Le Conseil constitutionnel a rendu, le 17 décembre 2010, une décision relative à la conformité de l’article 207 du code de procédure pénale à la Constitution. Cette disposition législative permettait à la chambre de l’instruction de se réserver la compétence exclusive pour statuer sur les demandes de mise en liberté ultérieures.
Un justiciable placé en détention provisoire a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité lors d’une instance pénale devant les juridictions du fond. Le requérant critiquait la faculté offerte à la juridiction d’appel de s’emparer du contentieux futur de la détention au détriment des juges du premier degré.
La procédure a conduit à la transmission de cette question par une décision de renvoi au Conseil constitutionnel pour examen de sa validité. L’auteur de la saisine invoquait la méconnaissance du principe du double degré de juridiction, de l’égalité devant la justice et de l’exigence de motivation.
Le problème juridique résidait dans la compatibilité d’un pouvoir discrétionnaire de rétention de compétence par une juridiction d’appel avec les droits fondamentaux du détenu. Le Conseil devait déterminer si l’efficacité de l’instruction justifiait la suppression d’un degré de juridiction pour la protection de la liberté individuelle.
La Haute Juridiction a déclaré les dispositions contestées contraires à la Constitution car elles privent l’intéressé de garanties essentielles prévues par le code. L’arrêt énonce que les « décisions en matière de détention provisoire continuent de relever de la compétence du juge d’instruction » malgré la décision de l’appel.
L’étude de cette décision impose d’analyser la censure d’un pouvoir discrétionnaire attentatoire aux garanties juridictionnelles (I), puis d’examiner la consécration de l’exigence d’un double degré de juridiction (II).
I. La censure d’un pouvoir discrétionnaire attentatoire aux garanties juridictionnelles
A. L’encadrement strict de la compétence de la chambre de l’instruction
L’article 207 du code de procédure pénale autorisait la chambre de l’instruction à se déclarer seule compétente pour statuer sur la détention. Cette attribution de compétence dérogatoire intervenait lorsque la juridiction d’appel infirmait une ordonnance de mise en liberté ou de refus de prolongation.
Le juge constitutionnel relève que ces dispositions confèrent à la juridiction « le pouvoir discrétionnaire de priver une personne mise en examen » des garanties légales habituelles. Cette centralisation du contentieux entre les mains des juges d’appel rompait l’équilibre procédural normalement assuré par la séparation des degrés de juridiction.
B. La protection de l’égalité devant la justice et des droits de la défense
Le principe d’égalité devant la justice impose que les justiciables bénéficient de garanties procédurales identiques selon l’article 6 de la Déclaration de 1789. Le législateur peut prévoir des règles différentes seulement si elles ne procèdent pas de distinctions injustifiées entre les personnes mises en cause.
La Haute Juridiction estime que « l’éventuelle divergence entre les positions respectives des juridictions » ne saurait justifier une telle atteinte aux droits des justiciables. La mesure privative de liberté doit rester soumise au contrôle permanent de magistrats respectant les garanties fondamentales offertes à toute personne détenue.
II. La consécration de l’exigence d’un double degré de juridiction effectif
A. La sauvegarde du droit au réexamen de la privation de liberté
Le Conseil constitutionnel affirme que les décisions sur la détention provisoire doivent pouvoir faire l’objet d’un réexamen par une juridiction supérieure. Cette exigence constitutionnelle assure la régularité et la nécessité de la mesure privative de liberté durant toute la phase de l’instruction préparatoire.
En se réservant le contentieux, la chambre de l’instruction supprimait la possibilité pour le détenu de contester les décisions de maintien en cellule. Le juge rappelle l’existence d’un « droit à un double degré de juridiction instauré pour toute décision » relative à la privation de liberté individuelle.
B. La portée immédiate de l’abrogation des dispositions inconstitutionnelles
L’abrogation des deuxième et troisième phrases du premier alinéa de l’article 207 prend effet dès la publication de la décision au Journal officiel. Les décisions par lesquelles une chambre de l’instruction s’était réservé la compétence cessent immédiatement de produire leurs effets juridiques pour l’avenir.
Cette solution renforce la protection de la liberté individuelle en rétablissant la compétence de principe des juges du premier degré de juridiction. Le Conseil constitutionnel veille ainsi à ce que la garantie des droits soit assurée conformément aux exigences de l’article 16 de la Déclaration.