Conseil constitutionnel, Décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 27 juillet 2000, une décision fondamentale concernant la réforme de la législation sur la liberté de communication audiovisuelle. Les auteurs de la saisine ont déféré cette loi en contestant notamment les modalités de nomination des dirigeants audiovisuels et le régime de responsabilité des acteurs du réseau numérique. Le litige repose sur l’équilibre nécessaire entre la modernisation des supports techniques et la préservation des garanties constitutionnelles accordées aux citoyens et aux opérateurs. La juridiction devait déterminer si les contraintes imposées au secteur privé et les pouvoirs conférés à l’autorité de régulation respectaient les principes de liberté et de légalité. Le juge valide la priorité accordée au service public mais censure les dispositions automatisant les sanctions ou manquant de précision juridique quant à la responsabilité pénale. Cette décision permet d’étudier l’encadrement constitutionnel du pluralisme (I) avant d’examiner la protection des principes fondamentaux du droit répressif (II).

I. La consécration du pluralisme comme limite aux libertés économiques

A. Le pluralisme, objectif de valeur constitutionnelle au service du citoyen La jurisprudence constitutionnelle réaffirme que « le pluralisme des courants d’expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle » dont le respect conditionne la démocratie. Cette exigence impose que le public dispose de programmes garantissant l’expression de tendances différentes tant dans le secteur public que dans le secteur privé de l’audiovisuel. L’objectif essentiel demeure la capacité des auditeurs et téléspectateurs à exercer un libre choix sans subir la domination des intérêts privés ou des pouvoirs publics. Le législateur peut ainsi limiter la liberté de communication pour sauvegarder l’ordre public, la liberté d’autrui et la préservation indispensable de ce caractère pluraliste. La liberté proclamée par l’article 11 de la Déclaration de 1789 ne saurait être effective sans une information honnête protégée contre les logiques de pur marché.

B. La proportionnalité des restrictions imposées à la concentration Le contrôle des participations au capital des sociétés audiovisuelles répond à la volonté de prévenir la domination d’un actionnaire unique sur le paysage médiatique national. Les requérants contestaient le maintien d’un seuil de détention de capital fixé à quarante-neuf pour cent, y voyant une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre. Le Conseil estime que « les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé » de préservation du pluralisme des courants d’expression. Cette limitation n’apparaît pas disproportionnée car le législateur a parallèlement adapté les règles de concentration pour tenir compte de la plus grande disponibilité des ressources radioélectriques. La différence de traitement entre les chaînes publiques et privées se justifie par les missions spécifiques de service public incombant aux premières citées.

II. La préservation des garanties de la liberté et du droit répressif

A. La sanction de l’automaticité au nom de la nécessité des peines La loi prévoyait l’obligation pour l’autorité de régulation d’ordonner systématiquement l’insertion d’un communiqué dans les programmes en cas de manquement constaté aux obligations légales. Cette mesure est censurée car elle « interdit d’adapter, en tenant compte des circonstances propres à l’espèce, la répression à la gravité du manquement reproché » par les juges. L’automaticité d’une telle sanction méconnaît le principe de la nécessité des peines énoncé par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Toute autorité administrative exerçant un pouvoir de punition doit pouvoir moduler la sanction en fonction des faits spécifiques afin de respecter l’exigence constitutionnelle de proportionnalité. Le juge rappelle que la protection des libertés fondamentales interdit l’application de peines mécaniques qui priveraient le justiciable de garanties essentielles lors de la procédure.

B. L’exigence de précision de la loi en matière de responsabilité Le législateur avait instauré un régime de responsabilité pénale pour les prestataires d’hébergement en ligne ne procédant pas aux diligences appropriées après signalement d’un contenu illicite. Le Conseil constitutionnel censure cette disposition au motif que la loi ne détermine pas avec une précision suffisante les caractéristiques essentielles du comportement fautif incriminé. En omettant de définir les conditions de forme de la saisine par un tiers, le texte méconnaît la compétence exclusive du législateur fixée à l’article 34. Le principe de légalité des délits et des peines impose une clarté absolue dans la définition des infractions pour éviter tout arbitraire ou toute incertitude juridique. Cette censure souligne l’obligation pour le Parlement de concilier la protection de l’ordre public numérique avec la rigueur nécessaire à l’établissement d’une responsabilité pénale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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