Par un arrêt rendu sur renvoi préjudiciel, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé les conditions d’octroi des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles. En l’espèce, une société exportatrice avait obtenu le dédouanement pour des lots de lait en poudre, conditionnés en sacs de vingt-cinq kilogrammes, en bénéficiant d’une fixation à l’avance des restitutions et des montants compensatoires monétaires. Postérieurement à cette formalité mais avant la sortie effective du territoire communautaire, la marchandise a été reconditionnée dans des emballages d’un kilogramme. Cette opération a entraîné une modification de la sous-position tarifaire du produit, sans pour autant altérer le taux de restitution applicable. L’autorité douanière nationale a alors réclamé le remboursement des aides versées, au motif que la marchandise n’avait pas quitté le territoire « en l’état », conformément à la réglementation en vigueur. Saisie du litige, la juridiction nationale a interrogé la Cour sur l’interprétation de cette condition. La question de droit posée était de savoir si une modification des caractéristiques extérieures d’un produit, telle qu’un reconditionnement, même sans incidence sur le taux de la restitution, fait obstacle au versement de celle-ci. La Cour de justice a répondu qu’une telle modification entraîne la perte du droit à la restitution lorsqu’elle est « de nature à rendre plus difficile le contrôle douanier ». Elle a par ailleurs jugé que cette solution s’appliquait également aux montants compensatoires monétaires liés à l’exportation.
L’analyse de la Cour repose sur une interprétation stricte de la condition du maintien des marchandises « en l’état », justifiée par les exigences du contrôle (I), entraînant des conséquences étendues sur l’ensemble des avantages financiers liés à l’exportation (II).
I. L’exigence du maintien « en l’état » des marchandises, une condition rigoureuse justifiée par l’impératif de contrôle douanier
La Cour fonde sa décision sur une approche formaliste de la condition du maintien en l’état, écartant une appréciation purement économique (A), tout en la soumettant au critère de proportionnalité lié à l’efficacité des contrôles (B).
A. Le rejet d’une interprétation matérielle au profit d’une approche formelle
L’argument de l’exportateur reposait sur l’absence d’incidence financière du reconditionnement, le taux de restitution demeurant identique pour les deux sous-positions tarifaires. Une telle approche suggérait que la condition du maintien « en l’état » ne devait s’appliquer qu’aux modifications affectant la nature ou la valeur de la marchandise. La Cour écarte cependant cette vision purement matérielle de l’opération. Elle privilégie une lecture formaliste de la réglementation, où l’identité du produit déclaré et du produit exporté doit être parfaite et aisément vérifiable. Le changement d’emballage, bien que neutre sur le plan financier dans ce cas précis, constitue une rupture de cette identité formelle. La Cour refuse ainsi de subordonner l’application de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 2730/79 à l’existence d’une perte financière pour le budget communautaire, considérant la règle comme une garantie de procédure.
B. L’efficacité du contrôle comme critère d’appréciation de la modification
La rigueur de cette interprétation est tempérée par un critère fonctionnel, celui de l’efficacité du contrôle douanier. La Cour ne pose pas une interdiction absolue de toute modification, mais sanctionne celles qui compromettent la bonne administration du système. Elle affirme que le paiement de la restitution est subordonné à la preuve que le produit « a quitté, en l’état, le territoire géographique de la communauté ». La perte du droit n’est donc pas automatique, mais la conséquence d’une altération qui « est de nature à rendre plus difficile le contrôle douanier ». En effet, « un contrôle efficace est indispensable pour le bon fonctionnement du système des restitutions ». L’emballage et les dimensions constituent des éléments primordiaux pour la vérification de l’identité des marchandises. En introduisant ce critère, la Cour applique le principe de proportionnalité : la restriction imposée à l’opérateur économique est justifiée par l’objectif d’intérêt général de prévention de la fraude.
La solution ainsi dégagée emporte des conséquences significatives non seulement sur le droit à la restitution lui-même, mais également sur l’ensemble des mécanismes financiers qui lui sont associés.
II. Les conséquences étendues de la modification de la marchandise sur les avantages à l’exportation
La Cour tire les conséquences logiques de sa position en confirmant la perte du bénéfice de la restitution et en définissant un régime subsidiaire restrictif (A), tout en liant le sort des montants compensatoires monétaires à celui des restitutions (B).
A. La perte du bénéfice de la restitution et les modalités subsidiaires de régularisation
La conséquence première de la modification est la déchéance du droit à la restitution initialement fixé à l’avance. Cette sanction garantit l’effectivité de l’exigence du maintien en l’état. La Cour envisage néanmoins une hypothèse résiduelle, celle où de nouvelles formalités douanières pourraient « exceptionnellement être accomplies » a posteriori. Dans un tel cas, le taux de restitution applicable ne serait plus celui fixé à l’avance, mais « le taux en vigueur à cette date », c’est-à-dire la date à laquelle la marchandise a quitté le territoire communautaire. Cette solution prévient tout effet d’aubaine pour l’exportateur qui chercherait à choisir une date de régularisation plus favorable. Elle confirme que le fait générateur de la restitution est la sortie physique du produit, et que toute dérogation à ce principe doit être interprétée strictement.
B. L’indissociabilité du sort de la restitution et de celui des montants compensatoires monétaires
La troisième question posée par la juridiction de renvoi visait à déterminer si ce raisonnement était transposable aux montants compensatoires monétaires (MCM). La Cour y répond par l’affirmative, en se fondant sur le lien structurel entre les deux mécanismes. Elle rappelle que, selon la réglementation applicable, « les mcm ne peuvent être fixés à l’avance que si les prélèvements et les restitutions le sont aussi ». Il en découle une dépendance directe : « la perte de la restitution fixée à l’avance entraîne aussi la perte du mcm fixé à l’avance ». Cette solidarité des régimes s’explique par leur finalité commune au sein de la politique agricole. Ainsi, l’impossibilité de garantir l’identité de la marchandise pour la restitution contamine nécessairement le droit au MCM. La Cour conclut qu’on « ne saurait se référer à des dates différentes pour fixer le taux du mcm, d’une part, et le taux de la restitution, d’autre part ».