Le Conseil constitutionnel a rendu, le 28 décembre 2000, une décision fondamentale concernant la loi de finances pour l’exercice deux mille un. Des sénateurs ont déféré ce texte au juge constitutionnel en critiquant de nombreuses dispositions relatives à la fiscalité des revenus et aux taxes locales.
Les requérants invoquaient principalement une rupture de l’égalité devant les charges publiques ainsi qu’un empiètement du pouvoir réglementaire sur le domaine de la loi. La saisine visait également à dénoncer la présence de dispositions étrangères au domaine exclusif des lois de finances, qualifiées classiquement de cavaliers budgétaires.
La juridiction devait déterminer si les critères de distinction fiscale retenus par le législateur respectaient les facultés contributives des citoyens tout en préservant l’ordre budgétaire. Le juge a validé l’essentiel des mesures fiscales mais a censuré trois articles pour méconnaissance des limites organiques du domaine financier.
I. L’affirmation de la cohérence des mesures fiscales avec les principes constitutionnels
A. La conciliation de l’égalité devant l’impôt avec les objectifs législatifs
Le juge constitutionnel rappelle que le législateur détermine les règles d’appréciation des capacités financières des redevables dans le respect de l’égalité devant les charges publiques. Il souligne que « le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte pour des motifs d’intérêt général des mesures d’incitation ».
L’appréciation des facultés contributives permet de supprimer certains avantages fiscaux pour les contribuables situés dans la dernière tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Cette modulation ne constitue pas une rupture d’égalité car elle vise à « mieux prendre en compte les facultés contributives des redevables concernés » par la mesure.
Concernant la taxe sur les véhicules, l’exonération réservée aux personnes physiques exerçant en nom propre est jugée valide au regard de l’objectif d’allègement de la fiscalité. Le Conseil considère que la distinction entre les entrepreneurs individuels et les structures sociétaires relève de la liberté d’appréciation du législateur national.
B. La préservation de la compétence législative et de la notion de redevance
La décision précise les limites de l’article 34 de la Constitution en autorisant le législateur à déléguer la fixation précise du taux d’une imposition au pouvoir réglementaire. Il suffit que la loi détermine « les limites à l’intérieur desquelles le pouvoir réglementaire est habilité à arrêter le taux » pour que la compétence soit respectée.
Le juge valide la qualification de redevance domaniale pour les sommes dues par les opérateurs de téléphonie mobile occupant le domaine public hertzien de l’État. Il estime que cette redevance constitue un « revenu du domaine » dont le montant forfaitaire peut légitimement correspondre à l’avantage économique immédiat conféré par l’autorisation.
L’échelonnement des versements ne dénature pas la nature juridique de la somme car l’usage des fréquences constitue un mode d’occupation privatif valorisable dès son attribution initiale. Le législateur dispose donc d’une marge de manœuvre importante pour fixer les modalités de recouvrement de ces ressources publiques non fiscales.
II. La sanction de l’irrégularité procédurale et le respect du domaine organique
A. Le contrôle de la sincérité et de l’information du Parlement
Le principe de sincérité budgétaire est examiné à travers l’évaluation des ressources d’emprunt et de trésorerie nécessaires au financement du solde général de l’État. Le Conseil vérifie que le Parlement a disposé de toutes les « informations auxquelles il a droit » pour se prononcer sur l’équilibre financier de la loi.
L’affectation de certaines recettes à des fonds spécifiques ne méconnaît pas l’unité budgétaire dès lors que ces charges n’incombent pas par leur nature propre à l’État. Le juge estime qu’aucune erreur manifeste n’entache les prévisions de recettes, confirmant ainsi la validité des plafonds de charges fixés par le texte législatif.
La sincérité du budget repose sur l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre financier lors de la préparation et du vote de la loi. En l’espèce, les documents annexés permettaient aux parlementaires d’exercer leur contrôle de manière éclairée sur les voies et moyens du financement public.
B. L’éviction rigoureuse des dispositions étrangères au domaine financier
Le Conseil constitutionnel censure trois articles en raison de leur caractère étranger aux ressources et aux charges de l’État définies par l’ordonnance organique de 1959. Ces mesures concernaient notamment les subventions aux organisations syndicales par les collectivités locales ou les régimes de protection sociale de certains établissements publics.
Ces dispositions ne présentent pas de caractère fiscal et n’ont pas pour objet d’organiser l’information ou le contrôle du Parlement sur la gestion financière. Elles constituent donc des « cavaliers budgétaires » dont l’insertion dans une loi de finances est prohibée par la procédure législative spéciale applicable à ces textes.
La décision souligne que ces articles ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution malgré l’absence de critiques explicites de la part des auteurs. Cette rigueur assure le respect de la spécialité des lois de finances et protège la clarté des débats parlementaires sur le budget national.