Le Conseil constitutionnel a rendu le 12 janvier 2002 une décision relative à la loi de modernisation sociale suite à des saisines parlementaires. Cette décision traite principalement des procédures de licenciement économique et de la création de nouvelles incriminations comme le harcèlement moral au travail. Plusieurs députés et sénateurs ont déféré ce texte pour contester la régularité de la procédure législative ainsi que la conformité de nombreuses dispositions de fond. La question centrale porte sur la conciliation entre la protection de l’emploi et le respect des libertés économiques garanties par la Constitution. La juridiction écarte les griefs de procédure mais censure la définition trop restrictive du motif économique de licenciement au nom de la liberté d’entreprendre. L’analyse portera d’abord sur l’encadrement des obligations patronales avant d’examiner la protection de la liberté d’entreprendre face aux contraintes législatives.
I. L’encadrement des obligations patronales et le respect de l’objectif de clarté
A. La validation des dispositifs d’information et de médiation
Le juge constitutionnel a examiné les articles renforçant le rôle des institutions représentatives du personnel lors des procédures de restructuration ou de licenciement. Il considère que le droit d’opposition du comité d’entreprise ne s’applique que dans des hypothèses précises de suppressions massives d’emplois. Les dispositions de l’article 100 imposant une information préalable à toute annonce publique sont validées car elles ne créent aucune insécurité juridique insurmontable. « Le législateur a défini la nature de l’obligation d’information en cause, son responsable et ses destinataires » pour respecter le principe de légalité des délits. Cette interprétation permet de maintenir l’efficacité des procédures tout en garantissant le respect des prérogatives des représentants du personnel.
B. L’exigence de précision des nouvelles protections sociales
Les requérants critiquaient l’imprécision des articles relatifs au harcèlement moral et aux discriminations en matière de logement ou d’accès à l’emploi. Le Conseil précise que le harcèlement doit être lu au regard des droits de la personne au travail déjà énoncés par la loi. Les aménagements de la charge de la preuve en matière civile sont acceptés sous réserve que le demandeur établisse « la matérialité des éléments de fait ». Ces règles ne s’appliquent pas au domaine pénal afin de préserver strictement le principe de la présomption d’innocence inscrit dans la Déclaration de 1789. La loi est déclarée intelligible par le recours à des réserves d’interprétation limitant les risques d’arbitraire lors de son application future. L’équilibre entre ces garanties sociales et les nécessités économiques suppose toutefois de sanctionner toute limitation disproportionnée de la liberté d’entreprendre.
II. La protection de la liberté d’entreprendre et la censure de l’excès législatif
A. Le caractère disproportionné de la définition du licenciement économique
L’article 107 proposait une définition du licenciement économique limitant les marges de manœuvre du gestionnaire aux difficultés sérieuses mettant en cause la pérennité. La juridiction estime que cette rédaction empêche l’entreprise « d’anticiper des difficultés économiques à venir en prenant des mesures de nature à éviter des licenciements ». Un tel cumul de contraintes aboutit à substituer l’appréciation du juge à celle du chef d’entreprise quant au choix des solutions de gestion. Le Conseil conclut que le législateur a porté à la liberté d’entreprendre « une atteinte manifestement excessive au regard de l’objectif poursuivi du maintien de l’emploi ». Cette censure rétablit l’équilibre nécessaire entre le droit pour chacun d’obtenir un emploi et la liberté constitutionnelle de conduire une activité économique.
B. La portée de la décision sur l’équilibre du droit social
Cet arrêt confirme que la liberté d’entreprendre, découlant de l’article 4 de la Déclaration de 1789, limite le pouvoir d’intervention du législateur social. Le juge rappelle son rôle de régulateur en veillant à ce que les contraintes procédurales n’entravent pas indûment la pérennité globale des structures productives. « Il incombe au législateur d’assurer la mise en œuvre des principes économiques et sociaux du Préambule tout en les conciliant avec les libertés garanties ». La décision marque une étape majeure en définissant les frontières de l’intervention publique dans la gestion interne des entreprises. Elle offre une sécurité juridique accrue aux employeurs tout en validant des avancées sociales significatives sous condition d’une mise en œuvre proportionnée.