Le Conseil constitutionnel a rendu, le 18 octobre 2010, une décision concernant la conformité à la Constitution de l’article 266 sexies du code des douanes. Plusieurs exploitants d’installations de stockage de déchets ont contesté la légalité de la taxe générale sur les activités polluantes frappant leurs activités de réception. Ces sociétés géraient des sites de stockage de déchets ménagers où des déchets inertes servaient de couverture pour les autres résidus traités sur place. Un litige fiscal les opposait à l’administration douanière, laquelle réclamait le paiement de la taxe sur ces volumes spécifiques de matériaux pourtant non polluants. La question prioritaire de constitutionnalité fut transmise au Conseil constitutionnel afin d’examiner la validité des critères d’assujettissement retenus par le législateur national. Les requérants soutenaient que le dispositif instaurait une rupture d’égalité devant les charges publiques entre les différents exploitants de sites de stockage de déchets. Selon eux, la nature identique des déchets inertes imposait un traitement fiscal uniforme, quel que soit l’établissement receveur ou la destination finale des matériaux. Le problème de droit posé consistait à savoir si l’imposition de déchets inertes en fonction du type d’installation méconnaissait l’égalité garantie par la Déclaration de 1789. Le Conseil constitutionnel a jugé les dispositions conformes, sous réserve que la taxe ne s’applique pas aux quantités de déchets inertes spécifiquement visées par la requête.
I. L’explication de l’assujettissement litigieux à la taxe environnementale
A. La distinction critiquée entre les installations de stockage
La taxe générale sur les activités polluantes s’applique aux exploitants d’installations de stockage de déchets ménagers ou d’élimination de déchets industriels spéciaux par incinération. Les sociétés requérantes critiquaient le fait que « ces dispositions fixent des règles d’assujettissement différentes selon que les déchets inertes sont mis en dépôt ». En effet, le stockage de ces mêmes déchets dans des installations spécialisées n’entraînait pas le paiement de la contribution financière prévue par le code des douanes. Le législateur avait ainsi créé une dichotomie fiscale fondée sur la nature de l’établissement receveur plutôt que sur la nocivité réelle des produits stockés. Cette distinction frappait lourdement les exploitants utilisant des déchets inertes comme « matériaux de couverture » indispensables au fonctionnement technique de leurs centres de stockage de déchets. L’analyse du Conseil constitutionnel devait donc porter sur la pertinence de ce critère organique par rapport au but environnemental affiché par la loi de finances.
B. Le cadre constitutionnel de l’égalité devant les charges publiques
Le grief invoqué reposait sur l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui impose une répartition égale des contributions. Le juge constitutionnel rappelle que « pour assurer le respect du principe d’égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels ». La liberté du législateur en matière fiscale demeure étendue, mais elle s’arrête là où commence une « rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ». Dans cette espèce, le but de la taxe est d’intégrer le coût de la pollution dans le prix des activités afin de limiter leur développement. Or, l’utilisation de déchets inertes ne présentait pas le caractère polluant justifiant normalement l’application de cette fiscalité spécifique à visée incitative ou dissuasive. Le Conseil constitutionnel a dû confronter l’objectif de réduction des activités polluantes avec la réalité technique de l’utilisation de matériaux neutres pour l’environnement.
II. La mise en œuvre d’une réserve d’interprétation corrective
A. L’exclusion nécessaire des déchets inertes de l’assiette fiscale
Le Conseil valide les articles contestés tout en limitant leur portée par une réserve d’interprétation figurant au cinquième considérant de sa décision du 18 octobre. Il énonce que les dispositions « ne sauraient, sans méconnaître le principe d’égalité devant les charges publiques, être interprétées comme s’appliquant à l’ensemble des quantités ». Cette formulation interdit à l’administration fiscale d’inclure les déchets inertes utilisés comme couverture dans la base d’imposition des exploitants de sites de déchets ménagers. Par cette technique, le juge évite la déclaration d’inconstitutionnalité tout en neutralisant l’effet discriminatoire dénoncé par les sociétés requérantes lors de l’audience publique. La solution garantit que des situations identiques reçoivent un traitement fiscal similaire malgré la différence de structure juridique des établissements de stockage concernés. La réserve d’interprétation permet de maintenir le dispositif législatif global tout en corrigeant ponctuellement une application manifestement contraire aux exigences constitutionnelles de justice fiscale.
B. La cohérence maintenue des objectifs de politique environnementale
La décision préserve la finalité de la taxe générale sur les activités polluantes en concentrant l’effort fiscal sur les seuls processus réellement générateurs de nuisances. En excluant les déchets inertes, le juge constitutionnel renforce la rationalité du dispositif car ces matériaux ne participent pas à la pollution que la taxe combat. Le législateur a « entendu en intégrer la charge dans le coût des produits polluants ou des activités polluantes » pour en réduire la consommation globale. Taxer des produits neutres aurait constitué une charge injustifiée sans rapport avec l’intérêt général poursuivi par la création de cette contribution douanière spéciale. La portée de cet arrêt confirme la vigilance du Conseil quant à la précision des catégories de redevables et de l’assiette des impositions de toute nature. Cette jurisprudence assure une protection efficace contre les distorsions de concurrence qui pourraient résulter d’une définition trop large ou imprécise des faits générateurs fiscaux.