Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 25 juillet 1991. – Hauptzollamt Karlsruhe contre Gebrüder Hepp GmbH & Co. KG. – Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof – Allemagne. – Valeur en douane – Commission d’achat. – Affaire C-299/90.

Par un arrêt du 20 juin 1991, la Cour de justice des Communautés européennes, saisie sur renvoi préjudiciel, a précisé les modalités de détermination de la valeur en douane lorsqu’un commissionnaire intervient dans une transaction d’importation. En l’espèce, une société importatrice établie dans la Communauté a eu recours aux services d’un intermédiaire pour l’achat de marchandises auprès d’un fournisseur situé en Extrême-Orient. En vertu de leur accord, l’intermédiaire agissait en son propre nom mais pour le compte de l’importateur, lequel assumait seul le risque financier de l’opération. L’intermédiaire facturait séparément à l’importateur le prix des marchandises et une commission pour son service de représentation.

La procédure a été initiée lorsque les autorités douanières nationales ont contesté la valeur déclarée par la société importatrice. Cette dernière avait mentionné son intermédiaire en tant que « vendeur » sur la déclaration en douane et avait déclaré le prix qui lui était facturé par celui-ci, sans y inclure la commission. Les autorités douanières estimaient que cette commission devait être intégrée à la valeur en douane des marchandises. Le litige fut porté devant le Bundesfinanzhof, qui a alors décidé de surseoir à statuer et de poser plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice. Il s’agissait de déterminer quelle transaction devait être considérée comme la vente pertinente au sens du règlement n°1224/80 pour la fixation de la valeur transactionnelle, et si la qualification erronée de l’intermédiaire comme vendeur par l’importateur affectait le traitement de la commission versée. La Cour a jugé que la seule transaction à retenir est celle conclue entre le fabricant et l’importateur, car elle reflète la réalité économique de l’opération. Par conséquent, la rémunération de l’intermédiaire constitue une commission d’achat non imposable, et l’erreur formelle dans la déclaration en douane ne peut modifier cette qualification substantielle.

Cette décision réaffirme la primauté de la réalité économique pour l’identification de la transaction de référence, permettant ainsi de clarifier le traitement de la commission versée à l’intermédiaire.

I. La consécration de la transaction économique réelle comme unique vente de référence

La Cour de justice opère une clarification essentielle en retenant une conception purement économique de la vente pour déterminer la valeur en douane. Elle écarte ainsi l’idée que plusieurs contrats pourraient servir de base à l’évaluation, pour ne retenir que celui qui lie économiquement le fournisseur à l’importateur final.

A. L’identification de la vente par le critère du risque financier

La Cour de justice souligne que le rôle d’un intermédiaire agissant pour le compte d’un importateur est celui d’un simple représentant, même s’il agit en son propre nom. Son intervention ne vise qu’à faciliter la conclusion d’un contrat de vente entre son mandant, l’importateur, et le fournisseur. Le critère décisif retenu par la Cour est celui du risque financier, qui est exclusivement supporté par l’importateur. En conséquence, la Cour juge que « la transaction à laquelle il convient de se référer pour déterminer la valeur en douane (…) est celle intervenue entre le fabricant ou fournisseur des marchandises, d’une part, et l’importateur, d’autre part ». Cette approche réaliste met en lumière que l’intermédiaire, n’assumant aucune des charges économiques de l’achat et de la revente, ne peut être considéré comme partie à une vente distincte avec l’importateur. Il n’est qu’un prestataire de services dont la fonction est de représenter les intérêts de l’acheteur.

B. Le rejet d’une option de valeur en douane pour l’importateur

En adoptant cette solution, la Cour de justice réfute fermement la thèse, avancée notamment par le gouvernement allemand, selon laquelle l’importateur disposerait d’un choix entre le prix de la transaction fabricant-intermédiaire et celui de la transaction intermédiaire-importateur. Une telle faculté de choix serait contraire à l’objectif du règlement douanier, qui est d’instaurer « un système équitable, uniforme et neutre d’évaluation en douane qui exclut l’utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives ». Autoriser un tel choix introduirait une part d’arbitraire dans la détermination de l’assiette des droits de douane, permettant aux opérateurs de moduler la valeur déclarée en fonction de la transaction la plus avantageuse. En privilégiant une analyse objective fondée sur la réalité économique de l’opération, la Cour garantit une application uniforme du droit douanier et préserve la neutralité du système de valeur transactionnelle, empêchant que la structure juridique formelle de l’intermédiation ne serve à minorer artificiellement la base d’imposition.

II. L’exclusion sécurisée de la commission d’achat de la valeur en douane

La qualification de la transaction de référence a pour conséquence directe et logique de définir la nature de la rémunération versée à l’intermédiaire. La Cour confirme que cette rémunération est une commission d’achat, dont le traitement douanier est clairement défini par la réglementation, et ce, indépendamment des erreurs commises par l’importateur dans ses déclarations.

A. La qualification irréfutable de commission d’achat

Dès lors que l’unique vente est celle conclue entre le fournisseur et l’importateur, la somme versée à l’intermédiaire ne peut être considérée comme une partie du prix de vente. Elle constitue la rémunération d’un service de représentation, correspondant exactement à la définition de la commission d’achat donnée par le règlement n°1224/80 comme les « sommes versées par un importateur à son agent pour le service qui a consisté à le représenter en vue de l’achat des marchandises à évaluer ». Or, ce même règlement dispose explicitement en son article 8 que les commissions d’achat sont exclues de la valeur en douane. La Cour en tire la conclusion nécessaire en affirmant que la commission versée à l’intermédiaire « ne doit pas, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous a), i), du règlement de base, être incluse dans la valeur en douane ». La solution est donc une application stricte et cohérente des textes régissant la matière.

B. L’indifférence de l’erreur matérielle de la déclaration en douane

L’apport le plus significatif de l’arrêt réside dans la portée qu’il accorde à la réalité substantielle de l’opération par rapport aux aspects formels de la déclaration. L’importateur avait désigné son commissionnaire comme « vendeur », ce qui pouvait laisser penser qu’il avait lui-même choisi de considérer la seconde transaction comme la vente de référence. La Cour écarte cet argument avec une grande fermeté, jugeant que « la manière dont l’importateur remplit concrètement les formalités administratives relatives à la déclaration en douane n’est pas de nature à changer le fond de la situation juridique ». Cette affirmation consacre la primauté du fond sur la forme en matière de valeur en douane. Une simple erreur de plume ou une qualification inappropriée sur un formulaire ne saurait suffire à requalifier une relation juridique et économique objective, ni à remettre en cause les règles de détermination de la valeur transactionnelle. La solution apporte une sécurité juridique appréciable pour les importateurs, qui ne peuvent se voir imposer des droits de douane supplémentaires en raison d’une simple maladresse déclarative.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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