles de production et de mise sur le marché des produits à base de lait. Les opérateurs économiques concernés ont contesté l’application de ce régime, estimant que le statut d’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté devait leur permettre de bénéficier de conditions plus favorables que celles réservées aux pays tiers. Saisie d’une question préjudicielle par le College van Beroep voor het Bedrijfsleven, la juridiction de renvoi, la Cour de justice a été amenée à clarifier le statut de ces territoires au regard du droit sanitaire de l’Union. Il s’agissait de déterminer si le régime sanitaire prévu pour les pays tiers par la directive 92/46/CEE pouvait être opposé aux produits originaires d’un pays et territoire d’outre-mer et, le cas échéant, d’apprécier la validité des actes d’exécution de ce régime. La Cour a jugé que les dispositions relatives aux importations depuis les pays tiers s’appliquaient bien aux pays et territoires d’outre-mer, tout en invalidant la décision de la Commission qui établissait la liste des pays autorisés à l’importation.

L’arrêt établit ainsi une distinction claire entre le principe de l’applicabilité des règles sanitaires et la validité de leur mise en œuvre. Il convient donc d’examiner l’assimilation des pays et territoires d’outre-mer aux pays tiers au regard des exigences sanitaires (I), avant d’analyser la sanction de l’irrégularité procédurale dans la mise en œuvre du régime d’importation (II).

I. L’assimilation des pays et territoires d’outre-mer aux pays tiers au regard des exigences sanitaires

La Cour de justice confirme que les produits issus des pays et territoires d’outre-mer doivent respecter les mêmes garanties sanitaires que ceux des pays tiers, une exigence justifiée par un objectif de santé publique et dont les modalités respectent le principe de proportionnalité.

A. Une application justifiée par la protection de la santé publique

La directive 92/46/CEE organise un système de contrôle sanitaire différencié selon l’origine des produits. Son chapitre II vise les échanges intracommunautaires, tandis que son chapitre III régit les importations en provenance des pays tiers. La Cour affirme sans ambiguïté que les produits laitiers originaires des Antilles néerlandaises relèvent de ce second régime. Cette solution repose sur la finalité même de la réglementation, qui est d’assurer un niveau de protection de la santé humaine élevé et uniforme sur l’ensemble du marché communautaire. Pour la Cour, le statut d’association particulier dont bénéficient les pays et territoires d’outre-mer en vertu du traité ne saurait les exempter du respect de garanties sanitaires équivalentes à celles exigées des autres partenaires commerciaux.

Elle considère en effet qu’« il ne saurait être admis, sans aucun contrôle, que la situation réglementaire et sanitaire d’un pays tiers, y compris celle d’un PTOM qui exporte vers la Communauté, est telle que l’autorité compétente est en mesure de fournir, au regard de la protection de la santé publique, des garanties équivalentes à celles apportées par l’autorité d’un État membre ». En ce sens, la Cour privilégie l’objectif de sécurité sanitaire sur les facilités commerciales qui découlent du régime d’association. L’équivalence des garanties est la pierre angulaire du raisonnement ; elle ne peut être présumée, mais doit au contraire être vérifiée selon des procédures définies.

B. Le contrôle de proportionnalité des mesures de contrôle

L’application du régime des pays tiers aux pays et territoires d’outre-mer se traduit par des contraintes spécifiques, notamment l’inscription du pays exportateur sur une liste agréée par la Commission et la production d’un certificat sanitaire pour chaque lot importé. La Cour examine si ces mesures ne constituent pas une restriction disproportionnée au regard des objectifs poursuivis. Elle conclut que les moyens mis en œuvre par le chapitre III de la directive sont à la fois aptes à atteindre l’objectif de protection de la santé publique et nécessaires à cette fin. L’exigence d’une évaluation préalable de la situation sanitaire du pays exportateur et de ses établissements de production apparaît comme une précaution légitime.

Le raisonnement de la Cour souligne que le principe de proportionnalité n’est pas violé, car ces mesures ne vont pas au-delà de ce qui est indispensable pour s’assurer que les produits importés présentent un niveau de sécurité sanitaire équivalent à celui des produits communautaires. Ainsi, l’obligation d’inscription sur une liste et la certification sanitaire ne sont pas perçues comme des barrières arbitraires, mais comme les instruments d’une politique de prévention sanitaire cohérente. La Cour valide donc le principe de soumission des produits des pays et territoires d’outre-mer au régime général des importations, sous réserve de la régularité de sa mise en application.

II. La sanction de l’irrégularité procédurale dans la mise en œuvre du régime d’importation

Après avoir validé le principe de l’application du régime des pays tiers, la Cour en examine les modalités concrètes d’application et sanctionne le non-respect par la Commission des procédures qu’elle devait suivre.

A. L’invalidation de la liste des pays tiers pour vice de procédure

La mise en œuvre du régime d’importation prévu par l’article 23 de la directive 92/46 repose sur l’établissement par la Commission d’une liste de pays tiers autorisés à exporter des produits laitiers vers la Communauté. La Cour constate que la décision 94/70/CE, par laquelle la Commission a arrêté une telle liste provisoire, est entachée d’invalidité. Le motif de cette censure est purement procédural. La directive imposait à la Commission de fonder sa décision sur les listes d’établissements agréés et inspectés que devaient lui communiquer les autorités compétentes des pays tiers concernés.

Or, la Cour relève que la décision litigieuse a été adoptée sur une base différente. Il est précisé qu’« en raison du fait que de telles listes n’ont pas été valablement établies conformément à la méthode prescrite par l’article 23, paragraphe 3, sous a), second alinéa, de la directive, à savoir à partir des listes des établissements produisant du lait ou des produits à base de lait agréés et inspectés par les autorités compétentes, mais sur la base d’une liste établie pour d’autres produits, la décision 94/70 […] est invalide ». La Commission a donc commis un détournement de procédure en utilisant un fondement factuel inadapté, ce qui vicie son acte. L’invalidité de la décision a pour conséquence de priver de base légale le refus d’importation opposé aux opérateurs économiques dans cette affaire.

B. La portée de la censure : une réaffirmation du principe de légalité

En invalidant la décision de la Commission, la Cour de justice exerce pleinement son rôle de gardienne de la légalité communautaire. Cette censure, bien que fondée sur un motif technique, revêt une portée de principe significative. Elle rappelle que les institutions, y compris lorsqu’elles poursuivent un objectif aussi fondamental que la protection de la santé publique, sont tenues de respecter scrupuleusement les règles de compétence et de procédure édictées par les actes de droit dérivé. Le respect du formalisme procédural n’est pas une simple contrainte administrative ; il constitue une garantie essentielle pour les justiciables, en assurant la prévisibilité et la transparence de l’action administrative.

La portée de cet arrêt est donc double. D’une part, il clarifie le droit applicable aux importations en provenance des pays et territoires d’outre-mer en les soumettant à un régime sanitaire strict mais justifié. D’autre part, il réaffirme avec force l’exigence du respect du principe de légalité par les institutions européennes dans l’exercice de leurs pouvoirs d’exécution. La solution offre ainsi un équilibre entre la poursuite d’un objectif d’intérêt général et la protection des droits des opérateurs économiques, qui ne peuvent se voir opposer des mesures qui, bien que potentiellement fondées sur leur principe, ont été adoptées au terme d’une procédure irrégulière.

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