Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 9 février 1984. – Ospig Textilgesellschaft KG W. Ahlers contre Hauptzollamt Bremen-Ost. – Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Bremen-Ost – Allemagne. – Valeur en douane des marchandises – Inclusion ou non des frais de quotas. – Affaire 7/83.

Par un arrêt du 13 janvier 1983, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé les contours de la notion de valeur transactionnelle en matière douanière. En l’espèce, une société importatrice avait procédé à l’acquisition de produits textiles auprès d’un exportateur établi dans un pays tiers. Le paiement de l’opération avait été scindé, distinguant le prix des marchandises de celui versé pour l’obtention de contingents d’exportation, lesquels étaient nécessaires à la sortie des produits du territoire de l’exportateur. Saisie de la déclaration en douane, l’administration nationale compétente avait réintégré ces « frais de quotas » dans la valeur en douane, augmentant ainsi l’assiette des droits applicables. L’importateur, après le rejet de sa réclamation administrative, a contesté cette décision devant la juridiction nationale. Celle-ci, confrontée à une difficulté d’interprétation du droit communautaire, a décidé de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour. Il était ainsi demandé si les frais acquittés pour l’acquisition de contingents d’exportation, facturés séparément des marchandises, devaient être inclus dans la valeur en douane au sens du règlement n° 1224/80. À cette question, la Cour a répondu par la négative, jugeant que « les frais de quotas correspondant à l’acquisition de contingents d’exportation ne font pas partie intégrante de la valeur en douane des marchandises importées ». La solution retenue par la Cour repose sur une interprétation stricte des textes applicables à la valeur transactionnelle (I), cette approche visant à garantir l’uniformité du système d’évaluation en douane (II).

I. Une interprétation stricte de la valeur transactionnelle

La Cour fonde sa décision sur une analyse littérale des dispositions du règlement n° 1224/80, excluant les frais de quotas tant de la définition du prix payé ou à payer (A) que de la liste des éléments additionnels à ce prix (B).

A. L’exclusion des frais de quotas du prix payé ou à payer

La juridiction communautaire rappelle d’abord la définition de la valeur en douane posée par l’article 3 du règlement. Celle-ci correspond à « la valeur transactionnelle, c’est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation ». Cette définition est complétée par le paragraphe 3 du même article, qui précise que ce prix inclut « tous les paiements effectués ou à effectuer, comme condition de la vente des marchandises importées ». L’analyse de la Cour suggère que les frais de quotas, bien que nécessaires à la réalisation de l’opération d’importation dans son ensemble, ne constituent pas une condition de la vente des marchandises elles-mêmes. Leur objet n’est pas de rémunérer le vendeur pour les biens fournis, mais de permettre à l’exportation d’avoir lieu au regard d’une réglementation de limitation quantitative. Ces frais ne sont donc pas payés « pour les marchandises » au sens strict de la disposition.

B. Le rejet d’une interprétation extensive des frais annexes

La Cour souligne ensuite que l’article 8 du règlement, qui énumère les seuls éléments pouvant être ajoutés au prix effectivement payé ou à payer, dresse une liste limitative. Or, parmi les commissions, frais de transport, redevances ou autres coûts qui y figurent, les « frais de quotas » n’apparaissent pas. Cette absence implique, selon une interprétation stricte, qu’ils ne peuvent être artificiellement réintégrés dans la valeur en douane. La Cour renforce son raisonnement en distinguant clairement la finalité des deux réglementations en présence. D’une part, le système des contingents vise à un contrôle quantitatif des importations textiles pour des raisons de politique commerciale. D’autre part, le règlement sur la valeur en douane a pour objectif d’établir « un système équitable, uniforme et neutre d’évaluation ». L’un ne saurait donc interférer avec l’interprétation de l’autre.

Au-delà de cette exégèse littérale, la décision de la Cour se justifie par la nécessité de préserver les principes fondamentaux du droit douanier communautaire.

II. La préservation d’un système d’évaluation uniforme et équitable

En refusant d’intégrer les frais de quotas, la Cour rejette une distinction qui serait source d’insécurité juridique (A) et consacre ainsi le principe de neutralité de l’évaluation douanière (B).

A. Le refus d’une distinction fondée sur le bénéficiaire du paiement

L’administration douanière nationale s’appuyait sur un argument a contrario tiré d’un avis du comité de la valeur en douane. Selon cet avis, les frais de licence payés par l’acheteur à un tiers indépendant du vendeur ne font pas partie du prix. L’administration en déduisait que, lorsque ces frais sont facturés par le vendeur lui-même, ils doivent être inclus. La Cour écarte fermement cette distinction, considérant que la solution doit être identique dans les deux cas. Elle estime qu’il serait inéquitable de traiter différemment les importateurs selon que le vendeur se procure lui-même les quotas ou que l’acheteur les acquiert séparément. Une telle approche créerait « une disparité injustifiée entre importateurs de la Communauté placés pourtant dans une situation analogue ».

B. La consécration du principe de neutralité de l’évaluation en douane

La portée de l’arrêt réside dans sa volonté de garantir un traitement uniforme et neutre des opérateurs économiques. En se concentrant sur la nature intrinsèque de la dépense plutôt que sur les modalités de sa facturation, la Cour assure la prévisibilité du calcul des droits de douane. La valeur en douane doit refléter la valeur commerciale des marchandises elles-mêmes, et non les coûts annexes liés à des réglementations administratives qui régissent leur circulation. Cette décision établit ainsi une jurisprudence claire, empêchant que la valeur transactionnelle soit affectée par des éléments exogènes au contrat de vente. Elle renforce par conséquent les principes d’équité et de neutralité qui fondent le système commun d’évaluation en douane, en assurant que des marchandises identiques soient taxées de manière identique, indépendamment des arrangements commerciaux entourant l’obtention des autorisations d’exportation.

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Hassan KOHEN
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