Conseil constitutionnel, Décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000

Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 28 décembre 2000, s’est prononcé sur la conformité de la seconde loi de finances rectificative pour l’année 2000. Soixante députés et soixante sénateurs ont déféré ce texte en contestant notamment les dispositions relatives à la fiscalité environnementale et au financement de la protection sociale. Le litige portait sur le respect du principe d’égalité devant l’impôt et sur la répartition des compétences entre les différentes catégories de lois financières. Le juge constitutionnel a prononcé l’annulation de quatre articles majeurs, précisant ainsi les limites de la liberté du législateur en matière de prélèvements obligatoires.

I. La sanction des mesures rompant le principe d’égalité

A. L’incohérence de la taxe incitative au regard de l’objectif environnemental

Le législateur a souhaité étendre une taxe sur les activités polluantes à l’électricité afin de lutter contre l’effet de serre sur le territoire national. Le Conseil constitutionnel rappelle que les impositions spécifiques doivent être « justifiées au regard » des objectifs d’intérêt général poursuivis par le texte législatif. Il relève toutefois que la consommation d’électricité contribue très faiblement au rejet de gaz carbonique en raison des modes de production nationaux. Dès lors, taxer l’électricité ne permet pas d’inciter les redevables à adopter des comportements conformes à l’objectif de maîtrise de la pollution. Cette différence de traitement entre les contribuables n’est donc pas en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

B. L’interdiction de transférer les coûts des missions régaliennes aux opérateurs privés

Un article de la loi prévoyait de mettre à la charge des fournisseurs de services de télécommunications le coût des investissements liés aux interceptions. Le juge censure cette disposition car « le concours ainsi apporté à la sauvegarde de l’ordre public » est étranger à l’activité purement commerciale des exploitants. Les dépenses résultant de ces mesures de sécurité publique ne peuvent pas incomber directement aux entreprises privées sans rompre l’égalité devant les charges. Cette solution préserve la gratuité relative des services de police et évite de faire peser sur quelques acteurs des dépenses d’intérêt national. L’État doit donc assumer seul le financement des moyens nécessaires aux interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique.

II. La préservation du cadre institutionnel et territorial

A. La répartition stricte des compétences entre les lois de finances et de financement

L’article trois transférait le reliquat d’un produit fiscal vers un fonds de financement de la protection sociale sans respecter les formes organiques requises. Le juge constitutionnel déclare cette mesure non conforme car elle affecte l’équilibre financier de la sécurité sociale sans passer par la loi adéquate. Il affirme que « seules les lois de financement peuvent modifier » les dispositions générales de l’équilibre financier telles qu’elles résultent de la loi initiale. Cette règle empêche que les conditions financières sociales ne soient modifiées par des textes législatifs dont les incidences n’ont pas été évaluées. La protection du domaine réservé des lois de financement de la sécurité sociale garantit ainsi la clarté et la sincérité des comptes publics.

B. Le rejet des spécificités territoriales injustifiées en matière de dettes sociales

Le législateur a tenté d’instaurer un plan d’apurement des dettes sociales au profit exclusif des exploitants agricoles installés dans une collectivité insulaire spécifique. Le principe d’égalité ne s’oppose pas à des différences de traitement si elles reposent sur des situations objectivement différentes ou l’intérêt général. Néanmoins, le Conseil constitutionnel constate qu’aucune situation particulière à ce territoire ne justifie un tel avantage par rapport aux agriculteurs situés sur le continent. Il précise que l’importance des retards de paiement dans une zone géographique ne saurait constituer un motif suffisant pour déroger à la règle. Faute de justification pertinente, cette mesure préférentielle est annulée pour préserver l’unité du régime social applicable sur l’ensemble du territoire national.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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