Conseil constitutionnel, Décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 décembre 2007 par le Président de la République afin d’examiner la conformité du traité de Lisbonne. Cet engagement international succède au projet de traité constitutionnel dont la ratification n’avait pas abouti suite à la consultation référendaire nationale de 2005. La juridiction doit déterminer si les nouveaux transferts de compétences prévus respectent les principes de la souveraineté nationale définis par la Déclaration de 1789. Le juge relève que le traité attribue une valeur juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux et modifie l’équilibre des pouvoirs décisionnels. La question centrale porte sur l’incidence de ces évolutions institutionnelles sur les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté par le peuple français. Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007, déclare que l’autorisation de ratifier cet engagement exige une révision préalable.

I. L’identification de transferts de compétences affectant la souveraineté nationale

A. L’extension des domaines relevant de l’intégration européenne

Le traité de Lisbonne prévoit le transfert vers l’Union de compétences inhérentes à l’exercice de la souveraineté nationale dans des domaines régaliens jusque-là préservés. Le Conseil souligne que l’ordre juridique communautaire est désormais « intégré à l’ordre juridique interne et distinct de l’ordre juridique international » classique. Cette intégration se manifeste par l’inclusion de matières sensibles telles que le contrôle aux frontières, la coopération judiciaire pénale et la lutte contre le terrorisme. L’article 86 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne autorise même l’institution d’un Parquet européen habilité à exercer l’action publique. Ces domaines n’entrent pas dans les prévisions des traités antérieurs mentionnés à l’article 88-2 de la Constitution française. Dès lors, ces stipulations nouvelles modifient substantiellement le périmètre d’intervention des instances supranationales au détriment des autorités étatiques nationales.

B. La mutation des modalités d’exercice des pouvoirs décisionnels

Le juge constitutionnel examine également le passage de la règle de l’unanimité à la majorité qualifiée pour de nombreuses décisions au sein du Conseil. Cette modification prive la France de son pouvoir d’opposition sur des sujets touchant aux « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale » définies par les textes fondamentaux. Le Conseil constitutionnel observe que le Parlement européen, qui « n’est pas l’émanation de la souveraineté nationale », voit ses pouvoirs de codécision s’étendre significativement. L’adoption de la procédure législative ordinaire devient le principe commun pour la majorité des politiques menées par l’organisation européenne permanente. Ces évolutions privent les organes constitutionnels nationaux de leur droit propre d’initiative ou d’opposition dans des matières affectant directement la vie publique.

II. La protection de l’ordre constitutionnel par l’exigence d’une révision

A. La sanction des atteintes aux conditions essentielles de la souveraineté

Le Conseil rappelle que la Constitution demeure au sommet de l’ordre juridique interne malgré la participation de la République aux institutions de l’Union. Toute clause remettant en cause les droits constitutionnellement garantis ou la souveraineté nationale appelle nécessairement une intervention du pouvoir constituant avant toute ratification. Les dispositions du traité de Lisbonne qui modifient les règles de décision en substituant la majorité qualifiée à l’unanimité entrent dans cette catégorie. Le juge précise que de telles évolutions ne permettent plus un contrôle de constitutionnalité ultérieur sur le fondement de l’article 54 ou 61. En conséquence, l’autorisation législative de ratifier le traité ne peut légalement intervenir qu’après une modification formelle du texte constitutionnel de 1958.

B. L’encadrement des nouvelles prérogatives reconnues au Parlement national

Le traité de Lisbonne accroît la participation des parlements nationaux en leur conférant le droit de veiller au respect du principe de subsidiarité. Le Conseil constitutionnel note que ce contrôle s’effectue notamment par la formulation d’avis motivés adressés aux institutions législatives de l’Union européenne. Toutefois, l’exercice effectif de ce droit d’opposition par le Parlement français rend nécessaire une adaptation des règles de procédure fixées par la Constitution. Cette exigence concerne également le droit reconnu à chaque chambre de s’opposer à la mise en œuvre de procédures de révision simplifiée des traités. La protection de la souveraineté passe ainsi par la reconnaissance constitutionnelle explicite de ces nouveaux moyens de contrôle attribués aux représentants du peuple. L’ensemble de ces motifs conduit le Conseil à conclure que le traité signé à Lisbonne comporte plusieurs clauses contraires à la norme suprême.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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