Le Conseil constitutionnel, par une décision du 9 novembre 2010, s’est prononcé sur la conformité à la Constitution de la loi portant réforme des retraites. Plusieurs membres du Parlement ont saisi la juridiction afin de contester le report de l’âge légal de départ à la retraite à soixante-deux ans. Ils invoquaient notamment une méconnaissance des exigences de sécurité matérielle garanties par le Préambule de 1946 ainsi qu’une rupture d’égalité entre les citoyens. Les requérants critiquaient également la régularité de la procédure législative et la présence de dispositions étrangères à l’objet initial du texte de loi. La Haute juridiction devait alors déterminer si le Parlement peut modifier l’âge de la retraite sans porter atteinte aux garanties constitutionnelles fondamentales. Toutefois, le Conseil a validé l’essentiel de la réforme en rappelant la large liberté d’appréciation dont dispose le législateur en matière sociale. Enfin, les juges ont censuré plusieurs articles qualifiés de cavaliers législatifs au terme d’un examen d’office de la procédure d’adoption des amendements.
I. La validité constitutionnelle du report de l’âge légal de départ à la retraite
A. L’exercice par le législateur de son pouvoir de modification des prestations sociales
Le Conseil constitutionnel rappelle que le onzième alinéa du Préambule de 1946 « garantit à tous […] la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». Dès lors, cette exigence constitutionnelle impose la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités. Cependant, le législateur peut à tout moment « modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ». La volonté de préserver le système par répartition face à l’allongement de l’espérance de vie constitue un objectif d’intérêt général suffisant. Le report à soixante-deux ans ne prive pas de garanties légales les principes fondamentaux dès lors que des dispositifs de compensation existent.
B. La conformité du dispositif aux exigences de solidarité et d’égalité devant la loi
Le principe d’égalité n’oblige pas à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes lors de l’application d’une règle. En l’espèce, le législateur a « maintenu […] la possibilité de partir à la retraite avant l’âge de soixante ans » pour les carrières longues. La différence de traitement instaurée pour les salariés exposés à la pénibilité est jugée en « rapport direct avec l’objet de la loi ». Les mesures prises visent ainsi à garantir la sécurité des vieux travailleurs sans méconnaître les droits fondamentaux protégés par la Constitution. L’équilibre ainsi trouvé entre les objectifs financiers et les garanties sociales se double d’une surveillance étroite des modalités d’adoption de la loi.
II. Le contrôle de la régularité procédurale et la sanction de l’incompétence matérielle
A. La validation d’une procédure parlementaire respectueuse de la clarté des débats
Le juge constitutionnel affirme que les règlements des assemblées parlementaires « n’ont pas par eux-mêmes une valeur constitutionnelle » supérieure aux normes de référence. En l’espèce, le grief relatif au huis clos de la commission est écarté car un compte rendu précis des travaux a été assuré. L’interruption des explications de vote personnelles par la présidence n’a pas non plus porté atteinte aux exigences de clarté du débat parlementaire. La procédure législative est donc jugée régulière malgré les critiques formulées par les requérants sur le temps législatif programmé lors des séances.
B. L’exclusion des cavaliers législatifs étrangers à l’objet de la réforme des retraites
Selon l’article 45 de la Constitution, tout amendement doit présenter « un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » initialement. Toutefois, les articles soixante-trois à soixante-quinze concernent la médecine du travail et ne présentent aucun lien avec la réforme globale des retraites. Ces dispositions ont été adoptées selon une procédure contraire aux exigences constitutionnelles et doivent par conséquent être déclarées contraires à la Constitution. Cette censure garantit le respect du domaine de la loi et protège le Parlement contre l’insertion de mesures étrangères au projet initialement discuté.