Conseil constitutionnel, Décision n° 2009-585 DC du 6 août 2009

Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 6 août 2009, a examiné la conformité de la loi de règlement des comptes pour l’année 2008. Soixante députés contestaient l’article premier de cette loi en invoquant l’omission de dépenses et des erreurs d’imputation affectant le résultat budgétaire annuel. Les requérants sollicitaient également une rectification juridictionnelle des montants des dépenses et du solde déficitaire présentés par le Gouvernement devant le Parlement national. Le juge devait déterminer si le principe de sincérité imposait une exactitude absolue des écritures comptables indépendamment de la nature de la loi. Il importait aussi de préciser l’étendue des pouvoirs du juge face aux prérogatives législatives dans l’approbation des comptes annuels de la Nation. Le Conseil constitutionnel rejette les griefs en distinguant la sincérité prévisionnelle de l’exactitude des comptes tout en affirmant son incompétence pour modifier les chiffres. L’étude de la définition constitutionnelle de la sincérité (I) précèdera l’analyse de l’encadrement restreint du contrôle exercé par le juge sur les comptes (II).

I. La définition constitutionnelle de la sincérité des lois de règlement

Le Conseil constitutionnel précise que l’exigence de sincérité, fondée sur la Déclaration des droits de l’homme, revêt une intensité particulière selon le type de loi.

A. L’exigence spécifique d’exactitude des comptes publics

La décision souligne que « la sincérité de la loi de règlement s’entend en outre de l’exactitude des comptes » par opposition aux lois de finances initiales. Pour ces dernières, la sincérité se caractérise seulement par « l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre » déterminé par le législateur national. La loi de règlement, intervenant a posteriori, doit donc refléter fidèlement la réalité des opérations de recettes et de dépenses effectivement réalisées durant l’année. Cette distinction fondamentale permet au juge d’adapter son contrôle en passant d’une analyse de l’intention gouvernementale à une vérification de la matérialité comptable. Cependant, cette exactitude demeure strictement cantonnée au périmètre de la comptabilité de caisse qui régit traditionnellement l’exécution du budget général de l’État français.

B. La neutralité des écritures de la comptabilité générale

Le juge rappelle que l’État tient une comptabilité budgétaire fondée sur les encaissements et une comptabilité générale fondée sur la constatation des droits. Les griefs relatifs aux reports de charges sur l’exercice suivant sont écartés car les dépenses budgétaires sont prises en compte l’année du paiement effectif. Le Conseil constitutionnel observe que les charges critiquées ont été « intégrées dans le compte de résultat de l’exercice 2008 » conformément aux principes comptables. L’exactitude requise pour la loi de règlement ne saurait donc conduire à une confusion entre la logique de trésorerie et la logique patrimoniale. La conformité de la loi de règlement s’apprécie uniquement au regard de la régularité des paiements effectués sans tenir compte des dettes non acquittées. Cette conception rigoureuse de la sincérité comptable justifie la limitation des pouvoirs de contrôle exercés par le juge constitutionnel sur les écritures publiques.

II. L’encadrement restreint du contrôle juridictionnel des comptes

L’application rigoureuse du critère de l’exactitude des flux monétaires conduit le Conseil constitutionnel à rejeter les critiques portant sur la classification technique des opérations.

A. Le rejet des griefs relatifs aux modalités d’imputation budgétaire

La décision considère comme inopérant le grief relatif à l’imputation erronée des frais d’assiette des impôts locaux prélevés par l’administration au profit de l’État. L’exigence d’exactitude des comptes « ne porte que sur le montant des encaissements et des décaissements opérés » indépendamment de leur qualification juridique ou administrative. De même, le mécanisme des loyers budgétaires est validé puisqu’il « n’a pas d’incidence sur le résultat budgétaire » malgré la majoration apparente des masses. Le juge refuse ainsi de s’immiscer dans les choix techniques de présentation comptable tant que l’équilibre final du budget reste mathématiquement exact. Cette approche pragmatique limite le contrôle de constitutionnalité à la vérification de l’absence de manipulation frauduleuse des résultats définitifs soumis au Parlement national.

B. La préservation de la compétence financière exclusive du Parlement

Le Conseil constitutionnel affirme solennellement qu’il ne dispose pas d’un « pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ». Il refuse en conséquence de procéder aux rectifications de chiffres demandées par les députés requérants afin de ne pas empiéter sur la souveraineté législative. Cette position respecte la séparation des pouvoirs en interdisant au juge constitutionnel de se transformer en un administrateur des comptes ou en gestionnaire. La mission du juge se limite à sanctionner une éventuelle méconnaissance manifeste des règles organiques sans substituer sa propre évaluation aux autorités politiques. L’article premier de la loi de règlement pour l’année 2008 est ainsi déclaré conforme à la Constitution par le juge dans sa décision finale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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