Conseil constitutionnel, Décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 15 novembre 2007, une décision importante concernant la loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile. Soixante députés et soixante sénateurs ont déféré ce texte afin de contester la conformité à la Constitution des articles 13 et 63 de ladite réforme.

Le litige portait principalement sur l’introduction expérimentale de tests génétiques pour le regroupement familial et sur la création de traitements de données à caractère ethnique. Les requérants invoquaient une atteinte au principe d’égalité, au droit à une vie familiale normale ainsi qu’au principe fondamental de la dignité humaine.

Le juge constitutionnel a validé le recours aux empreintes génétiques sous d’importantes réserves tout en censurant les statistiques ethniques pour des motifs de procédure. La Haute Juridiction examine d’abord les conditions de la preuve biologique avant de sanctionner l’irrégularité des dispositions relatives à la mesure de la diversité.

I. La recherche de la filiation biologique comme mode de preuve subsidiaire

A. Un encadrement strict du recours aux empreintes génétiques

L’article 13 autorise le demandeur de visa à solliciter son identification par empreintes génétiques pour établir un lien de filiation avec sa mère déclarée. Cette mesure s’applique uniquement lorsque l’état civil du pays d’origine présente des carences manifestes ou lorsqu’un doute sérieux sur l’authenticité de l’acte subsiste. Le texte précise que « le consentement des personnes dont l’identification est ainsi recherchée doit être préalablement et expressément recueilli » par les autorités compétentes. Cette faculté est présentée comme un moyen supplétif destiné à faciliter l’exercice du droit au regroupement familial pour les ressortissants étrangers concernés. Le législateur a limité cette expérimentation à une durée de dix-huit mois et à une liste précise d’États définis par un décret spécifique. Cette disposition ne constitue pas une mesure de police administrative mais offre une voie de preuve complémentaire soumise au contrôle du juge judiciaire.

B. La préservation des droits fondamentaux par des réserves d’interprétation

Le Conseil constitutionnel rappelle que ces nouvelles dispositions ne sauraient conduire à « ne pas reconnaître un lien de filiation légalement établi » selon la loi applicable. Le juge précise que ce dispositif ne peut priver l’étranger de la possibilité de justifier sa filiation par tout autre mode de preuve admis. La décision souligne que la conciliation entre le droit à une vie familiale et la sauvegarde de l’ordre public n’est pas manifestement déséquilibrée. En limitant la preuve à la seule filiation maternelle, le législateur respecte la vie privée du père tout en luttant contre la fraude documentaire. La conformité de l’article 13 est ainsi subordonnée au respect scrupuleux des conventions internationales et des règles relatives au conflit des lois civiles. L’identification génétique demeure une option facultative dont la mise en œuvre exige une décision préalable du tribunal de grande instance de Nantes. Si l’article 13 préserve l’équilibre constitutionnel, l’article 63 subit en revanche une sanction radicale fondée sur le non-respect des règles de la procédure parlementaire.

II. L’invalidation des statistiques ethniques et la rigueur de la procédure parlementaire

A. La sanction d’un cavalier législatif dépourvu de lien avec le texte initial

L’article 63 visait à permettre la réalisation de traitements de données à caractère personnel faisant apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques. Le Conseil constitutionnel a relevé que cet article résultait d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale lors de la première lecture du projet de loi. Le juge considère que cet ajout était « dépourvu de tout lien avec les dispositions qui figuraient dans le projet » déposé initialement sur le bureau parlementaire. La Haute Juridiction censure donc cette disposition en raison de son caractère étranger à l’objet de la loi, qualifiant ainsi la mesure de cavalier législatif. Cette rigueur procédurale assure la clarté et la sincérité du débat parlementaire en évitant l’introduction de réformes majeures par simple voie d’amendement. Le respect de l’article 39 de la Constitution impose que les amendements conservent une cohérence minimale avec le texte original soumis aux chambres.

B. L’affirmation symbolique des principes d’unicité et d’égalité devant la loi

Au-delà de l’irrégularité procédurale, le Conseil constitutionnel a rappelé des principes fondamentaux concernant l’usage de données fondées sur l’origine ethnique ou la race. Il énonce que de tels traitements ne sauraient reposer sur ces critères sans « méconnaître le principe énoncé par l’article 1er de la Constitution » française. Cette affirmation souligne l’hostilité du droit constitutionnel français à toute catégorisation de la population fondée sur des caractères biologiques ou ethniques supposés. La Nation assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, excluant ainsi la reconnaissance juridique de groupes ou communautés. Bien que la censure soit prononcée pour un motif de forme, le juge délivre un message substantiel fort sur l’indivisibilité de la République. Cette décision limite strictement les études sur la diversité aux données objectives et neutres excluant tout référentiel racial au sein des fichiers.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture