Le Conseil constitutionnel a rendu, le 22 septembre 2010, une décision importante relative à la conformité de dispositions législatives limitant le droit à indemnisation des collectivités territoriales. Cette décision, enregistrée sous le numéro 2010-29/37 QPC, porte sur l’article 103 de la loi de finances rectificative pour l’année 2008. Le litige trouve son origine dans l’exercice par les maires de missions de réception et de saisie des demandes de titres officiels d’identité. Le pouvoir réglementaire avait initialement mis ces dépenses à la charge des communes sans disposer d’une base législative suffisante pour le faire. Plusieurs collectivités ont alors sollicité l’indemnisation du préjudice résultant de cette incompétence devant les juridictions administratives de droit commun. Le législateur est intervenu pour interdire de se prévaloir d’un tel préjudice tout en instituant une dotation exceptionnelle de compensation. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le juge constitutionnel devait apprécier la validité de ce dispositif particulier de validation législative. Il s’agissait de déterminer si l’exclusion de l’action indemnitaire méconnaissait le principe de libre administration ou la garantie des droits. Le Conseil constitutionnel a conclu à la conformité des dispositions contestées en raison de l’existence d’une compensation et d’un intérêt général suffisant. L’examen de cette décision permet d’aborder la conciliation entre l’autonomie locale et le pouvoir législatif avant d’analyser l’encadrement des lois de validation.
I. La conciliation entre la libre administration des communes et les prérogatives du législateur
A. L’inopérance des griefs relatifs aux transferts de compétences
Les communes requérantes soutenaient que la charge financière imposée méconnaissait les garanties constitutionnelles liées aux transferts de compétences entre l’État et les collectivités. Le Conseil constitutionnel rejette cet argument en soulignant la nature particulière des missions exercées par les maires dans ce cadre précis. Il considère que « les compétences confiées aux maires au titre de la délivrance de cartes nationales d’identité et de passeports sont exercées au nom de l’État ». Cette distinction est fondamentale car elle exclut l’application des dispositions protectrices de l’article 72-2 de la Constitution française. Ce texte impose l’accompagnement de ressources financières seulement pour les compétences qui sont exercées par les collectivités territoriales elles-mêmes. En agissant comme simples agents du pouvoir central, les maires ne mobilisent pas la clause de libre administration de leur propre commune. Le grief tiré de la violation des règles sur les transferts obligatoires de compétences est donc jugé inopérant par la haute juridiction.
B. L’absence d’atteinte disproportionnée à l’autonomie financière
Le législateur a instauré une dotation forfaitaire de trois euros par titre pour compenser l’accroissement des charges réellement supportées par les communes. Le juge observe que ce mécanisme vise à « réparer de façon égalitaire les conséquences des décrets ayant mis de façon irrégulière à la charge des communes des dépenses ». Les sages estiment que les restrictions imposées ne sont pas disproportionnées par rapport aux objectifs d’intérêt général que le législateur s’est assignés. Le montant global de la dotation évite que les dispositions n’aient « pour effet de dénaturer la libre administration de ces collectivités ». Le principe de responsabilité découlant de l’article 4 de la Déclaration de 1789 ne subit alors aucune limitation inconstitutionnelle de la part du législateur. La solution repose sur l’équilibre entre la charge financière constatée et l’indemnisation forfaitaire versée par l’État aux autorités locales.
II. L’encadrement constitutionnel de la loi de validation et de la garantie des droits
A. La reconnaissance d’un but d’intérêt général suffisant
La décision précise les conditions dans lesquelles le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif contesté. Une telle intervention nécessite un but d’intérêt général suffisant ainsi que le respect des décisions de justice passées en force de chose jugée. En l’espèce, le Conseil constitutionnel relève que les dispositions contestées répondent à cet impératif au regard des relations financières entre les parties. L’institution d’une dotation pour toutes les communes, et non seulement pour les requérantes, renforce la légitimité de cette intervention législative. L’indemnisation forfaitaire permet de stabiliser les situations juridiques tout en évitant des contentieux indemnitaires trop complexes pour le budget de l’État. Ce motif financier constitue un intérêt suffisant pour justifier l’atteinte relative au droit de solliciter une réparation intégrale devant le juge administratif.
B. La préservation de la sécurité juridique et de la séparation des pouvoirs
L’article 16 de la Déclaration de 1789 impose que la portée d’une validation législative soit strictement définie pour être conforme à la Constitution. Le juge note que les dispositions critiquées « délimitent de façon précise l’irrégularité qui ne peut être invoquée » dans le cadre d’une demande d’indemnisation. Le législateur tire ainsi les conséquences des décisions antérieures du Conseil d’État ayant constaté l’incompétence du pouvoir réglementaire en la matière. Le respect de la chose jugée est assuré puisque la loi de finances réserve expressément le sort des décisions de justice définitives. L’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans le calcul de la dotation garantit que le droit à un recours effectif est préservé. Cette validation législative n’emporte donc aucune rupture de la séparation des pouvoirs ni aucune méconnaissance de la garantie des droits constitutionnels.