Le Conseil constitutionnel, par une décision du 20 janvier 2005, a été saisi d’un recours contre la loi réformant les compétences des juridictions de proximité. Ce texte législatif visait à élargir les attributions de ces magistrats non professionnels pour désengorger les tribunaux d’instance et les tribunaux de grande instance. Les auteurs de la saisine considéraient que cet accroissement de pouvoir portait atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire garantie par la Constitution de 1958. La procédure respecte le cadre du contrôle de constitutionnalité a priori exercé sur les lois ordinaires avant leur mise en application dans l’ordre juridique. La question posée concernait la conformité de la participation de juges non professionnels à l’exercice de missions civiles et répressives potentiellement privatives de liberté. Le Conseil a validé l’extension des compétences sous d’importantes réserves d’interprétation mais a censuré une disposition relative à l’usage des ordonnances législatives. L’analyse portera d’abord sur l’encadrement des pouvoirs du juge de proximité puis sur les garanties constitutionnelles liées à la composition des juridictions pénales.
I. L’encadrement constitutionnel de l’extension des pouvoirs des magistrats non professionnels
A. Le maintien d’une part limitée de compétence juridictionnelle
Le Conseil constitutionnel rappelle que « l’article 64 de la Constitution n’interdit pas, par lui-même, d’accroître les compétences des juridictions de proximité ». Cette possibilité demeure toutefois conditionnée par l’exigence que la part de ces attributions reste limitée par rapport à celle des magistrats de carrière. La juridiction vérifie que le volume des affaires confiées aux non-professionnels ne dénature pas l’organisation de l’autorité judiciaire gardienne de la liberté. L’extension du taux de compétence à 4 000 euros respecte ce critère puisque les litiges les plus complexes demeurent confiés aux tribunaux d’instance. Le législateur a maintenu les contentieux sensibles liés à l’état civil ou au crédit à la consommation sous l’autorité exclusive des magistrats professionnels. Le respect de cet équilibre quantitatif permet d’aborder la répartition précise des litiges civils et pénaux entre les différentes catégories de magistrats de l’ordre judiciaire.
B. La validation des attributions civiles et pénales simplifiées
En matière pénale, la loi confie désormais à la juridiction de proximité la connaissance des contraventions des quatre premières classes sauf exception prévue réglementairement. La décision précise que cette répartition ne porte pas atteinte aux principes constitutionnels dès lors que les contraventions de cinquième classe sont exclues. Ces dernières sont considérées comme « les plus graves, les plus complexes et les seules susceptibles de faire l’objet d’une inscription au casier judiciaire ». L’absence de pouvoir sur les infractions graves garantit que le juge de proximité n’exerce qu’une mission de justice simplifiée de vie quotidienne. Le Conseil rejette également le grief relatif à la saisine de la juridiction par des personnes morales car cela n’affecte pas l’office du juge. Cette organisation des compétences simplifiées précède l’examen des garanties entourant la présence des juges de proximité au sein des formations collégiales du tribunal correctionnel.
II. La protection des garanties fondamentales et de l’ordre des compétences législatives
A. L’exigence d’une majorité de juges professionnels en matière correctionnelle
L’article 5 de la loi autorisait un juge de proximité à siéger comme assesseur au sein de la formation collégiale du tribunal correctionnel de droit commun. Les requérants invoquaient une violation de l’article 66 de la Constitution garantissant que nul ne peut être arbitrairement détenu par l’autorité judiciaire compétente. Le Conseil précise que la Constitution n’interdit pas la présence de juges non professionnels au sein d’une juridiction pénale pouvant prononcer des mesures privatives de liberté. Il impose néanmoins que « la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire » afin de préserver les garanties d’indépendance et de capacité technique requises. Par conséquent, un seul juge de proximité peut siéger parmi les trois magistrats si les deux autres membres sont des professionnels du corps judiciaire. L’exigence d’une composition majoritairement professionnelle des tribunaux répressifs garantit le respect des droits fondamentaux sans empêcher l’utilisation de magistrats non professionnels assesseurs.
B. L’irrégularité procédurale de l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances
Enfin, les juges ont examiné d’office la validité de l’article habilitant le pouvoir exécutif à prendre des mesures législatives par le biais d’ordonnances. L’article 38 de la Constitution prévoit que seul le Premier ministre peut solliciter du Parlement l’autorisation de légiférer temporairement dans le domaine législatif. La disposition critiquée figurait initialement dans une proposition de loi parlementaire et ne résultait pas d’une demande formelle émanant des services du Gouvernement. La haute juridiction déclare cet article contraire à la Constitution « en l’absence de demande du Gouvernement » présentée durant les différentes étapes du débat parlementaire. Cette solution protège la séparation des pouvoirs en interdisant au législateur de déléguer sa compétence sans une sollicitation explicite du pouvoir exécutif central.