Chambre commerciale financière et économique de la Cour de cassation, le 9 juillet 2025, n°24-16.379

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La chambre commerciale de la Cour de cassation, le 9 juillet 2025, censure un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 2 avril 2024, rendu après un jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 7 juillet 2022. Le litige naît d’anciens dons manuels, suivis d’une action en réduction pour atteinte à la réserve héréditaire. L’héritière obtient la restitution des droits de mutation à titre gratuit, puis réclame des intérêts moratoires sur les sommes restituées.

Les faits utiles tiennent en trois séquences. D’abord, plusieurs donations ont été consenties, avec paiement des droits correspondants. Ensuite, après le décès, des protocoles d’accord ont fixé des indemnités de réduction versées par les donataires. Enfin, l’héritière a déposé des réclamations contentieuses, accueillies par l’administration, puis sollicité des intérêts moratoires sur les restitutions opérées.

La procédure se déroule en trois temps. Le tribunal judiciaire rejette la demande d’intérêts. La Cour d’appel de Versailles l’accueille, estimant que l’article L. 208 du LPF n’exige pas une erreur initiale de l’administration. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation casse l’arrêt sans renvoi et confirme, en conséquence, le jugement de rejet. Le dispositif énonce notamment: « CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 2 avril 2024, […] par la cour d’appel de Versailles »; puis « DIT n’y avoir lieu à renvoi »; et « Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre ».

La question de droit est précise. Les intérêts moratoires prévus par l’article L. 208 du LPF sont-ils dus lorsque l’administration restitue des droits à la suite d’une réclamation tendant au bénéfice d’un droit légal né d’une réduction de libéralités, et non à la réparation d’une erreur d’assiette ou de calcul initialement commise? La solution est négative. La Cour énonce que « la restitution effectuée par l’administration n’ouvrait pas droit au versement d’intérêts moratoires », la réclamation ayant visé « le bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire ».

I. Le sens de la décision: la stricte condition d’une erreur d’assiette ou de calcul

A. Le cadre normatif des intérêts moratoires et le raisonnement écarté par le juge du fond

L’article L. 208 du LPF subordonne le paiement d’intérêts à un dégrèvement prononcé « à la suite d’une réclamation tendant à la réparation d’une erreur commise dans l’assiette ou le calcul des impositions ». Le moyen rappelait classiquement que « les intérêts courent du jour du paiement et ne sont pas capitalisés ». La Cour d’appel a estimé que la condition d’erreur ne suppose pas qu’elle soit initiale ni imputable à l’administration. Elle a jugé que « l’article L. 208 du livre des procédures fiscales ne cantonne pas son application aux circonstances que l’erreur […] l’ait été dès l’origine », ce qui élargissait le champ des restitutions productives d’intérêts.

Cette approche assimile la rectification d’une base taxable à l’application d’un droit légal postérieur, lié à la réduction de libéralités. Elle confond, en pratique, deux hypothèses distinctes: la réparation d’une erreur dans l’imposition primitivement établie, et l’effet d’un événement juridique ultérieur sur l’obligation fiscale. Elle ouvre ainsi l’accès aux intérêts au-delà de l’objectif réparateur défini par le texte.

B. La qualification opérée par la Cour de cassation: une réclamation de droit et non de réparation

La Cour de cassation retient une qualification décisive. Elle constate que la réclamation, reçue dans le délai de l’article R. 198-10 du LPF, « visait à obtenir le bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire ». Dans cette hypothèse, la restitution « n’ouvrait pas droit au versement d’intérêts moratoires ». La solution confirme que le régime de l’article L. 208 demeure strict et finalisé.

Le refus d’intérêts s’explique par la nature non réparatrice de la restitution. L’imposition initiale n’était pas affectée d’une erreur d’assiette ou de calcul au jour du paiement. La réduction des libéralités, et les protocoles qui l’ont suivie, ont seulement modifié l’assiette effective des droits dus, sans établir une faute technique dans la liquidation d’origine. La cassation sans renvoi fixe définitivement le litige, conformément à « DIT n’y avoir lieu à renvoi ».

II. Valeur et portée: la cohérence réparatrice de L. 208 et ses conséquences pratiques

A. Une interprétation fidèle à la finalité réparatrice des intérêts moratoires

L’interprétation retenue assure la cohérence du dispositif. Les intérêts moratoires compensent la privation temporaire d’une somme indûment perçue par suite d’une erreur d’assiette ou de calcul. La Cour consacre ainsi le principe rappelé au soutien du pourvoi: « pour bénéficier du versement des intérêts moratoires, le dégrèvement doit intervenir à la suite d’une réclamation contentieuse qui tend à la réparation d’une erreur commise dans l’assiette ou le calcul des impositions ». La solution préserve la frontière entre restitution de droit et réparation d’une erreur.

Cette rigueur évite une extension mécanique des intérêts à toutes restitutions fondées sur l’évolution d’éléments juridiques ou factuels postérieurs. Elle garantit l’égalité des contribuables et la prévisibilité des charges publiques. Elle écarte une capitalisation indue des contentieux successoraux par le seul effet de réclamations opportunes.

B. Des effets concrets en matière successorale et de gestion du contentieux fiscal

La portée pratique est nette pour les successions impliquant des dons manuels ultérieurement réduits. Les restitutions de droits de mutation, consécutives à la protection de la réserve, ne génèrent pas d’intérêts, sauf démonstration d’une erreur d’assiette ou de calcul au moment de l’imposition initiale. La temporalité de la réclamation, même respectueuse de l’article R. 198-10, demeure indifférente à ce titre.

La décision éclaire la stratégie procédurale des héritiers et des donataires. L’issue contentieuse sera distincte selon que la réclamation relève d’un droit légal ex post ou de la correction d’une erreur technique. La solution, définitivement fixée par « Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre », consolide un critère opératoire simple, au service d’une bonne administration de la justice fiscale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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