Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2000-428 DC du 4 mai 2000, a examiné la loi organisant une consultation d’un territoire d’outre-mer. Ce texte prévoyait d’interroger les citoyens sur un accord local définissant l’avenir statutaire de cette collectivité territoriale située dans l’océan Indien.
Plusieurs membres de l’assemblée parlementaire ont saisi le juge afin de contester la validité juridique de ce processus de consultation populaire. Les requérants invoquaient notamment l’absence de base légale suprême et la méconnaissance du principe fondamental d’indivisibilité de la République française.
La question posée au juge concernait la licéité d’une consultation locale portant sur l’évolution statutaire d’un territoire situé hors de la métropole. Le Conseil a jugé que le Préambule de la Constitution autorise cette démarche, tout en censurant une injonction adressée au pouvoir exécutif. L’analyse de cette décision conduit à examiner la validation du processus de consultation avant d’étudier la protection des équilibres institutionnels.
I. La validation du processus de consultation des populations d’outre-mer
A. Un fondement constitutionnel puisé dans le principe de libre détermination
Le juge fonde la validité de la consultation sur le deuxième alinéa du Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958. Ce texte permet d’offrir aux territoires d’outre-mer des « institutions nouvelles fondées sur l’idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité ». Les autorités sont ainsi habilitées à consulter les populations intéressées sur « l’évolution statutaire de leur collectivité territoriale à l’intérieur de la République ». La décision précise toutefois que les pouvoirs publics ne sauraient être liés par le résultat de ce scrutin purement consultatif. Cette solution consacre la faculté pour le législateur d’organiser un débat démocratique sans modifier immédiatement le texte de la Constitution.
B. Une consultation conciliable avec l’unité de la République française
Les requérants soutenaient que l’isolement d’une fraction du corps électoral portait atteinte au principe d’unicité du peuple français souverain. Le Conseil constitutionnel écarte ce grief en soulignant que le texte suprême distingue le peuple français des peuples d’outre-mer. Ces derniers bénéficient d’un droit reconnu à « la libre détermination et à la libre expression de leur volonté » territoriale. Cette distinction juridique permet d’organiser des consultations spécifiques sans rompre l’unité nationale ou l’indivisibilité de la République française. Le juge valide ainsi la reconnaissance d’une identité propre aux populations des territoires situés hors de la France métropolitaine.
Si la consultation est validée dans son principe, le juge veille néanmoins au respect scrupuleux des prérogatives gouvernementales et démocratiques.
II. La protection des équilibres institutionnels et des exigences démocratiques
A. La censure de l’atteinte au droit d’initiative législative du Gouvernement
Le Conseil censure la disposition imposant au Premier ministre le dépôt obligatoire d’un projet de loi avant une échéance déterminée. Une telle injonction « porte atteinte au droit d’initiative des lois » conféré par l’article 39 de la Constitution de 1958. Le législateur ne peut contraindre l’action du pouvoir exécutif sans méconnaître la séparation des pouvoirs établie par la Constitution. Le juge rappelle également que les autorités conservent leur pleine compétence pour déterminer le statut définitif de la collectivité territoriale. Cette protection préserve la liberté politique des organes constitutionnels face aux résultats d’un scrutin qui demeure simplement indicatif.
B. L’encadrement de la loyauté et de la clarté du scrutin local
La question posée aux électeurs doit impérativement satisfaire à la double exigence constitutionnelle de clarté et de loyauté du scrutin. Le juge estime que l’accord soumis à l’avis de la population décrit avec une « clarté suffisante les éléments essentiels » du statut. Cependant, il assortit sa décision d’une réserve d’interprétation exigeante afin de prévenir toute confusion dans l’esprit des citoyens votants. Les autorités devront prévoir des dispositions utiles pour rappeler aux citoyens la « portée purement consultative » de leur participation électorale. Cette exigence garantit la sincérité du processus démocratique tout en limitant strictement la portée juridique de l’accord initialement signé.