Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 4 février 2011, s’est prononcé sur la conformité de plusieurs dispositions législatives relatives aux rapatriés. La question prioritaire de constitutionnalité portait sur les conditions de nationalité et de résidence imposées pour l’octroi d’allocations aux anciens harkis. Les requérants soutenaient que ces restrictions portaient atteinte au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789.
Le litige opposait des anciens membres de formations supplétives aux services de l’État suite au refus de versement de rentes de reconnaissance. Les textes contestés réservaient le bénéfice de ces aides aux personnes ayant conservé ou acquis la nationalité française avant une date précise. Le juge devait déterminer si ces critères de distinction étaient en rapport direct avec l’objet des lois d’indemnisation successivement adoptées par le Parlement.
Le Conseil constitutionnel décide d’abroger les conditions de nationalité tout en maintenant l’exigence d’une résidence stable sur le territoire national. Il considère que le législateur a pu « instituer un critère de résidence en lien direct avec l’objet de la loi ». En revanche, il juge qu’aucune « différence selon la nationalité » ne peut être établie pour ces prestations liées aux services passés.
I. La validation d’une différence de traitement fondée sur la résidence
A. La légitimité de l’objectif de réinstallation en Europe Le Conseil constitutionnel examine la condition de domicile en France ou dans un État membre de l’Union européenne pour bénéficier des allocations. Il relève que ces aides visent spécifiquement à compenser les charges financières entraînées par le départ d’Algérie vers le continent européen. En instaurant ce critère, le législateur a entendu « tenir compte des charges entraînées par leur départ d’Algérie et leur réinstallation ». Cette distinction repose sur une situation de fait objective liée aux difficultés matérielles de l’exil subi par les rapatriés.
B. Le rapport direct entre le critère géographique et l’objet social Le principe d’égalité n’interdit pas au législateur de régler de façon différente des situations distinctes pour des motifs d’intérêt général. Le juge vérifie que la différence de traitement résultant de la résidence est « en rapport direct avec l’objet de la loi ». La localisation du domicile constitue un paramètre rationnel pour identifier les bénéficiaires ayant effectivement supporté les coûts de réintégration. Cette condition géographique ne présente aucun caractère discriminatoire excessif au regard des objectifs de solidarité nationale initialement poursuivis.
II. La censure de l’exclusion fondée sur la condition de nationalité
A. L’absence de justification rationnelle liée au sacrifice consenti Le juge constitutionnel adopte une position ferme concernant les clauses subordonnant l’octroi des rentes à la possession de la nationalité française. Il estime que le service accompli auprès des forces armées françaises justifie une reconnaissance égale pour tous les anciens membres supplétifs. La différence de traitement entre les bénéficiaires selon leur statut civique actuel ne présente aucun lien avec l’objet indemnitaire des textes. Le Conseil affirme qu’il ne pouvait légalement établir de « différence selon la nationalité » pour des prestations de cette nature.
B. Les conséquences de l’abrogation immédiate des dispositions litigieuses La déclaration d’inconstitutionnalité entraîne la suppression des mentions relatives à la nationalité française dans plusieurs lois de finances et textes spéciaux. Cette abrogation prend effet immédiatement et « peut être invoquée dans les instances en cours » à la date de la décision. Elle impose une extension du bénéfice des aides à l’ensemble des anciens harkis résidant en Europe sans distinction de passeport. Le droit positif se trouve ainsi purifié d’une condition jugée contraire aux exigences fondamentales de l’égalité devant la loi.