Conseil constitutionnel, Décision n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 30 juillet 2010, une décision portant sur la conformité de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Cette disposition permet à l’administration fiscale d’effectuer des visites et des saisies pour rechercher la preuve de fraudes à l’impôt sur le revenu. Plusieurs contribuables ont contesté ces mesures en invoquant l’atteinte à l’inviolabilité du domicile et au principe d’un recours juridictionnel effectif garanti par la Constitution. La saisine intervient dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation à la suite de perquisitions fiscales contestées. Les requérants soutiennent que l’absence de contrôle réel sur le déroulement des opérations et l’impossibilité de suspendre la visite violent les droits de la défense. Les juges déclarent les dispositions conformes, soulignant que les garanties introduites en 2008 assurent désormais une protection suffisante des libertés individuelles face aux prérogatives administratives. La décision consacre ainsi l’effectivité du recours juridictionnel tout en préservant l’équilibre nécessaire entre la lutte contre la fraude et le respect de la vie privée.

I. La préservation de l’effectivité du recours juridictionnel

A. L’encadrement des visites par le juge des libertés et de la détention

Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du ressort où se situent les lieux à visiter. Ce magistrat « doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée » selon les informations détenues par l’administration. Il motive son ordonnance par l’indication des éléments de fait et de droit laissant présumer l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. Le juge assure le contrôle et la direction des opérations, disposant du pouvoir de décider à tout moment de la suspension ou de l’arrêt des visites. Sa présence ou celle d’un officier de police judiciaire garantit que les agents respectent les limites fixées par l’ordonnance et les droits fondamentaux des occupants. Cette surveillance judiciaire garantit la régularité des opérations mais elle se double également d’une protection juridictionnelle a posteriori plus étendue.

B. L’exercice du droit au double degré de juridiction

La réforme de 2008 a ouvert une voie d’appel devant le premier président de la cour d’appel contre l’ordonnance d’autorisation et le déroulement des opérations. Le Conseil relève que ces dispositions apportent « des garanties supplémentaires pour les personnes soumises à ces visites » en permettant un réexamen complet de la légalité des mesures. Les parties peuvent former ce recours dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’ordonnance ou de la réception des procès-verbaux. L’accès à une instance d’appel renforce la protection des justiciables et s’inscrit dans le respect de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789. Cette architecture juridictionnelle permet de corriger les éventuelles erreurs d’appréciation commises lors de la phase initiale d’autorisation ou durant les perquisitions domiciliaires opérées par le fisc. La reconnaissance de ces droits de recours effectifs permet alors au Conseil constitutionnel de valider les contraintes inhérentes à la procédure fiscale.

II. Un équilibre entre efficacité administrative et garanties individuelles

A. La validité du caractère non suspensif du recours

L’appel formé contre l’autorisation n’est pas suspensif, ce qui permet à l’administration de poursuivre les opérations de saisie malgré la contestation immédiate du contribuable. Le Conseil juge ces dispositions « indispensables à l’efficacité de la procédure de visite et destinées à assurer la mise en œuvre de l’objectif de lutte contre la fraude ». Un arrêt automatique des perquisitions risquerait de favoriser la destruction des preuves recherchées avant que le juge d’appel ne puisse statuer sur le bien-fondé. Cette restriction ne porte pas atteinte au droit au recours car les intéressés peuvent toujours obtenir l’annulation ultérieure de la procédure et la restitution des documents. L’intérêt général lié au recouvrement de l’impôt justifie ici une dérogation proportionnée aux principes classiques de l’effet suspensif attaché aux voies de recours ordinaires. Si l’efficacité de la lutte contre la fraude justifie l’immédiateté des saisies, elle impose parallèlement une mise en conformité des procédures antérieures.

B. La portée de la rétroactivité des nouvelles garanties

Le législateur a prévu que les nouvelles voies de recours s’appliquent aux procédures de visite dont les conséquences juridiques ne sont pas encore définitivement fixées. La décision précise que ces dispositions « font bénéficier rétroactivement ces personnes des nouvelles voies de recours désormais prévues » sans violer de situation légalement acquise. Cette extension des droits de la défense permet de mettre le droit interne en conformité avec les exigences de protection des droits fondamentaux sans remettre en cause la sécurité juridique. Le Conseil constitutionnel valide ainsi la stratégie législative consistant à réparer les lacunes procédurales passées pour sécuriser les redressements fiscaux issus de ces perquisitions. La conformité de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales est donc totale, alliant fermeté contre la fraude et respect scrupuleux des procédures protectrices.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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