Saisie d’une question préjudicielle par le College van beroep voor het bedrijfsleven, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé, dans une décision du premier semestre de l’année 1981, le champ d’application de la libération des obligations dans le cadre du régime de transit communautaire externe. En l’espèce, une société avait effectué une déclaration de transit pour des marchandises en provenance d’un pays tiers et destinées à un autre État membre. Conformément à la réglementation, une garantie globale avait été constituée par le cautionnement d’une tierce personne. Après une première communication du bureau de douane de départ informant l’opérateur que le document de transit était considéré comme apuré, les autorités ont découvert que ledit document était entaché de fausses déclarations. Elles ont alors révoqué l’apurement et réclamé au principal obligé le paiement des droits et taxes correspondants.
La société a contesté cette perception devant la juridiction nationale en soutenant que l’apurement initial du document de transit l’avait libérée de ses engagements, en application de l’article 35, alinéa 1, du règlement n° 542/69. Les autorités douanières néerlandaises objectaient que cet effet libératoire ne bénéficiait qu’au garant et non au principal obligé. La juridiction de renvoi a donc interrogé la Cour sur l’interprétation de l’expression néerlandaise « degene die zekerheid heeft gesteld », afin de déterminer si celle-ci incluait également le principal obligé. La Cour de justice répond par la négative, considérant que la libération prévue par la disposition litigieuse ne vise que la personne qui s’est portée caution.
La solution retenue par la Cour repose sur une distinction nette entre les rôles et les engagements du principal obligé et ceux du garant (I), justifiant une interprétation stricte de la portée de l’apurement du document de transit (II).
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I. La distinction fonctionnelle entre le principal obligé et le garant
La Cour de justice fonde son raisonnement sur la séparation des obligations qui incombent au principal obligé, dont la responsabilité est étendue (A), et celles qui pèsent sur le garant, dont l’engagement est précisément circonscrit (B).
A. L’engagement étendu du principal obligé à la bonne fin de l’opération
Le principal obligé est la figure centrale de l’opération de transit communautaire. C’est la personne qui, en signant la déclaration de transit, « répond vis-à-vis des autorités compétentes de l’exécution régulière de cette opération ». Cette responsabilité, comme le rappelle la Cour, est de nature substantielle car elle engage l’opérateur à mener à bien le transport des marchandises jusqu’au bureau de destination, dans le respect de l’ensemble des dispositions réglementaires.
La Cour souligne que la finalité de cet engagement est de garantir la régularité matérielle du transit. En cas d’irrégularité ou d’infraction constatée, l’article 36 du règlement met à la charge du principal obligé le recouvrement des droits et autres impositions, sans préjudice d’éventuelles poursuites pénales. Sa responsabilité n’est donc pas seulement financière, mais couvre l’intégralité du processus de transit, ce qui justifie un régime de libération de ses obligations plus exigeant que celui applicable au simple garant.
B. L’obligation circonscrite du garant à la couverture financière des droits
À la différence du principal obligé, le garant assume un engagement d’une nature et d’une portée différentes. La Cour relève que la constitution d’une garantie a pour unique objet d’« assurer la perception des droits et autres impositions » que les États membres pourraient exiger. L’obligation du garant est donc purement financière et accessoire à l’opération de transit elle-même.
De plus, la juridiction européenne met en exergue le fait que la garantie globale prend la forme du « cautionnement solidaire d’une personne tierce physique ou morale ». Cette altérité entre le principal obligé et le garant est fondamentale dans l’économie du règlement. La Cour s’appuie sur cette distinction personnelle pour conclure que les termes de l’article 35, même dans leur version néerlandaise ambiguë, ne sauraient viser indistinctement les deux acteurs. La libération de l’engagement est ainsi spécifiquement attachée à la fonction de cautionnement et à la personne qui l’assume.
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Cette différenciation stricte des statuts et des obligations justifie l’interprétation restrictive retenue par la Cour, qui vise à préserver la cohérence du système de transit communautaire.
II. La portée de l’interprétation stricte de la libération des engagements
L’arrêt illustre la méthode d’interprétation de la Cour, qui privilégie une approche systémique pour résoudre une ambiguïté textuelle (A), et confirme par là même que la sécurité juridique offerte par l’apurement du document de transit ne bénéficie qu’au garant (B).
A. Le recours à une interprétation systémique et téléologique du règlement
Face à une divergence entre les versions linguistiques du règlement, la Cour écarte une analyse purement littérale de la version néerlandaise. Elle affirme qu’il « convient d’interpréter cet article en fonction tant des finalités que de l’économie générale de l’ensemble des dispositions dont il relève ». Cette approche téléologique et systémique permet de dépasser l’ambiguïté du texte pour en dégager le sens le plus cohérent avec les objectifs du régime de transit.
En procédant ainsi, la Cour veille à ce que l’application de la réglementation ne conduise pas à des résultats contraires à sa finalité, qui est d’assurer la fluidité des échanges tout en garantissant la perception des droits de douane. Assimiler le principal obligé au garant au regard de l’effet libératoire de l’article 35 aurait créé une faille dans le système, en permettant à l’acteur principal de se décharger de sa responsabilité fondamentale sur la base d’un apurement administratif qui peut s’avérer erroné.
B. La confirmation de la sécurité juridique au profit du seul garant
En définitive, la Cour décide que la libération consécutive à l’apurement du document T1 par le bureau de départ est une mesure de protection spécifique au garant. Cette solution se justifie par la position particulière de ce dernier, qui n’a pas la maîtrise matérielle de l’opération de transit. La notification de l’apurement lui permet de considérer son engagement financier comme éteint et de libérer les fonds provisionnés pour la garantie.
A contrario, le principal obligé reste tenu de la bonne exécution de l’opération jusqu’à la preuve irréfutable de son achèvement régulier. L’apurement initial du document par le bureau de départ ne constitue pour lui qu’une simple étape administrative, révocable en cas de découverte d’une fraude ou d’une irrégularité. La décision renforce ainsi l’efficacité du régime de transit en faisant peser la responsabilité ultime de l’opération sur celui qui l’organise et en tire profit.