Conseil constitutionnel, Décision n° 2005-531 DC du 29 décembre 2005

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 29 décembre 2005, une décision marquante relative au contrôle de la loi de finances rectificative pour l’année 2005. La juridiction a été saisie par des sénateurs contestant l’article 111 de ce texte législatif portant sur la taxe sur la valeur ajoutée.

Cette affaire trouve son origine dans un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 12 septembre 2000 fustigeant le droit interne. Le juge européen a considéré que l’absence de taxation des péages d’ouvrages routiers méconnaissait la directive relative aux taxes sur le chiffre d’affaires.

Le Conseil d’État a ultérieurement annulé, le 29 juin 2005, des instructions ministérielles refusant le remboursement de la taxe acquittée par les usagers des ouvrages. Les transporteurs routiers avaient ainsi obtenu la reconnaissance du droit de déduire la taxe exigible au titre de ces péages pour le passé.

Le législateur a pourtant souhaité encadrer l’exercice de ce droit en exigeant une facture rectificative prouvant un paiement en sus du prix initial. Les requérants dénonçaient une rupture d’égalité et une atteinte aux droits reconnus par les autorités juridictionnelles suprêmes tant nationale qu’européenne.

La question portait sur la faculté pour le Parlement de subordonner rétroactivement un avantage fiscal à des conditions matérielles impossibles à remplir. Le Conseil constitutionnel a censuré la disposition litigieuse car elle portait atteinte au principe de séparation des pouvoirs et à la garantie des droits.

Cette protection de l’autorité des décisions de justice s’accompagne nécessairement d’un renforcement de la garantie constitutionnelle offerte à chaque citoyen contre l’arbitraire législatif.

I. La protection de l’autorité des décisions de justice

A. Le constat d’une immixtion dans la fonction juridictionnelle Le Conseil constitutionnel relève que la loi nouvelle impose une condition de forme ayant pour objet de paralyser l’application immédiate de la jurisprudence. La haute juridiction souligne que la mesure vise à « priver d’effet, pour la période antérieure au 1er janvier 2001, l’arrêt précité » de justice.

L’analyse des travaux parlementaires a démontré l’intention réelle du législateur de faire obstacle au remboursement des sommes que le juge considérait indûment perçues. Cette démarche constitue une immixtion directe dans l’issue de litiges tranchés par les juridictions administratives et communautaires par un artifice de procédure.

B. La sanction de l’atteinte à la séparation des pouvoirs Le juge constitutionnel estime que la disposition « porte dès lors atteinte au principe de séparation des pouvoirs » en modifiant les règles de fond applicables. La loi ne peut pas remettre en cause une situation juridique définitivement établie par une décision de justice revêtue de l’autorité de chose jugée.

La censure est prononcée sans qu’il soit nécessaire d’examiner les motifs d’intérêt général invoqués par le Gouvernement pour justifier cette mesure de validation. Cette solution rigoureuse témoigne de la volonté du juge de préserver l’indépendance de la fonction juridictionnelle face aux empiétements de la puissance législative.

II. Le renforcement de la garantie constitutionnelle des droits

A. La mobilisation de l’article 16 de la Déclaration de 1789 La décision se fonde explicitement sur les dispositions de l’article 16 de la Déclaration de 1789 pour protéger les droits des contribuables lésés. Le texte dispose que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».

Le Conseil constitutionnel érige ainsi le droit au recours et le respect des décisions de justice en piliers fondamentaux de l’État de droit contemporain. La protection des droits reconnus par le juge devient un impératif qui s’impose au législateur même en matière de finances publiques ou fiscales.

B. La limitation du pouvoir de validation du législateur La portée de cet arrêt réside dans l’interdiction faite au Parlement d’édicter des conditions rétroactives rendant inopérantes les victoires judiciaires obtenues par les citoyens. Le juge constitutionnel refuse de valider une loi dont le but exclusif est de déjouer l’application d’un droit à déduction fiscale.

Cette jurisprudence consolide la sécurité juridique en empêchant l’administration de s’exonérer de ses obligations de remboursement par le biais d’un texte législatif postérieur. Le respect de la hiérarchie des normes assure désormais une protection plus efficace contre les interventions législatives perturbant l’ordre juridictionnel établi.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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