Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 29 septembre 2010, s’est prononcé sur la conformité de l’impôt de solidarité sur la fortune. Cette question prioritaire de constitutionnalité concernait spécifiquement les règles relatives à l’assujettissement, à l’assiette et au barème de cette contribution annuelle.
Le litige provient de la contestation par des contribuables des articles 885 A, 885 E et 885 U du code général des impôts. Ces derniers soutenaient que les modalités de taxation rompaient l’égalité devant la loi et devant les charges publiques selon la Déclaration de 1789.
Les requérants critiquaient notamment l’imposition commune des concubins notoires, l’intégration de biens improductifs dans l’assiette et l’absence d’un quotient familial. Ils estimaient que ces dispositions ne prenaient pas suffisamment en compte les facultés contributives réelles des foyers fiscaux soumis à cet impôt.
Le Conseil constitutionnel rejette l’ensemble de ces griefs en déclarant les dispositions contestées conformes aux principes et libertés garantis par la Constitution. Il affirme que le législateur peut librement déterminer les critères d’évaluation de la capacité contributive sous réserve de fonder son appréciation sur des éléments objectifs.
I. La validité de la définition du foyer et de l’assiette fiscale
A. Le maintien de l’imposition commune des concubins
Le juge constitutionnel écarte d’abord la remise en cause de l’imposition commune des personnes vivant en concubinage notoire pour le calcul de l’impôt. Il souligne que « le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme ».
Cette règle procédurale repose sur l’autorité de la chose jugée attachée à la décision du 30 décembre 1981 ayant validé le dispositif initial. Le Conseil précise que la création ultérieure du pacte civil de solidarité « ne constitue pas un changement des circonstances » justifiant un nouvel examen de la loi.
B. La taxation légitime des biens non productifs
La juridiction valide ensuite l’intégration des biens ne produisant pas de revenus dans la base taxable de l’impôt de solidarité sur la fortune. Le Conseil rappelle qu’il appartient au législateur de fixer les règles concernant l’assiette des impositions de toutes natures selon l’article 34 de la Constitution.
L’institution d’une telle taxe vise à « frapper la capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et de droits ». La simple possession d’un patrimoine, même improductif, manifeste une puissance économique que le pouvoir législatif peut décider de soumettre à une contribution commune indispensable.
II. La reconnaissance d’une liberté de méthode pour le législateur
A. L’absence d’obligation de recourir au quotient familial
Le Conseil constitutionnel juge que l’absence de quotient familial dans le calcul de cet impôt ne méconnaît pas le principe d’égalité devant l’impôt. Il estime que le législateur a valablement considéré que « la composition du foyer fiscal n’avait pas la même incidence qu’en matière d’impôt sur le revenu ».
La faculté contributive au titre du patrimoine s’apprécie selon des modalités propres qui ne sont pas nécessairement calquées sur celles des revenus annuels. L’exigence constitutionnelle de répartition égale de la contribution « ne suppose pas l’existence d’un quotient familial » pour chaque type d’imposition existante.
B. La conformité globale de l’impôt au principe d’égalité
Enfin, la décision souligne que la progressivité du barème et les mécanismes d’abattement assurent le respect des facultés contributives des citoyens. Le législateur a prévu des exonérations concernant la résidence principale ou les biens professionnels afin de corriger les effets potentiellement excessifs de la taxation.
Le juge conclut que les dispositions ne créent aucune rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques malgré les différences de situations alléguées. L’appréciation souveraine du législateur repose sur des critères rationnels en lien avec l’objectif de solidarité nationale poursuivi par cette loi fiscale.