Conseil constitutionnel, Décision n° 2002-464 DC du 27 décembre 2002

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 27 décembre 2002, une décision majeure relative à la conformité de la loi de finances pour l’année 2003. Cette décision fait suite à une double saisine parlementaire contestant la sincérité budgétaire ainsi que la constitutionnalité de plusieurs dispositions fiscales et procédurales. Les requérants soutiennent que les évaluations de recettes ignorent délibérément les données économiques récentes afin de fausser l’équilibre présenté devant les assemblées. Ils invoquent également des griefs portant sur le respect du principe d’égalité devant les charges publiques et sur l’introduction irrégulière de cavaliers budgétaires. La question posée au juge réside dans la détermination du respect des règles organiques relatives à la sincérité et à l’égalité devant l’impôt. Le Conseil valide l’équilibre budgétaire sous réserve d’une information régulière du Parlement, mais censure les dispositions créant des discriminations injustifiées ou étrangères au domaine financier. La consécration du principe de sincérité budgétaire et la régularité de la procédure législative précèdent l’étude du contrôle de l’égalité fiscale et du domaine financier.

I. La consécration du principe de sincérité et la régularité de la procédure législative

A. Une appréciation prudente de la sincérité des prévisions budgétaires

Aux termes de la loi organique relative aux lois de finances, la sincérité se définit par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre. Le juge constitutionnel estime que la sincérité s’apprécie « compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » lors de l’élaboration. Il refuse de censurer les évaluations de recettes dès lors qu’il ne ressort pas du dossier qu’elles seraient entachées d’une erreur manifeste. L’existence d’incertitudes économiques inhérentes à toute prévision budgétaire ne suffit pas à caractériser une volonté gouvernementale de tromper la représentation nationale. La mise en réserve de certains crédits par le pouvoir exécutif respecte le principe de sincérité si le Parlement reçoit une information transparente.

B. La protection du droit d’amendement et de la primauté de l’Assemblée nationale

Les requérants dénonçaient l’introduction par le Gouvernement d’amendements financiers nouveaux directement devant la seconde chambre lors de l’examen du projet de loi. Le Conseil rappelle que les projets de loi de finances doivent être soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale selon les prescriptions constitutionnelles. Toutefois, une mesure de coordination avec une disposition déjà débattue par les députés n’introduit pas une mesure financière « entièrement nouvelle » devant les sénateurs. Le droit d’amendement des parlementaires demeure pleinement garanti tant que sa recevabilité n’a pas été contestée durant le débat par les autorités compétentes. Cette solution pragmatique permet d’ajuster les évaluations de recettes sans méconnaître les prérogatives prioritaires de la première chambre en matière budgétaire.

II. Le contrôle de l’égalité fiscale et de l’intégrité du domaine budgétaire

A. La sanction des discriminations injustifiées dans la loi fiscale

Le législateur peut instaurer des avantages fiscaux pour encourager certaines activités économiques s’il se fonde sur des critères objectifs en rapport avec l’intérêt général. En l’espèce, le juge valide les mesures relatives à l’épargne et aux emplois à domicile car elles ne créent pas de rupture caractérisée de l’égalité. En revanche, il censure l’article instituant une contribution pour l’élimination des déchets produits par les imprimés publicitaires mis à la disposition du public. En prévoyant de nombreuses exceptions injustifiées pour certains documents, le législateur a instauré une différence de traitement « sans rapport direct avec l’objectif » poursuivi. Cette méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques entraîne l’annulation de la disposition contestée car elle favorise arbitrairement certains supports de communication.

B. L’exclusion rigoureuse des dispositions étrangères au domaine des finances

Le Conseil constitutionnel censure plusieurs articles au motif qu’ils constituent des cavaliers budgétaires contraires aux prescriptions de l’ordonnance portant loi organique sur les finances. Ces dispositions portent notamment sur la réglementation des débits de boissons ou sur la répartition de dotations entre les collectivités territoriales sans incidence budgétaire. Le juge considère que ces mesures ne concernent pas « la détermination des ressources et des charges de l’État » ni l’organisation du contrôle parlementaire. Elles n’entraînent aucune création d’emploi public et ne présentent pas le caractère de règles fiscales directes affectant les recettes de l’année concernée. Par cette décision, le juge constitutionnel préserve la spécificité des lois de finances en interdisant l’usage de ce vecteur législatif pour des réformes structurelles.

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Hassan KOHEN
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