Conseil constitutionnel, Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006

Le Conseil constitutionnel a rendu le 30 mars 2006 une décision portant sur la loi pour l’égalité des chances. Cette loi instaurait un contrat de travail spécifique destiné aux jeunes de moins de vingt-six ans dans certaines entreprises. Ce nouveau dispositif permettait de rompre le contrat sans motif durant une période de consolidation fixée à deux ans. Plusieurs parlementaires ont saisi la juridiction constitutionnelle pour contester la conformité de ce texte aux principes fondamentaux du droit français. Les requérants invoquaient notamment une rupture d’égalité entre les salariés et une atteinte disproportionnée au droit à l’emploi. La procédure législative était également critiquée en raison de l’usage fréquent de l’amendement et de l’article 49 alinéa 3. Le litige soulevait la question de savoir si un régime de licenciement dérogatoire fondé sur l’âge respecte les exigences constitutionnelles. Le juge devait également préciser l’étendue de sa compétence face aux engagements internationaux de la France. Le Conseil constitutionnel a déclaré l’article huit conforme à la Constitution en soulignant l’objectif d’intérêt général de l’insertion professionnelle. Il a cependant censuré les articles vingt-et-un et vingt-deux pour des motifs d’irrégularité de la procédure législative.

I. La validation d’un régime dérogatoire au service de l’insertion professionnelle des jeunes

A. La conformité du contrat première embauche au principe d’égalité devant la loi

Le Conseil constitutionnel affirme qu’aucun principe n’interdit au législateur de prendre des mesures propres à aider des catégories de personnes défavorisées. La décision précise que le législateur peut créer un nouveau contrat pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes les moins qualifiés. Cette différence de traitement entre les salariés est jugée en rapport direct avec la finalité d’intérêt général poursuivie par la loi. Le juge constitutionnel refuse de se substituer au Parlement pour apprécier si l’objectif pouvait être atteint par d’autres voies juridiques. Les modalités retenues ne sont pas considérées comme manifestement inappropriées au regard de la précarité de la situation des jeunes travailleurs.

B. La préservation du droit à l’emploi et des garanties juridictionnelles

La décision énonce que la faculté de ne pas expliciter les motifs de la rupture ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel souligne que toute rupture d’un tel contrat peut être contestée devant le juge du contrat compétent. Il appartiendra alors à l’employeur d’indiquer les motifs de cette rupture afin de permettre au juge de vérifier leur licéité. Le magistrat devra notamment s’assurer que « le motif de la rupture n’est pas discriminatoire » au sens des dispositions du code du travail. Cette garantie permet de sanctionner un éventuel abus de droit tout en respectant la liberté contractuelle découlant de la Déclaration de 1789.

II. Une délimitation stricte du contrôle de constitutionnalité et de la procédure législative

A. Le refus constant d’opérer un contrôle de conventionnalité des lois

Les requérants soutenaient que le contrat première embauche était incompatible avec la convention internationale du travail concernant la cessation de la relation de travail. Le Conseil constitutionnel écarte ce grief en rappelant qu’il ne lui appartient pas d’examiner la conformité d’une loi aux traités. Bien que les traités aient une « autorité supérieure à celle des lois », cette supériorité ne s’exerce pas dans le cadre du contrôle de constitutionnalité. Le juge souligne que l’éventuelle incompatibilité d’un texte avec des engagements internationaux n’entache pas en soi la clarté ou l’intelligibilité de la loi. Cette solution confirme la distinction classique entre le bloc de constitutionnalité et les normes internationales lors d’un examen de conformité.

B. La sanction procédurale des dispositions dépourvues de lien avec le projet initial

Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle rigoureux sur la procédure législative en censurant les articles vingt-et-un et vingt-deux de la loi. Ces dispositions sont déclarées contraires à la Constitution car elles sont considérées comme des cavaliers législatifs dépourvus de tout lien originel. Le juge rappelle qu’une disposition introduite par voie d’amendement doit présenter un lien suffisant avec l’objet du texte déposé initialement. En revanche, le cumul des procédures accélérées pour l’examen de la loi ne suffit pas à rendre l’ensemble du processus inconstitutionnel. Cette censure partielle protège la sincérité du débat parlementaire tout en préservant le cœur du dispositif législatif relatif à l’emploi.

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Hassan KOHEN
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