Le juge constitutionnel a rendu, le 10 novembre 2010, la décision n° 2010-616 DC portant sur la loi organique relative à la gestion de la dette sociale. Cette décision intervient dans le cadre du contrôle de constitutionnalité obligatoire des lois organiques avant leur promulgation, conformément à l’article 61 de la Constitution. Elle fait suite à une saisine par plus de soixante députés contestant la conformité de plusieurs dispositions relatives au remboursement de la dette. Les requérants s’interrogeaient sur le respect de l’équilibre financier de la sécurité sociale et sur l’étendue du domaine des lois de financement. La question centrale porte sur la validité des nouveaux mécanismes d’amortissement de la dette et sur la définition constitutionnelle du champ des lois de financement. Le juge valide l’essentiel du texte sous une réserve d’interprétation mais censure une extension indue du domaine facultatif de ces lois spéciales.
I. L’encadrement rigoureux du mécanisme de remboursement de la dette sociale
A. La préservation de la durée d’amortissement de la dette
L’article 1er de la loi organique modifie les conditions de transfert de la dette sociale afin de ne pas accroître la durée de son amortissement. Le législateur permet désormais d’accompagner tout nouveau transfert par l’augmentation de recettes fiscales ou par la réalisation d’actifs affectés à l’organisme de remboursement. Le juge constitutionnel relève que « la loi de financement de la sécurité sociale doit prévoir l’ensemble des ressources affectées au remboursement de la dette sociale jusqu’au terme prévu ». Cette exigence de prévisibilité budgétaire permet d’assurer que les ressources seront suffisantes pour respecter l’échéance finale de l’amortissement de la dette sociale. Une dérogation temporaire est toutefois autorisée pour l’année 2011, permettant d’augmenter la durée d’amortissement dans la limite stricte de quatre années supplémentaires.
B. La garantie de l’équilibre financier des régimes de sécurité sociale
Le juge constitutionnel assortit sa validation d’une réserve d’interprétation majeure concernant les transferts de recettes sans compensation entre les différents régimes de protection sociale. Les lois de financement ne sauraient conduire à une dégradation des conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale pour l’exercice à venir. L’institution précise que les ressources affectées à l’organisme d’amortissement ne doivent pas être prélevées au détriment des autres organismes concourant au financement social. Cette garantie assure le respect du principe de sincérité budgétaire tel que défini par les dispositions organiques du code de la sécurité sociale. L’équilibre financier demeure ainsi la clef de voûte du contrôle opéré sur la répartition des ressources publiques entre les différentes entités.
II. La délimitation constitutionnelle du domaine des lois de financement
A. L’extension contrôlée du champ des lois de financement
La loi organique étend le champ des lois de financement aux dispositions relatives à l’assiette et aux taux des cotisations des régimes obligatoires. Elle inclut également les mesures concernant les organismes concourant à la mise en réserve de recettes ou à l’amortissement de la dette sociale. Le juge estime que ces extensions sont conformes aux exigences du dix-neuvième alinéa de l’article 34 de la Constitution de la République française. L’autorité financière compétente est désormais chargée de donner son avis sur la cohérence du tableau retraçant la situation patrimoniale de ces régimes sociaux. Cette information renforcée du Parlement contribue à une meilleure évaluation des politiques publiques et à une transparence accrue des comptes de la protection sociale.
B. La censure du critère des incidences sur l’équilibre financier
Le juge constitutionnel censure les dispositions soumettant l’extension du champ des lois de financement à la seule existence d’incidences sur l’équilibre financier global. En agissant ainsi, le législateur organique a méconnu les limites fixées par l’article 34 de la Constitution relatives à la détermination des conditions générales. L’arrêt affirme qu’en subordonnant cette extension à de simples incidences, le législateur a outrepassé les « conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». Cette décision rappelle la spécificité des lois de financement dont le domaine ne saurait être indéfiniment élargi par des critères trop imprécis. La limitation du domaine législatif spécial protège la clarté des débats parlementaires contre l’insertion de mesures étrangères à l’équilibre financier du système social.