Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 7 octobre 2010, s’est prononcé sur la conformité à la Constitution de l’article L. 2122-2 du code du travail. Ce texte encadre la représentativité des organisations syndicales catégorielles au sein des entreprises lors des élections professionnelles organisées par les employeurs.
Le litige s’inscrit dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité contestant les critères de représentativité issus de la réforme de la démocratie sociale. Les requérants soutenaient que les conditions d’audience électorale portaient atteinte à la liberté syndicale ainsi qu’au principe d’égalité devant la loi.
La procédure fait suite à la transmission de cette question au Conseil constitutionnel afin d’apprécier si le seuil de 10 % des suffrages était constitutionnel. Il s’agissait de déterminer si le législateur pouvait imposer des conditions de représentativité spécifiques aux syndicats catégorielles sans méconnaître les droits fondamentaux des travailleurs.
Le problème juridique posé réside dans la compatibilité d’un seuil d’audience électorale minimal avec les principes de participation des travailleurs et d’égalité de traitement. La haute juridiction devait examiner si la différence de calcul de ce seuil pour les syndicats catégoriels constituait une discrimination prohibée.
Les sages ont déclaré la disposition conforme en considérant que le législateur peut fixer des critères de représentativité pour assurer l’efficacité de la négociation collective. Ils ont également admis que la situation particulière des syndicats catégoriels justifiait des modalités de calcul distinctes du droit commun.
I. La consécration d’une représentativité syndicale fondée sur l’audience électorale
A. L’encadrement législatif des critères de participation des travailleurs
Le Conseil constitutionnel rappelle que l’article 34 de la Constitution confie au législateur la détermination des principes fondamentaux du droit syndical en France. Les juges soulignent qu’il est loisible au pouvoir législatif d’adopter des modalités nouvelles pour concilier des objectifs de nature constitutionnelle dans ce domaine.
La décision précise que la disposition contestée « tend à assurer que la négociation collective soit conduite par des organisations dont la représentativité est fondée sur le résultat ». Cette orientation vise à renforcer la légitimité des acteurs sociaux en liant directement leur capacité de négociation aux suffrages exprimés par les salariés.
B. La proportionnalité du seuil électoral au regard des libertés fondamentales
L’exigence d’une audience minimale n’est pas jugée contraire à la liberté de défense des droits et des intérêts par l’action syndicale des travailleurs. Le Conseil estime que « la liberté d’adhérer au syndicat de son choix n’impose pas que tous les syndicats soient reconnus comme étant représentatifs ».
En fixant le seuil à 10 % des suffrages exprimés, le législateur a entendu « éviter la dispersion de la représentation syndicale » au sein de l’entreprise. Cette mesure est jugée proportionnée puisque le droit pour tout homme de défendre ses intérêts n’implique pas un droit inconditionnel à la représentativité.
II. La validation d’un traitement différencié au profit des syndicats catégoriels
A. La constatation d’une disparité de situation entre les organisations
Le principe d’égalité « ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes » selon une jurisprudence classique. Les organisations syndicales ayant vocation à représenter certaines catégories de travailleurs se trouvent dans une position spécifique par rapport aux syndicats généralistes.
Cette distinction repose sur l’affiliation à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale dont les statuts limitent le champ d’intervention aux seuls collèges électoraux spécifiques. Le Conseil constitutionnel reconnaît ainsi l’existence d’une différence objective de situation entre ces types d’organisations syndicales lors des élections.
B. La pertinence constitutionnelle de la distinction opérée par le législateur
La différence de traitement instituée consiste à calculer le seuil de 10 % uniquement dans les collèges électoraux où le syndicat a vocation à candidater. Cette modalité de calcul est jugée « en lien direct avec l’objet de la loi » qui cherche à refléter la réalité du soutien électif.
Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi est écarté par la juridiction constitutionnelle après cet examen minutieux. L’article L. 2122-2 du code du travail demeure donc valide dans l’ordonnancement juridique interne car il ne contrevient à aucun droit ou liberté constitutionnelle.