Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 12 juin 1986. – Bernhard Schloh contre SPRL Auto contrôle technique. – Demande de décision préjudicielle: Justice de paix de Schaerbeek (3e canton) – Belgique. – Interprétation des articles 30 et 13 du traité – Modalités d’admission et d’immatriculation des véhicules importés. – Affaire 50/85.

Par un arrêt en date du 12 février 1986, la Cour de justice des Communautés européennes s’est prononcée, sur renvoi préjudiciel d’une juridiction belge, sur la compatibilité de réglementations nationales en matière de contrôle technique automobile avec les dispositions du traité CEE relatives à la libre circulation des marchandises.

En l’espèce, un particulier avait acquis un véhicule automobile en République fédérale d’Allemagne et l’avait importé en Belgique. Ce véhicule, bien que muni d’un certificat de conformité aux types de véhicules agréés en Belgique, a dû subir un premier contrôle technique avant son immatriculation, donnant lieu au paiement d’une redevance. Quelques jours après, l’autorité nationale a exigé une seconde visite technique, assortie d’une nouvelle redevance, afin de vérifier si le véhicule pouvait être dispensé du contrôle technique annuel. Le propriétaire du véhicule a contesté la légalité de ces deux contrôles et des redevances correspondantes en saisissant la justice.

La juridiction de renvoi a alors interrogé la Cour de justice sur le point de savoir si l’exigence d’un contrôle technique pour un véhicule importé muni d’un certificat de conformité, ainsi que l’exigence d’un second contrôle et le paiement des redevances afférentes, constituaient des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’importation prohibées par l’article 30 du traité CEE, et des taxes d’effet équivalent interdites par l’article 13.

La Cour répond que le contrôle technique d’un véhicule importé est bien une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 30, mais qu’elle peut être justifiée au titre de l’article 36 pour des motifs de sécurité routière, à condition de ne pas être discriminatoire et de s’appliquer à des véhicules ayant déjà été mis en circulation. En revanche, elle juge qu’un second contrôle dont l’unique objet est d’obtenir une déclaration administrative constitue une mesure disproportionnée et donc une entrave injustifiée. Par conséquent, la redevance perçue pour un contrôle illégal est elle-même illégale, tandis que celle perçue pour un contrôle justifié est admissible si elle ne discrimine pas les produits nationaux.

L’arrêt conduit à analyser la qualification du contrôle technique comme une entrave à la libre circulation et les strictes conditions de sa justification (I), avant d’étudier la sanction par la Cour des modalités de contrôle jugées disproportionnées et les conséquences financières qui en découlent (II).

I. La qualification du contrôle technique en mesure d’effet équivalent et sa justification conditionnelle

La Cour de justice rappelle d’abord que le contrôle technique constitue une entrave à la libre circulation des marchandises (A), avant de préciser les conditions strictes dans lesquelles une telle mesure peut néanmoins être justifiée par des exigences impératives (B).

A. L’entrave à la libre circulation des marchandises constituée par le contrôle technique

La Cour réaffirme sa jurisprudence constante en qualifiant de mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative les formalités de contrôle technique imposées à l’importation. En effet, de telles procédures rendent l’immatriculation des véhicules importés plus complexe, plus longue et plus onéreuse que celle des véhicules nationaux qui ne seraient pas soumis aux mêmes exigences lors de leur première mise en circulation. L’existence même d’un certificat de conformité, qui atteste que le véhicule respecte les normes techniques de l’État membre d’importation, devrait en principe suffire à permettre sa libre circulation sans obstacle supplémentaire.

En soumettant l’immatriculation à une visite technique, la réglementation nationale ajoute une condition non prévue par les textes communautaires d’harmonisation, créant ainsi une entrave potentielle aux échanges. La Cour précise que les « contrôles techniques constituent des formalités qui rendent plus difficile et plus onéreuse l’immatriculation des véhicules importés et revêtent, en conséquence, le caractère de mesures d’effet équivalant à une restriction quantitative ». Cette position confirme une interprétation large de l’article 30 du traité, visant à démanteler non seulement les barrières tarifaires mais aussi toutes les entraves non tarifaires qui cloisonnent les marchés nationaux.

