Conseil constitutionnel, Décision n° 2010-73 QPC du 3 décembre 2010

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 3 décembre 2010, une décision portant sur la conformité à la Constitution de la loi du 2 juin 1891 réglementant les courses hippiques. Cette loi ancienne organisait un encadrement strict du secteur des paris en interdisant toute offre de pari sans autorisation préalable du ministre de l’agriculture.

Une société spécialisée dans les paris en ligne contestait la validité de ces dispositions au motif qu’elles porteraient atteinte à plusieurs libertés constitutionnelles majeures. La juridiction compétente a transmis cette question prioritaire de constitutionnalité afin d’examiner la légitimité d’un monopole instauré sous la Troisième République au regard des exigences modernes.

La société requérante soutenait que le législateur avait méconnu sa propre compétence en déléguant excessivement ses pouvoirs au profit de l’autorité réglementaire pour organiser les paris. Elle invoquait également une violation du principe de légalité des délits et des peines ainsi qu’une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre.

Le Conseil constitutionnel devait ainsi déterminer si une loi adoptée avant la Constitution de 1958 pouvait être censurée pour incompétence négative et si l’ordre public justifiait le régime exclusif des courses. Les juges ont alors rejeté l’ensemble des griefs en validant le dispositif législatif ancien qui concilie les impératifs économiques et la protection sociale.

L’étude de cette décision permet d’analyser d’abord la délimitation rigoureuse du contrôle de constitutionnalité des lois anciennes avant d’étudier la validation de l’encadrement des jeux d’argent au nom de l’ordre public.

I. La délimitation rigoureuse du contrôle de constitutionnalité des lois anciennes

A. L’irrecevabilité du grief d’incompétence négative pour les textes antérieurs à 1958

Le Conseil constitutionnel écarte d’emblée le moyen tiré de ce que le législateur aurait insuffisamment exercé ses attributions lors de l’adoption de la loi de 1891. Il juge que si la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être invoquée, elle « ne saurait l’être à l’encontre d’une disposition législative antérieure à la Constitution ».

Cette position confirme que les règles de répartition des compétences entre la loi et le règlement issues de 1958 ne s’appliquent pas rétroactivement aux normes antérieures. Les juges refusent ainsi de confronter l’étendue du pouvoir législatif d’autrefois aux exigences contemporaines de l’article 34 de la Constitution, préservant ainsi la stabilité du droit ancien.

B. La clarté des incriminations pénales au regard du principe de légalité

La juridiction constitutionnelle vérifie ensuite si les sanctions prévues par l’article 4 de la loi contestée respectent l’exigence de précision requise en matière de droit pénal. Elle rappelle que le législateur doit définir les crimes et délits en termes « suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire » selon la Déclaration de 1789.

Les sages estiment que les dispositions relatives aux sanctions pénales pour organisation illicite de paris sont dépourvues d’ambiguïté et ne méconnaissent donc pas le principe de légalité. Le texte définit avec assez de netteté les comportements interdits pour permettre aux justiciables de connaître l’étendue de leurs obligations et des risques encourus.

Le rejet de ces griefs procéduraux et formels conduit le Conseil constitutionnel à examiner le fond des restrictions imposées à l’activité économique des sociétés de paris.

II. La validation de l’encadrement des jeux d’argent au nom de l’ordre public

A. La protection de l’ordre public comme motif de restriction aux libertés économiques

Le Conseil constitutionnel reconnaît que le législateur peut limiter la liberté d’entreprendre à la condition que ces restrictions soient justifiées par l’intérêt général ou des exigences constitutionnelles. Il souligne que l’encadrement des paris hippiques vise à prévenir « les abus et les scandales » ainsi que le risque de dépendance au jeu.

La décision affirme que le législateur a entendu assurer « la sauvegarde de l’ordre public » en contrôlant étroitement l’amélioration de la race chevaline et le financement de l’élevage. Les juges estiment que la conciliation opérée entre la liberté économique et ces objectifs de valeur constitutionnelle n’est pas « manifestement déséquilibrée » dans ce secteur spécifique.

B. L’affirmation de l’égalité de traitement et l’accès au juge

Le principe d’égalité devant la loi n’est pas méconnu puisque la législation prévoit un « seul et même régime applicable à toutes les sociétés de courses » hippiques. Le Conseil considère que la différence de traitement éventuelle resterait en rapport direct avec l’objet de la loi qui organise un secteur très réglementé.

Enfin, les juges rappellent que le droit à un recours juridictionnel effectif demeure garanti pour toute entité se voyant opposer un refus d’agrément par l’administration. La décision précise que l’intéressé peut contester un tel refus « devant le juge administratif » selon les procédures de droit commun, assurant ainsi la protection des droits individuels.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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