Le Conseil constitutionnel, par une décision du 3 décembre 2009, numéro 2009-595 DC, examine la loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution. Cette réforme majeure permet à tout justiciable de contester la conformité d’une disposition législative aux droits et libertés garantis par le bloc de constitutionnalité.
Le législateur a adopté ce texte afin de définir les conditions de saisine du juge constitutionnel par le Conseil d’État et la Cour de cassation. La juridiction doit déterminer si les filtres procéduraux et la priorité donnée à la Constitution respectent l’équilibre entre sécurité juridique et protection des droits.
Les juges déclarent la loi conforme sous trois réserves d’interprétation essentielles pour garantir l’effet utile du recours et le respect du procès équitable. Le commentaire analysera d’abord l’organisation du mécanisme de filtrage avant d’étudier l’articulation entre la primauté constitutionnelle et les garanties procédurales offertes aux justiciables.
I. L’organisation procédurale du mécanisme de filtrage des questions
L’instauration d’un double filtre juridictionnel vise à concilier le droit nouveau des citoyens avec l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice.
A. Les conditions de recevabilité et la spécialisation des juridictions
L’article 23-1 impose que le moyen soit présenté dans un écrit distinct et motivé afin de « faciliter le traitement de la question prioritaire de constitutionnalité ». Cette exigence formelle permet au juge de statuer sans délai sur la transmission sans pour autant retarder excessivement le déroulement de la procédure au fond. Le Conseil valide également l’interdiction de relever d’office le moyen car la Constitution réserve ce droit de critique législative aux seules parties à l’instance. L’exclusion de la cour d’assises se justifie par la « bonne administration de la justice » en raison des spécificités liées à la continuité des débats criminels.
Le respect de ces formes procédurales conditionne l’examen au fond de la demande par les juridictions de transmission que sont les deux hautes cours.
B. L’appréciation des critères de transmission vers la juridiction constitutionnelle
La transmission suppose que la disposition contestée soit applicable au litige et qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution, sauf changement de circonstances. Le Conseil d’État et la Cour de cassation doivent vérifier que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux avant de saisir les sages. Le critère de nouveauté impose que le Conseil soit saisi de « l’interprétation de toute disposition constitutionnelle dont il n’a pas encore eu l’occasion de faire application ». Cette étape de filtrage garantit que seules les interrogations juridiques pertinentes parviennent à la juridiction suprême, préservant ainsi l’efficacité du système juridictionnel global.
La mise en place de ces filtres administratifs s’accompagne d’une redéfinition de la place de la Constitution par rapport aux normes internationales dans l’ordre interne.
II. La hiérarchie des normes et la protection effective des droits
La priorité accordée à la question de constitutionnalité renforce la pyramide des normes tout en ménageant les exigences liées aux engagements internationaux de la France.
A. La primauté du contrôle de constitutionnalité sur le contrôle de conventionnalité
Le législateur organique a instauré une priorité d’examen du moyen de constitutionnalité pour « garantir le respect de la Constitution et rappeler sa place au sommet ». Cette règle n’empêche pas le juge du fond de veiller à la supériorité des traités après avoir épuisé les voies de la question prioritaire. L’examen prioritaire assure une cohérence juridique interne sans méconnaître les obligations résultant de l’article cinquante-cinq ou les spécificités propres au droit de l’Union européenne. Le juge constitutionnel préserve ainsi la souveraineté juridique nationale tout en permettant le respect ultérieur des engagements internationaux et de la hiérarchie des normes.
L’affirmation de cette hiérarchie doit néanmoins s’accorder avec la protection des droits fondamentaux des individus participant à l’instance devant les juridictions de jugement.
B. La préservation des garanties fondamentales et du droit au recours
La juridiction assortit sa décision de réserves d’interprétation pour éviter que l’autorité de la chose jugée ne prive le justiciable de son droit effectif. Ainsi, « ni cette disposition ni l’autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d’introduire une nouvelle instance » après la décision. Les règles de procédure devant les hautes juridictions doivent être conformes aux exigences du droit à un procès équitable pour protéger l’intérêt des parties. Le Conseil constitutionnel s’assure que le mécanisme ne devienne pas une entrave disproportionnée à la justice, maintenant ainsi l’équilibre nécessaire entre efficacité et protection.