Par une décision rendue le 7 juillet 2005, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique. Plusieurs députés ont saisi l’institution pour contester la constitutionnalité de dispositions relatives aux objectifs énergétiques nationaux, à l’implantation des éoliennes et à certains mécanismes financiers. Les requérants soutenaient principalement que les premiers articles du texte étaient dépourvus de portée normative réelle et auraient dû faire l’objet d’un avis préalable. La procédure législative a vu le projet initial évoluer vers une loi de programme, modifiant ainsi le cadre juridique applicable lors de son dépôt. Le problème de droit posé résidait dans la capacité du législateur à édicter des objectifs sans prescriptions immédiates ainsi que dans l’articulation entre compétences étatiques et autonomie locale. Le juge constitutionnel a validé l’ensemble des dispositions critiquées en s’appuyant sur les spécificités constitutionnelles des lois de programme et sur les différences de situations objectives.
I. La consécration de la normativité particulière des lois de programme
A. La dualité des énoncés législatifs selon leur finalité
Le Conseil constitutionnel rappelle d’abord que, selon l’article 6 de la Déclaration de 1789, « la loi est l’expression de la volonté générale ». Il en déduit que le législateur doit normalement édicter des règles revêtues d’une portée normative réelle pour respecter les exigences de clarté et d’intelligibilité. Toutefois, les juges précisent que l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution prévoit une catégorie spécifique pour les lois de programme. Ces dernières « déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’Etat », ce qui leur confère une nature juridique singulière et dérogatoire. Le grief tiré du défaut de portée normative se trouve ainsi écarté car ces dispositions trouvent leur fondement direct dans une habilitation constitutionnelle expresse. Cette solution permet de concilier la mission de direction politique du Parlement avec l’exigence classique de normativité attachée à l’acte législatif ordinaire.
B. La régularité de la procédure législative face aux mutations textuelles
L’analyse de la régularité externe montre que la qualification du texte au moment de son dépôt conditionne strictement les obligations consultatives du Gouvernement. Les requérants estimaient que l’absence de saisine du Conseil économique et social entachait la procédure d’une irrégularité substantielle au regard de l’article 70. Le Conseil constitutionnel observe cependant que le projet initial ne possédait pas le caractère d’une loi de programme à la date de son dépôt. À cette période, une telle qualification exigeait non seulement la définition d’objectifs, mais également des prévisions de dépenses chiffrées selon les textes organiques. Le changement de dénomination au cours de l’examen parlementaire n’obligeait donc pas le pouvoir exécutif à reprendre rétroactivement une consultation qui n’était pas légalement requise. Cette approche pragmatique sécurise le travail législatif tout en préservant le respect des règles de compétence applicables lors de l’initiation de la loi.
II. L’encadrement des principes de libre administration et d’égalité
A. La primauté de l’État dans la gestion des zones éoliennes
La seconde partie de la décision porte sur l’aménagement du territoire et la création des zones de développement de l’énergie éolienne. Les parlementaires invoquaient une violation du principe de libre administration des collectivités territoriales en raison de la compétence attribuée au préfet de département. Le Conseil constitutionnel rappelle que l’article 72 de la Constitution confère aux collectivités une vocation à décider pour les compétences les mieux exercées à leur échelon. Cependant, cette attribution de compétence à l’État ne peut être censurée que si elle présente un caractère manifestement inapproprié au regard des intérêts nationaux. En l’espèce, la préservation des paysages et la gestion des raccordements électriques justifient l’intervention du représentant de l’État dans la définition des périmètres géographiques. Le législateur n’a donc pas instauré de tutelle interdite sur les communes, mais a organisé une coordination nécessaire pour la mise en œuvre de la politique énergétique.
B. La justification des différences de traitement entre producteurs d’énergie
Enfin, le juge constitutionnel examine les griefs relatifs au principe d’égalité concernant les producteurs d’électricité et les garanties financières exigées. L’article 37 impose des conditions spécifiques aux producteurs éoliens, ce que les requérants considéraient comme une discrimination injustifiée par rapport aux autres énergies. La décision souligne que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il y déroge ». Les installations éoliennes présentent des caractéristiques techniques et un impact environnemental singuliers qui autorisent le législateur à instaurer un régime juridique distinct. De même, l’exigence de garanties financières dès la construction sur le domaine public maritime repose sur les contraintes particulières liées au démantèlement futur. Cette modulation des obligations légales assure la protection de l’environnement sans porter atteinte à la cohérence globale du principe constitutionnel d’égalité devant la loi.