Le Conseil constitutionnel a rendu, le 27 décembre 2002, une décision majeure portant sur la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 2003. Cette instance fut saisie par de nombreux députés et sénateurs contestant la régularité du texte budgétaire et sa sincérité globale au regard des chiffres. Les requérants critiquaient particulièrement l’exactitude des prévisions de recettes ainsi que la présence de dispositions étrangères au domaine financier des lois de finances. Ils invoquaient également une rupture d’égalité devant les charges publiques résultant de certains avantages fiscaux jugés disproportionnés ou arbitraires par les parlementaires. Le juge constitutionnel devait ainsi se prononcer sur le respect des règles organiques relatives à la sincérité et sur l’intégrité du domaine budgétaire. La juridiction rejette le grief d’insincérité mais censure plusieurs articles qualifiés de cavaliers budgétaires ainsi qu’une taxe environnementale pour méconnaissance du principe d’égalité. La sincérité des prévisions budgétaires constitue le premier rempart de l’équilibre financier tandis que la protection du domaine législatif assure la cohérence des lois.
I. L’affirmation du principe de sincérité budgétaire sous le contrôle restreint du juge
A. Une conception subjective de la sincérité liée à l’absence d’intention de tromper
Le Conseil constitutionnel précise la portée du principe de sincérité désormais inscrit à l’article 32 de la loi organique relative aux lois de finances. Il énonce que « la sincérité se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre » budgétaire initialement présenté au Parlement. Cette définition privilégie une approche subjective car elle exige la démonstration d’une volonté délibérée de tromper la représentation nationale lors du débat.
Le juge constitutionnel refuse ainsi de transformer son contrôle en une expertise technique approfondie des chiffres produits par les services de l’administration. Cette exigence de loyauté impose au Gouvernement de ne pas présenter des chiffres délibérément faussés pour obtenir le vote favorable de la représentation nationale. L’absence de manœuvre frauduleuse suffit à valider la régularité du projet de loi de finances au regard des règles organiques en vigueur.
B. La reconnaissance de l’aléa économique limitant le contrôle du juge à l’erreur manifeste
L’appréciation des prévisions de recettes s’effectue nécessairement compte tenu des incertitudes inhérentes à toute projection financière dans un contexte économique mondial instable. La décision souligne qu’il ne ressort pas des éléments soumis que les évaluations soient entachées « d’une erreur manifeste » au regard de la conjoncture. Le Conseil admet que les hypothèses de travail du Gouvernement conservent une part de subjectivité légitime tant qu’elles restent dans un cadre raisonnable.
Le juge constitutionnel refuse de substituer sa propre appréciation économique à celle de l’exécutif tant que les prévisions budgétaires restent raisonnablement cohérentes et plausibles. Cette vigilance sur la sincérité des comptes publics s’accompagne d’une vérification méticuleuse du respect des limites constitutionnelles du domaine législatif financier. Les erreurs d’évaluation mineures ne sauraient entraîner la censure du texte si l’équilibre général de la loi n’est pas fondamentalement remis en cause.
II. La protection rigoureuse de la cohérence de la loi de finances et du principe d’égalité
A. L’expulsion systématique des cavaliers budgétaires étrangers au domaine financier
Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle strict sur le contenu organique de la loi de finances en censurant les dispositions dites cavaliers budgétaires. Il déclare contraires à la Constitution les articles qui sont « étrangers au domaine des lois de finances » tel que défini par l’ordonnance de 1959. Cette sanction frappe des mesures relatives au transfert de licences de débits de boissons ou à la répartition technique de certaines dotations locales.
Le Conseil censure les dispositions qui n’entraînent ni création ni transformation d’emplois et qui n’ont manifestement aucun caractère d’ordre strictement fiscal ou financier. La délimitation rigoureuse du domaine budgétaire s’accompagne d’un contrôle de la cohérence des incitations fiscales au regard du principe fondamental d’égalité. Le législateur ne peut utiliser la loi de finances pour adopter des réformes structurelles sans lien direct avec les ressources de l’État.
B. La sanction des disparités de traitement injustifiées dans le cadre de l’incitation fiscale
La décision du 27 décembre 2002 sanctionne une rupture d’égalité concernant une contribution pour l’élimination des déchets issus des imprimés publicitaires non adressés. Le législateur avait exclu de ce dispositif de nombreux documents sans que cette différence de traitement ne soit justifiée par l’objectif environnemental. Le juge estime que l’exclusion d’un grand nombre d’imprimés susceptibles d’accroître le volume des déchets est « sans rapport direct avec l’objectif » assigné.
La liberté du législateur en matière fiscale demeure entière tant que les critères d’incitation reposent sur des bases objectives et rationnelles. L’intérêt général peut justifier des avantages financiers si les mesures adoptées favorisent réellement le développement d’activités économiques ou la protection de l’environnement. Toute distinction entre les contribuables doit être justifiée par une différence de situation manifeste ou par une nécessité impérieuse d’intérêt public.