Chambre criminelle de la Cour de cassation, le 25 juin 2025, n°25-82.992

La chambre criminelle de la Cour de cassation, par un arrêt du 25 juin 2025, était saisie d’un pourvoi formé contre une décision de la cour d’appel de Versailles du 19 mars 2025. Le demandeur, poursuivi des chefs d’escroquerie et contrefaçon aggravées ainsi que de blanchiment en récidive, avait sollicité sa mise en liberté dans le cadre d’une procédure où un mandat de dépôt à effet différé avait été décerné à son encontre.

Les faits à l’origine du litige s’inscrivent dans une procédure pénale complexe. Le prévenu faisait l’objet de poursuites pour des infractions économiques graves, assorties de la circonstance aggravante de récidive. Un mandat de dépôt à effet différé avait été prononcé, conduisant l’intéressé à former une demande de mise en liberté. Parallèlement à son pourvoi en cassation, il s’est toutefois désisté de son appel contre la décision ayant décerné ce mandat.

La cour d’appel de Versailles, dans son arrêt du 19 mars 2025, avait déclaré la demande de mise en liberté sans objet, tirant les conséquences du désistement d’appel intervenu. Le demandeur a néanmoins formé un pourvoi contre cette décision.

La question posée à la Cour de cassation était de déterminer si le pourvoi formé contre un arrêt déclarant une demande de mise en liberté sans objet conserve lui-même un objet lorsque le désistement d’appel a rendu définitive la décision initiale.

La chambre criminelle, au visa de l’article 606 du code de procédure pénale, constate que le désistement d’appel a privé la demande de mise en liberté de tout objet et en déduit que « le pourvoi est également devenu sans objet ». Elle prononce en conséquence un non-lieu à statuer.

Cette décision, quoique brève dans sa motivation, soulève des interrogations relatives tant à la logique procédurale du non-lieu à statuer en matière de détention provisoire (I) qu’aux implications pratiques de l’articulation entre désistement et voies de recours (II).

I. La logique procédurale du non-lieu à statuer en matière de détention provisoire

La Cour de cassation applique ici une mécanique rigoureuse fondée sur la disparition de l’objet du litige (A), tout en s’inscrivant dans une jurisprudence constante relative aux demandes de mise en liberté (B).

A. La disparition de l’objet du litige par l’effet du désistement

La chambre criminelle fonde sa décision sur l’article 606 du code de procédure pénale, disposition qui permet à la Cour de constater l’absence d’objet d’un pourvoi. Le raisonnement procède par étapes successives. Le demandeur s’est désisté de son appel contre la décision ayant décerné le mandat de dépôt à effet différé. Ce désistement a rendu définitive la mesure privative de liberté ordonnée. La demande de mise en liberté, qui contestait précisément cette mesure, est donc devenue sans objet. Par voie de conséquence logique, le pourvoi dirigé contre l’arrêt constatant cette absence d’objet ne peut lui-même prospérer.

Cette construction juridique repose sur le principe selon lequel une voie de recours ne peut être exercée utilement que si elle est susceptible de modifier la situation juridique du requérant. Le désistement d’appel, acte unilatéral de renonciation à la voie de recours, emporte des effets définitifs. La cour d’appel en avait « donné acte » au demandeur, ce qui cristallise l’extinction de l’instance d’appel. Dès lors, la demande de mise en liberté, accessoire à la contestation de la mesure de sûreté, perd automatiquement sa raison d’être.

B. Une application constante en matière de contentieux de la détention

La solution retenue s’inscrit dans une jurisprudence établie de la chambre criminelle. La Cour de cassation veille à ce que les voies de recours en matière de détention provisoire conservent un caractère effectif et concret. Elle refuse de statuer sur des pourvois devenus purement théoriques. Cette position se justifie par la nature même du contentieux de la liberté, où l’urgence et l’actualité de la situation du détenu commandent des solutions pragmatiques.

Le non-lieu à statuer se distingue ici du rejet du pourvoi. La Cour ne se prononce pas sur le bien-fondé des moyens éventuellement soulevés. Elle constate simplement que la situation procédurale a évolué de telle sorte que son intervention est devenue inutile. Cette distinction n’est pas purement formelle : elle préserve l’autorité de chose jugée de la décision initiale et évite une jurisprudence sur des questions devenues abstraites.

II. Les implications pratiques de l’articulation entre désistement et voies de recours

La décision commentée illustre les conséquences parfois inattendues des choix procéduraux des parties (A) et invite à une réflexion sur la cohérence du système des recours en matière de détention (B).

A. Les conséquences du choix procédural du demandeur

Le demandeur se trouvait dans une situation particulière. Poursuivi pour des infractions graves en récidive, il faisait l’objet d’un mandat de dépôt à effet différé, mécanisme prévu à l’article 464-2 du code de procédure pénale permettant au tribunal de différer l’incarcération tout en la programmant. En formant appel puis en s’en désistant, il a lui-même provoqué la situation procédurale conduisant au non-lieu à statuer sur sa demande de mise en liberté.

Ce choix peut s’expliquer par diverses considérations pratiques. Le demandeur a peut-être estimé que ses chances de succès en appel étaient limitées, ou que le maintien de l’appel présentait des inconvénients supérieurs à ses avantages. Le désistement d’appel est un droit du justiciable, qui n’a pas à en justifier les motifs. Il reste que ce choix emporte des conséquences procédurales automatiques que le demandeur ne peut ensuite contester.

La Cour de cassation tire les conséquences logiques de cette situation. Le pourvoi formé après le désistement apparaît comme une tentative de maintenir artificiellement un débat juridique qui n’a plus lieu d’être. La chambre criminelle refuse de se prêter à cet exercice et préserve ainsi la cohérence du système procédural.

B. La cohérence du système des recours en matière de détention

L’arrêt commenté pose implicitement la question de l’articulation entre les différentes voies de recours ouvertes à la personne détenue. Le mandat de dépôt à effet différé, la demande de mise en liberté, l’appel et le pourvoi en cassation constituent autant d’instruments procéduraux dont la combinaison obéit à des règles précises. Le désistement de l’un de ces recours produit des effets sur les autres, comme l’illustre la présente espèce.

Cette mécanique procédurale garantit une certaine rationalité du système judiciaire. Elle évite que les juridictions supérieures ne soient saisies de questions devenues sans intérêt pratique pour le justiciable. Elle préserve également les ressources judiciaires en concentrant l’examen des pourvois sur les affaires présentant un enjeu réel. La décision de la chambre criminelle, en prononçant un non-lieu à statuer, participe de cette économie procédurale.

La portée de cet arrêt demeure limitée en raison de son caractère d’espèce. La solution retenue découle directement des circonstances particulières de l’affaire, notamment du désistement d’appel intervenu. Elle ne constitue pas un revirement de jurisprudence ni même un apport doctrinal significatif. Elle rappelle simplement que le système des voies de recours en matière pénale forme un ensemble cohérent dont les différents éléments interagissent. Le justiciable qui renonce à l’un de ces éléments doit en assumer les conséquences sur l’ensemble de sa stratégie contentieuse.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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