Le Conseil constitutionnel a rendu, le 27 juillet 2000, une décision fondamentale concernant la loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Saisi par soixante députés, le juge constitutionnel devait examiner la conformité de nombreuses dispositions touchant à la procédure législative, à l’indépendance de l’audiovisuel et aux services en ligne. Les requérants contestaient notamment le régime de nomination des présidents de l’audiovisuel public, l’allocation des fréquences numériques et le régime de responsabilité des hébergeurs. La question centrale portait sur l’équilibre entre la liberté d’expression et les impératifs de pluralisme, d’ordre public et de protection de la vie privée. Le Conseil valide l’essentiel du dispositif législatif mais prononce plusieurs censures ciblées pour protéger les garanties fondamentales des citoyens.
I. Le renforcement des exigences constitutionnelles liées à la communication audiovisuelle
A. Le pluralisme comme objectif de valeur constitutionnelle indispensable
Le juge constitutionnel réaffirme avec force que le pluralisme des courants d’expression socioculturels constitue une condition essentielle du fonctionnement de la démocratie française. La libre communication des pensées ne serait pas effective si le public n’était pas à même de disposer de programmes garantissant « l’expression de tendances de caractère différent ». Cette exigence impose au législateur de veiller à ce que les auditeurs exercent leur libre choix sans subir l’influence exclusive d’intérêts privés ou publics. Le Conseil valide ainsi les mécanismes de limitation de la concentration des opérateurs, car ils permettent de prévenir le contrôle d’un actionnaire dominant sur le paysage audiovisuel. Ces restrictions à la liberté d’entreprendre sont jugées proportionnées dès lors qu’elles visent à assurer la diversité des opinions dans un contexte technique limité.
B. La protection de l’indépendance et de la vie privée des acteurs de l’audiovisuel
La décision examine les modalités de nomination des présidents des sociétés nationales de programme par l’autorité administrative indépendante de régulation. Si la motivation des décisions participe d’un souci de transparence légitime, la publication intégrale des auditions et débats pose une difficulté constitutionnelle majeure. Le Conseil estime que « ne serait plus assurée en pareil cas l’entière liberté de parole tant des candidats que des membres du Conseil » de régulation. Le secret des délibérations demeure une condition nécessaire à l’élaboration d’une décision collégiale éclairée, fondée sur le seul intérêt général du secteur public. En conséquence, l’obligation de rendre publics les procès-verbaux est censurée car elle porte une atteinte excessive au respect de la vie privée des personnes concernées.
II. Le contrôle rigoureux du pouvoir législatif en matière de sanctions et de numérique
A. La censure des sanctions automatiques au nom de la nécessité des peines
Le législateur avait instauré un mécanisme obligeant les éditeurs de services à diffuser un communiqué en cas de manquement à leurs obligations professionnelles. Le Conseil constitutionnel rappelle que toute sanction administrative ayant le caractère d’une punition doit impérativement respecter les principes de nécessité et de proportionnalité. L’automaticité prévue par la loi interdisait à l’autorité de régulation d’adapter la répression en tenant compte des circonstances particulières de chaque espèce. Cette rigidité législative pourrait conduire à infliger une sanction « non proportionnée aux faits reprochés », méconnaissant ainsi l’article 8 de la Déclaration de 1789. Le juge censure donc cette disposition afin de garantir que chaque peine soit strictement nécessaire et adaptée à la gravité réelle du manquement constaté.
B. L’exigence de précision législative face aux nouveaux services de communication en ligne
Le texte instaurait un régime de responsabilité pénale pour les hébergeurs internet n’ayant pas agi promptement après avoir été saisis par un tiers. Le Conseil censure ce dispositif au motif que le législateur n’a pas exercé l’intégralité de sa compétence prévue par l’article 34 de la Constitution. La loi omettait de déterminer les « caractéristiques essentielles du comportement fautif » de nature à engager la responsabilité pénale des prestataires techniques concernés. En ne précisant pas les conditions de forme de la saisine par les tiers, le législateur a créé une insécurité juridique incompatible avec la liberté de communication. Cette décision souligne l’obligation pour le Parlement de définir avec clarté les infractions pénales, particulièrement dans le domaine complexe des nouvelles technologies numériques.