Par une décision du 17 mars 2011, le Conseil constitutionnel a examiné la conformité à la Constitution de l’article 1728 du code général des impôts. La question prioritaire de constitutionnalité concernait la majoration de 40 % appliquée en cas de retard de déclaration après une mise en demeure restée infructueuse. Un contribuable arguait que cette pénalité automatique heurtait les principes de nécessité et d’individualisation des peines protégés par la Déclaration des droits de l’homme. La procédure trouve son origine dans un litige fiscal où l’administration avait appliqué la sanction prévue par la rédaction de la loi antérieure à 2006. Le Conseil d’État a transmis cette question en estimant que le grief relatif à l’absence de modulation de la peine présentait un caractère sérieux. Les requérants soutenaient que le législateur ne pouvait fixer un taux rigide sans permettre au juge d’adapter le montant selon la situation personnelle. Le problème juridique posé réside dans la compatibilité d’une sanction pécuniaire fixe avec l’exigence de proportionnalité et d’individualisation des peines fiscales. Les sages ont déclaré la disposition conforme en considérant que le pouvoir de contrôle du juge assure le respect des garanties fondamentales du justiciable.
I. L’affirmation d’un contrôle de proportionnalité par paliers législatifs
A. La validité d’une échelle de sanctions pré-établies
Le Conseil constitutionnel valide l’existence d’une gradation législative des peines fiscales pour sanctionner les comportements des contribuables négligents ou volontairement récalcitrants. L’article 1728 organise une progression des majorations de 10 % à 80 % selon la durée du retard et la réitération des mises en demeure ministérielles. Cette architecture permet au législateur d’assurer une « répression effective des infractions » tout en modulant la réponse de l’État aux manquements déclaratifs constatés. La majoration de 40 % intervient spécifiquement lorsque le document n’a pas été déposé dans les trente jours suivant une première mise en demeure notifiée. La loi a ainsi « elle-même assuré la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés » par le texte.
B. La poursuite d’un objectif de répression fiscale effective
L’objectif de valeur constitutionnelle lié au recouvrement de l’impôt justifie l’établissement de règles strictes encadrant les obligations déclaratives de chaque citoyen de la République. Le Conseil souligne que la sanction financière présente une nature directement liée à celle de l’infraction commise par le contribuable dans l’exercice de ses devoirs. En fixant des taux prédéterminés, la loi garantit une prévisibilité de la réponse administrative tout en évitant l’arbitraire dans le calcul initial de la créance. Cette disposition vise à « améliorer la prévention et à renforcer la répression des défauts ou retards volontaires » pour assurer l’égalité devant les charges publiques. Le taux de 40 % n’est pas jugé « manifestement disproportionné » au regard de la gravité du manquement consistant à ignorer une injonction officielle.
II. La conciliation entre automaticité apparente et office du juge
A. Le maintien du principe d’individualisation par le contrôle juridictionnel
Le principe d’individualisation des peines impose que la sanction ne soit appliquée qu’après un examen des circonstances propres à chaque espèce par l’autorité compétente. Si l’administration applique mécaniquement le taux légal, le juge de l’impôt exerce un « plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue ». Il lui appartient de vérifier si le contribuable s’est effectivement abstenu de souscrire sa déclaration dans les délais légaux impartis par la mise en demeure. Le magistrat peut décider de « maintenir la majoration effectivement encourue » ou de lui substituer un taux différent s’il estime la qualification juridique erronée. Cette intervention permet de « proportionner les pénalités selon la gravité des agissements commis » malgré la rigidité textuelle de la norme contestée.
B. La portée du contrôle restreint sur les sanctions pécuniaires fixes
Cette décision confirme la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel refusant d’imposer un pouvoir de modulation discrétionnaire au juge lorsque la loi fixe un tarif. L’individualisation est respectée dès lors que le juge peut exclure l’application de la peine si les conditions légales ne sont pas strictement caractérisées. La portée de cet arrêt réside dans la reconnaissance d’une marge de manœuvre législative pour définir des sanctions automatiques sous réserve d’un recours effectif. La protection des droits fondamentaux s’exprime par la possibilité pour le justiciable de contester la matérialité de son infraction devant un tribunal indépendant. Les principes de l’article 8 de la Déclaration de 1789 ne font donc pas obstacle à la sévérité nécessaire au bon fonctionnement financier.