Chambre commerciale financière et économique de la Cour de cassation, le 25 juin 2025, n°24-11.998

La décision rendue par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation le 25 juin 2025 illustre le mécanisme de filtrage des pourvois instauré par l’article 1014 du code de procédure civile. Cette procédure permet à la Haute juridiction de rejeter sans motivation spéciale les moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

En l’espèce, un particulier et une société à responsabilité limitée spécialisée dans l’expertise boursière avaient formé un pourvoi contre un arrêt rendu le 15 novembre 2023 par la cour d’appel de Paris. Le litige les opposait à plusieurs personnes physiques, dont les liens familiaux ressortent des éléments de la procédure. La nature exacte du différend n’est pas précisée dans la décision commentée, celle-ci se bornant à constater l’absence de sérieux du moyen invoqué.

Après communication du dossier au procureur général et examen du rapport établi par le conseiller rapporteur, la formation de jugement a statué à l’issue d’une audience publique tenue le 13 mai 2025. Le président, le conseiller rapporteur et le conseiller doyen composaient cette formation restreinte.

La question posée à la Cour de cassation était de déterminer si le moyen de cassation présenté par les demandeurs justifiait un examen approfondi et une décision spécialement motivée.

La Cour de cassation rejette le pourvoi en constatant que « le moyen de cassation, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Elle condamne les demandeurs aux dépens et au paiement d’une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette décision invite à examiner le mécanisme du rejet non spécialement motivé comme instrument de régulation du contentieux (I), avant d’en apprécier les conséquences procédurales et financières pour les parties (II).

I. Le rejet non spécialement motivé comme instrument de régulation

Le recours à l’article 1014 du code de procédure civile traduit une politique jurisprudentielle de gestion des flux contentieux (A), dont la mise en œuvre repose sur une appréciation souveraine du caractère sérieux des moyens (B).

A. La fonction régulatrice de l’article 1014 du code de procédure civile

L’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile autorise la Cour de cassation à rejeter un pourvoi par une décision non spécialement motivée lorsque le moyen invoqué n’est « manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Cette disposition, issue de la réforme du 11 janvier 2008, poursuit un objectif assumé de rationalisation du travail de la Haute juridiction.

Le mécanisme permet d’écarter rapidement les pourvois dépourvus de chances raisonnables de succès. La formule employée par la Cour en l’espèce reproduit fidèlement le texte légal. Elle ne fournit aucune indication sur les raisons précises du rejet. Le demandeur au pourvoi ignore ainsi si son moyen était mal fondé en droit, irrecevable pour un motif de pure forme ou simplement inopérant.

Cette économie de moyens répond à une nécessité pratique. La Cour de cassation statue chaque année sur plusieurs dizaines de milliers de pourvois. Sans un tel filtre, l’encombrement du rôle compromettrait sa capacité à remplir sa mission normative. La décision commentée participe de cette logique gestionnaire.

B. L’appréciation souveraine du caractère manifestement infondé

La formule selon laquelle le moyen « n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation » confère à la Cour un large pouvoir d’appréciation. L’adverbe « manifestement » suggère l’évidence. Le moyen écarté ne méritait pas même une discussion approfondie.

Cette appréciation échappe à tout contrôle. Aucune voie de recours ne permet de contester le refus de motivation. Le demandeur au pourvoi se trouve ainsi privé de toute explication sur les faiblesses de son argumentation. Il ne peut que constater l’échec de sa tentative.

La décision du 25 juin 2025 illustre cette situation. Les demandeurs avaient manifestement développé un ou plusieurs moyens à l’appui de leur pourvoi. Ces moyens ont été jugés irrecevables ou mal fondés de façon si évidente que la Cour n’a pas estimé nécessaire d’en discuter le mérite. Le silence de la décision laisse les parties dans l’ignorance des motifs précis du rejet.

II. Les conséquences procédurales et financières du rejet

Le rejet du pourvoi emporte des conséquences sur la charge des dépens (A) et sur l’allocation d’une indemnité au titre des frais irrépétibles (B).

A. La condamnation aux dépens des demandeurs au pourvoi

La Cour de cassation condamne les demandeurs aux dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Cette solution s’imposait. La partie qui succombe supporte en principe les frais de l’instance.

Les demandeurs, personnes physique et morale, voient ainsi confirmée la décision de la cour d’appel de Paris du 15 novembre 2023. Non seulement leur pourvoi échoue, mais ils doivent assumer les frais de la procédure de cassation. Cette charge s’ajoute à celle déjà supportée devant les juridictions du fond.

La condamnation aux dépens revêt une dimension symbolique autant que financière. Elle sanctionne l’échec d’une voie de recours extraordinaire exercée sans succès. Le risque financier attaché au pourvoi constitue un élément de la réflexion que tout justiciable devrait mener avant de saisir la Cour de cassation.

B. L’allocation d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile

La Cour condamne in solidum les demandeurs à verser aux défendeurs la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Cette disposition permet au juge d’allouer à la partie gagnante une indemnité couvrant les frais exposés et non compris dans les dépens.

Le montant retenu apparaît modéré au regard des pratiques actuelles. Trois défendeurs se partageront cette somme. Chacun percevra donc environ 1 000 euros, ce qui ne couvre vraisemblablement qu’une fraction des honoraires d’avocat aux Conseils engagés pour la défense au pourvoi.

La demande formée par les demandeurs au pourvoi sur le même fondement est rejetée. Cette solution était inévitable. Seule la partie qui obtient gain de cause peut prétendre à une telle indemnité. Les demandeurs, dont le pourvoi est rejeté, ne sauraient obtenir la condamnation de leurs adversaires à leur verser une somme au titre des frais irrépétibles.

La décision du 25 juin 2025 s’inscrit dans la pratique ordinaire de la chambre commerciale en matière de rejets non spécialement motivés. Elle rappelle que le pourvoi en cassation demeure une voie de recours incertaine dont l’exercice expose le demandeur à des conséquences financières significatives en cas d’échec.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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