B. La justification de l’entrave par la protection de la sécurité routière

Bien que qualifiée d’entrave, une telle mesure peut échapper à l’interdiction de l’article 30 si elle est justifiée par l’une des raisons énumérées à l’article 36 du traité, notamment la protection de la santé et de la vie des personnes. La Cour admet que la sécurité routière relève de cet objectif. Toutefois, elle encadre cette justification par deux conditions cumulatives.

D’une part, la mesure doit être nécessaire pour atteindre l’objectif visé. La Cour opère une distinction utile : si le véhicule importé n’a jamais été mis en circulation, le certificat de conformité suffit. En revanche, si le véhicule a déjà circulé, un contrôle technique peut être jugé nécessaire « pour vérifier que ce véhicule n’a pas été accidenté et se trouve en bon état d’entretien ». La justification ne vaut donc que pour les véhicules d’occasion. D’autre part, la mesure ne doit constituer ni une discrimination arbitraire ni une restriction déguisée. Cela implique que le contrôle technique ne saurait être justifié s’il n’est pas également imposé aux véhicules d’origine nationale présentés à l’immatriculation dans des conditions similaires. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier que ce traitement non discriminatoire est bien assuré en pratique.

II. La sanction des modalités de contrôle disproportionnées et des redevances illicites

Après avoir posé le principe de la justification conditionnelle, la Cour examine les modalités spécifiques du litige pour sanctionner le caractère disproportionné du second contrôle (A) et pour en tirer les conséquences sur la légalité des redevances perçues (B).

A. Le rejet d’un contrôle technique redondant en application du principe de proportionnalité

La Cour examine ensuite la légalité du second contrôle technique, exigé quelques jours après le premier, dans le seul but d’obtenir une déclaration du propriétaire sur les conditions d’utilisation de son véhicule. En application d’une jurisprudence bien établie, une réglementation nationale ne peut bénéficier de la dérogation de l’article 36 que si l’objectif de protection peut être atteint de manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges.

Or, en l’espèce, l’objectif administratif recherché, à savoir obtenir une simple déclaration, ne nécessitait nullement une nouvelle présentation physique du véhicule. La Cour juge donc que le second contrôle est manifestement disproportionné. Elle affirme que « le but recherché peut, en effet, être atteint par la simple exigence de cette déclaration écrite de la part du détenteur, en l’absence de toute présentation du véhicule à un organisme d’inspection automobile agréé à cet effet ». Cette solution illustre un contrôle rigoureux de la proportionnalité, qui impose aux États membres de choisir la voie la moins contraignante pour le commerce intracommunautaire lorsqu’ils mettent en œuvre des politiques légitimes. Le second contrôle est donc une mesure d’effet équivalent interdite par le traité.

B. Le traitement des redevances afférentes aux contrôles au regard du droit communautaire

La Cour tire logiquement les conséquences de son analyse sur les redevances perçues. Elle établit une corrélation directe entre la légalité du contrôle et celle de la charge pécuniaire qui l’accompagne. Ainsi, « la redevance perçue à l’occasion d’un contrôle technique contraire au traité est elle-même contraire au traité par voie de conséquence ». La redevance liée au second contrôle, jugé illégal, doit donc être remboursée.

En revanche, pour la redevance liée au premier contrôle, la solution est différente. Si ce contrôle est jugé justifié par la juridiction nationale au regard des conditions posées par l’article 36, la redevance n’est pas une taxe d’effet équivalent à un droit de douane, mais une imposition intérieure relevant de l’article 95 du traité (actuel article 110 TFUE). À ce titre, elle est licite à la condition qu’elle ne soit pas discriminatoire, c’est-à-dire que « son taux n’est pas supérieur à celui de la redevance frappant, dans les mêmes circonstances, un véhicule de provenance nationale ». Cet arrêt fournit ainsi une grille d’analyse claire, distinguant les entraves pures des impositions intérieures et assurant que la justification d’une mesure au titre de l’article 36 ne serve pas de prétexte à une discrimination fiscale.

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