Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 16 octobre 1991. – Hauptzollamt Hamburg-Jonas contre Wünsche Handelsgesellschaft GmbH & Co. KG. – Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof – Allemagne. – Conserves de champignons – Mesures de sauvegarde. – Affaire C-26/90.

Par un arrêt rendu sur renvoi préjudiciel d’une juridiction allemande, la Cour de justice des Communautés européennes s’est prononcée sur l’interprétation et la validité de règlements instituant des mesures de sauvegarde dans le secteur des conserves de champignons. En l’espèce, une société importatrice avait mis en libre pratique des conserves de champignons déclarées comme sauvages, accompagnées des certificats correspondants. Postérieurement à cette mise en libre pratique, une expertise a révélé qu’il s’agissait en réalité de champignons cultivés. L’importateur a alors produit des certificats valables pour des champignons cultivés, mais l’autorité douanière a refusé de les prendre en compte, estimant qu’ils ne pouvaient être présentés a posteriori. En conséquence, cette autorité a considéré les importations comme non couvertes par des certificats valables et a exigé le paiement d’un montant supplémentaire au titre des mesures de sauvegarde.

La société importatrice a contesté cette décision devant les juridictions nationales. Le litige a finalement conduit la juridiction suprême allemande à saisir la Cour de justice de deux questions préjudicielles. Il s’agissait d’une part de déterminer si le montant supplémentaire, prévu pour les importations dépassant un certain volume, s’appliquait également aux marchandises mises en libre pratique sans certificat d’importation valable. D’autre part, la Cour était invitée à examiner la validité de ces règlements au regard du principe de proportionnalité, en raison du niveau forfaitaire du montant exigé. La Cour de justice a répondu que le montant supplémentaire devait bien être perçu dans une telle situation pour garantir l’efficacité du système. Elle a cependant déclaré les règlements invalides quant au niveau de ce montant, le jugeant disproportionné et contraire au droit communautaire.

Ainsi, la décision clarifie le champ d’application des mesures de sauvegarde (I), tout en en sanctionnant le caractère excessif au regard des principes fondamentaux du droit communautaire (II).

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I. La consolidation du champ d’application de la mesure de sauvegarde

La Cour de justice adopte une interprétation stricte des règlements en cause, justifiée par la nécessité de préserver l’intégrité du mécanisme de sauvegarde. Elle affirme ainsi que le montant supplémentaire est applicable dès lors qu’un certificat valable fait défaut (A), indépendamment des circonstances de l’importation (B).

A. Une application du montant supplémentaire dictée par la finalité du système

La Cour écarte l’argument de la société importatrice selon lequel le dépassement effectif des quantités fixées serait le seul critère de perception du montant supplémentaire. Elle établit un lien indissociable entre la validité du certificat d’importation et le respect des quotas. Le certificat n’est pas une simple formalité administrative, mais l’instrument par lequel le respect des limites quantitatives est assuré. Selon la Cour, « l’efficacité de ce système serait dès lors compromise si la mise en libre pratique dans la Communauté pouvait être effectuée sans qu’il puisse être vérifié, par la production d’un certificat d’importation, que les quantités de marchandises en cause ne dépassent pas les quantités établies par les règlements précités ».

Cette approche téléologique permet de considérer toute importation non couverte par un certificat valable comme une importation excédentaire. Le défaut de présentation d’un document conforme au moment de la mise en libre pratique équivaut, pour le système de contrôle, à une importation hors quota. La perception du montant supplémentaire devient alors la conséquence logique et nécessaire pour maintenir la cohérence et l’effet utile des mesures de sauvegarde.

B. Une interprétation rigoureuse indifférente à la bonne foi de l’opérateur

La Cour précise que le montant doit être perçu même lorsque l’invalidité du certificat est constatée après la mise en libre pratique des marchandises. Cette solution renforce le caractère objectif de la mesure de sauvegarde. Le mécanisme n’a pas pour but de sanctionner une faute ou une intention frauduleuse de l’importateur, mais de protéger le marché communautaire contre des perturbations. Par conséquent, les circonstances subjectives, telles que la bonne foi de l’opérateur, sont inopérantes.

La solution retenue est sévère mais cohérente avec la nature du droit douanier, qui repose sur des critères objectifs pour garantir une application uniforme et prévisible. La Cour affirme ainsi que « chaque importation effectuée sans certificat d’importation valable, même si l’importateur est de bonne foi, doit être considérée comme étant faite en dépassement des quantités fixées et entraîner la perception du montant supplémentaire prévu ». L’obligation de présenter un certificat valable au moment opportun constitue une diligence incombant à l’importateur, dont le manquement, même involontaire, déclenche automatiquement l’application de la mesure corrective.

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II. La sanction de la violation du principe de proportionnalité

Si la Cour valide le principe de l’application du montant, elle en censure sévèrement les modalités au regard du principe de proportionnalité. Elle constate que le niveau forfaitaire du montant est excessif par rapport à l’objectif poursuivi (A) et qu’il engendre une discrimination injustifiée entre les importateurs (B).

A. Un montant forfaitaire excédant le strict nécessaire

La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle la légalité des mesures imposant des charges financières est subordonnée à leur caractère approprié et nécessaire. Le montant supplémentaire, en l’espèce, visait à éviter des perturbations graves sur le marché communautaire, non à interdire purement et simplement les importations. Or, la Commission avait fixé ce montant à un niveau correspondant au prix de revient des conserves de champignons de première catégorie produites dans le pays le plus compétitif de la Communauté.

La Cour juge qu’un tel niveau n’était pas nécessaire pour atteindre l’objectif de stabilisation du marché. En rendant le coût des importations, notamment celles de moindre qualité, prohibitif, la mesure dépassait son but régulateur pour devenir punitive. La Cour rejette l’argument de la Commission selon lequel un niveau élevé était nécessaire pour être dissuasif, en rappelant que « l’objectif poursuivi par les règlements n’était pas d’exclure totalement les importations au-delà des quantités fixées ». La fixation d’un montant aussi élevé constitue donc une charge démesurée pour les opérateurs économiques.

B. Un montant forfaitaire créant une charge financière discriminatoire

Le caractère forfaitaire du montant, appliqué uniformément à toutes les importations sans distinction de qualité ou de provenance, est au cœur de la censure de la Cour. Ce système a pour effet de pénaliser de manière disproportionnée les importations de champignons de catégories inférieures, dont le prix est naturellement plus bas. Pour ces produits, le montant supplémentaire représente une part beaucoup plus importante de leur coût, créant une distorsion de concurrence injustifiée.

La Cour souligne que cette approche méconnaît les possibilités de modulation offertes par le droit communautaire. En effet, l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 521/77 autorisait explicitement la Commission à tenir compte, entre autres, de la qualité des produits pour différencier les mesures de sauvegarde. En omettant de le faire, la Commission a imposé une charge qui « aboutit ainsi à pénaliser davantage les importateurs de champignons de moindre qualité que ceux de champignons de première catégorie ». La Cour conclut donc à l’invalidité des articles fixant le niveau du montant, sanctionnant une mesure qui, sous couvert de protection du marché, violait le principe d’égalité de traitement en imposant une charge financière inéquitable.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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