Le Conseil constitutionnel a rendu le 11 février 2011 une décision portant sur la loi du 16 janvier 2001 relative à l’adaptation au droit communautaire des transports. Ce litige concerne l’abrogation de l’article L. 131-2 du code de commerce qui organisait le privilège exclusif des courtiers interprètes et conducteurs de navires. La disposition prévoyait que le courtage d’affrètement et les formalités de douane seraient désormais effectués librement par l’armateur ou son représentant désigné. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le requérant contestait la validité de cette réforme au regard de la protection des situations juridiques acquises. Il appartenait donc aux sages de déterminer si la suppression d’un monopole professionnel pouvait intervenir sans violer l’article 16 de la Déclaration de 1789. La juridiction a conclu à la conformité de la loi en soulignant la primauté de l’intérêt général lié à la libéralisation du secteur maritime. Cette solution repose sur la légitimité de la suppression du privilège professionnel avant d’envisager l’encadrement constitutionnel de la protection des situations acquises.
I. La légitimité de la suppression du privilège professionnel maritime
A. Un impératif d’intérêt général fondé sur l’ouverture à la concurrence Le législateur a souhaité mettre le droit national en conformité avec le règlement européen établissant le code des douanes communautaires de l’année 1992. Cette suppression « répondait à un but d’intérêt général résultant de la volonté du législateur » de respecter les engagements internationaux de la République française. La réforme « tendait également à favoriser la libre concurrence et la liberté d’entreprendre » dans un secteur économique stratégique pour les échanges internationaux.
B. La faculté souveraine du législateur de modifier le droit positif Le Conseil rappelle qu’il est « à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ». Cette prérogative permet l’évolution nécessaire des normes juridiques sans que les sujets de droit puissent se prévaloir d’un maintien indéfini des règles passées. L’abrogation des privilèges des courtiers maritimes s’inscrit ainsi dans une politique globale de modernisation législative. Cette mutation du droit positif invite alors à préciser les limites de la protection constitutionnelle accordée aux droits des administrés.
II. L’encadrement constitutionnel de la protection des situations acquises
A. La définition rigoureuse de l’atteinte à la garantie des droits L’article 16 de la Déclaration de 1789 protège les droits des citoyens contre des modifications législatives imprévisibles ou arbitraires affectant leurs positions juridiques. Le législateur méconnaîtrait cette garantie « s’il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant ». Le juge constitutionnel vérifie donc que l’intérêt collectif prévaut sur les intérêts particuliers sans priver les justiciables de garanties légales fondamentales.
B. L’absence de pérennité constitutionnelle d’un monopole d’exercice La décision énonce que le législateur « n’a pas affecté une situation légalement acquise dans des conditions contraires » aux principes de la Déclaration de 1789. La disparition d’un monopole professionnel ne constitue pas en soi une spoliation dès lors que la mesure est générale et dénuée de caractère rétroactif. Cette jurisprudence consacre la flexibilité du cadre normatif face aux mutations économiques imposées par la construction européenne et la liberté du commerce.