Le Conseil constitutionnel a rendu, le 29 juillet 2005, la décision n° 2005-519 DC portant sur la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Ce texte intervient pour moderniser la gestion des finances sociales en s’inspirant des principes de transparence et de performance issus de la loi de finances. Le législateur organique a entendu restructurer la présentation des comptes sociaux pour garantir une meilleure lisibilité des équilibres financiers par les membres du Parlement. En vertu de l’article 61 de la Constitution, cette loi organique fut soumise à l’examen obligatoire du juge constitutionnel avant sa promulgation définitive par les autorités. Le problème juridique portait sur la capacité du législateur à définir le domaine exclusif de ces lois sans méconnaître les compétences normatives ordinaires. La haute juridiction valide la majorité du dispositif tout en censurant les dispositions renvoyant à une loi future les modalités d’information des commissions parlementaires. L’analyse portera d’abord sur la structuration du contrôle parlementaire renforcé avant d’aborder les mécanismes de préservation de l’équilibre financier des comptes sociaux.
I. La rationalisation du contrôle parlementaire des finances sociales
A. L’affirmation du principe de sincérité budgétaire et comptable
La décision précise que la loi de financement doit déterminer « de manière sincère » les conditions générales de l’équilibre financier pour l’année à venir. Le juge constitutionnel souligne que la sincérité « se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de cet équilibre » concernant les prévisions. Cette définition subjective s’accompagne d’une exigence plus stricte d’exactitude comptable pour l’exercice clos, imposant une image fidèle du patrimoine des organismes sociaux. Ainsi, l’équilibre financier repose sur une évaluation loyale des recettes prévisibles, compte tenu notamment des conditions économiques générales et de leur évolution probable.
B. L’encadrement des procédures d’information et de certification
Le législateur organique a confié à la juridiction financière la mission de « certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes » nationaux. Le Conseil constitutionnel rappelle que cette assistance au Parlement doit s’exercer sans fausser l’équilibre voulu par le constituant entre les différents pouvoirs publics. Cependant, le juge censure le renvoi à une loi ordinaire pour fixer les modalités d’information des commissions parlementaires sur les mesures ayant un effet financier. Il estime que le législateur organique ne pouvait se borner à poser une règle de principe sans définir lui-même les conditions concrètes de son application. La rationalisation des procédures comptables s’accompagne d’un encadrement rigoureux des mécanismes de financement destinés à assurer la pérennité du système de protection sociale.
II. La protection de l’équilibre financier et du domaine organique
A. La constitutionnalisation de la règle de non-accroissement de la dette sociale
La décision valide le mécanisme interdisant tout nouveau transfert de dette sans une augmentation concomitante des recettes permettant de ne pas accroître la durée d’amortissement. Cette règle de protection trouve son fondement dans l’habilitation constitutionnelle permettant à la loi organique de fixer les conditions générales de l’équilibre financier social. Le juge considère par ailleurs que cette disposition est de nature organique car elle encadre directement les objectifs de dépenses et les prévisions de recettes. Elle impose ainsi une discipline pluriannuelle aux pouvoirs publics afin de garantir la soutenabilité du système social face aux déficits structurels qui pourraient s’accumuler.
B. La sanction des empiétements sur le domaine de la loi ordinaire
Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle strict sur le périmètre de la loi organique pour éviter que des dispositions étrangères n’en faussent la portée juridique. Il relève que plusieurs articles modifiant le code de l’action sociale ou le code rural n’ont pas le caractère organique requis par la Constitution. Ces mesures sont déclarées conformes car elles ne sont pas inséparables du texte, mais elles conservent uniquement la valeur juridique de loi ordinaire. Cette distinction fondamentale protège la hiérarchie des normes en empêchant le législateur de soustraire indûment des réformes techniques au régime juridique normal des lois.