Le Conseil constitutionnel a rendu le 16 août 2007 une décision relative à la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. Ce texte législatif instaurait plusieurs dispositifs fiscaux dérogatoires destinés à soutenir la croissance économique et à renforcer le pouvoir d’achat des foyers français. Plusieurs députés ont saisi la juridiction afin de contester la conformité de ces mesures au principe d’égalité devant les charges publiques. Les requérants soutenaient que les exonérations sur les heures supplémentaires et les crédits d’impôt pour l’acquisition de logements créaient des disparités injustifiées. Le juge constitutionnel devait déterminer si ces incitations fiscales reposaient sur des critères objectifs et rationnels en adéquation avec les buts poursuivis par le législateur. La décision valide l’essentiel du texte mais censure partiellement les dispositions rétroactives relatives au crédit d’impôt pour les intérêts d’emprunt immobilier. Cette analyse s’articulera autour de la légitimité des incitations économiques avant d’examiner les limites imposées au nom de l’équité fiscale.
**I. La validation des dispositifs d’incitation économique au regard de l’intérêt général**
**A. L’objectivité des critères retenus pour favoriser l’activité salariée**
Le législateur dispose de la liberté d’édicter des mesures d’incitation fiscale pour des motifs d’intérêt général, sous réserve de respecter le principe d’égalité. L’article 1er de la loi déférée prévoit un régime social et fiscal dérogatoire pour les rémunérations perçues au titre des heures de travail supplémentaires. Le juge précise que « le dispositif d’exonération retenu a pour finalité d’augmenter le nombre d’heures travaillées dans l’économie afin de stimuler la croissance ». Cette finalité répond à une exigence constitutionnelle issue du Préambule de 1946 sans que les modalités choisies ne paraissent manifestement inappropriées à l’objectif. Les critères de distinction retenus par la loi sont jugés objectifs puisqu’ils s’appliquent à toutes les heures effectuées au-delà de la durée légale. L’exclusion de certains salariés à temps partiel ne constitue pas une rupture d’égalité car leur situation juridique diffère de celle des salariés ordinaires.
**B. L’adéquation des réductions fiscales aux risques de l’investissement productif**
L’article 16 de la loi institue une réduction d’impôt de solidarité sur la fortune pour les contribuables investissant dans des petites et moyennes entreprises. Le Conseil constitutionnel estime que cette mesure vise à favoriser le développement économique et la création d’emplois par le biais de l’investissement productif. La décision souligne que « compte tenu du risque affectant de tels placements, il était loisible au législateur de prévoir, à cet effet, une réduction d’impôt ». Le montant de l’avantage fiscal n’est pas jugé disproportionné car il est compensé par l’aléa réel pesant sur le capital investi par le contribuable. Le juge valide également les conditions strictes de conservation des titres qui garantissent la pérennité de l’apport financier au profit du tissu économique national. Cette reconnaissance de la liberté du législateur en matière d’incitation fiscale s’accompagne toutefois d’un contrôle rigoureux du respect des facultés contributives des citoyens.
**II. L’encadrement des facultés contributives et la sanction des ruptures d’égalité**
**A. La constitutionnalité du plafonnement des impôts directs comme garantie contre l’excès**
L’article 11 de la loi modifie le mécanisme du plafonnement des impôts directs en abaissant à 50 % la part maximale des revenus versée par le foyer. Le Conseil constitutionnel rappelle que l’impôt ne doit pas revêtir un caractère confiscatoire ni faire peser une charge excessive au regard des facultés du contribuable. Il énonce que « le plafonnement de la part des revenus d’un foyer fiscal affectée au paiement d’impôts directs tend à éviter une rupture caractérisée de l’égalité ». L’inclusion des contributions sociales dans le calcul de ce plafonnement est jugée pertinente au regard de la nature réelle de ces prélèvements obligatoires. Le juge écarte le grief de discrimination entre les patrimoines car le dispositif repose sur un calcul global de la pression fiscale subie par l’individu. Cette mesure préserve la capacité contributive des citoyens tout en évitant que la progressivité de l’impôt n’aboutisse à une spoliation de certains contribuables.
**B. La limitation du bénéfice rétroactif des avantages fiscaux liés au logement**
L’article 5 de la loi créait un crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt pour l’acquisition de la résidence principale, y compris pour des contrats passés. Le Conseil constitutionnel censure cette disposition rétroactive en considérant qu’elle instaure une différence de traitement injustifiée entre les contribuables au regard de l’objectif de consommation. La décision affirme que « cet avantage fiscal fait supporter à l’État des charges manifestement hors de proportion avec l’effet incitatif attendu » pour les acquisitions antérieures. Le législateur ne peut pas favoriser une catégorie restreinte d’emprunteurs sans démontrer que cette mesure produit réellement l’effet économique recherché par la puissance publique. Si le soutien à l’accession future à la propriété est validé, l’extension aux crédits déjà conclus rompt l’égalité devant les charges publiques de manière injustifiée. Le juge constitutionnel protège ainsi les deniers publics contre des mesures dont l’utilité sociale n’est pas établie par des critères rationnels et actuels.