Le Conseil constitutionnel a rendu le 8 avril 2011 une décision sur la conformité de plusieurs articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Cette décision traite d’une question prioritaire de constitutionnalité relative au droit au recours des étrangers dont la demande d’asile suit une procédure prioritaire. Un ressortissant étranger a contesté les dispositions permettant son placement en rétention malgré l’exercice d’un recours devant la Cour nationale du droit d’asile. Le requérant soutenait que l’absence de caractère suspensif de ce recours, combinée à la pratique de la juridiction, méconnaissait l’article 16 de la Déclaration de 1789. Le Conseil constitutionnel devait déterminer si l’interprétation jurisprudentielle de la Cour nationale du droit d’asile constituait un changement de circonstances remettant en cause la loi. La haute juridiction déclare les dispositions conformes à la Constitution en soulignant l’absence de contrôle du Conseil d’État sur l’interprétation contestée par le requérant.
I. L’autorité des décisions antérieures de constitutionnalité
A. La confirmation des dispositions relatives à la rétention administrative
Le Conseil constitutionnel rappelle que les articles L. 551-1 et L. 552-1 du code précité ont déjà fait l’objet d’un examen de constitutionnalité approfondi. Ces dispositions, issues de la loi du 26 novembre 2003, organisent le placement en rétention des étrangers ne pouvant quitter immédiatement le territoire national. La décision souligne que l’article 49 de cette loi avait été déclaré conforme à la Constitution par la décision du 20 novembre 2003. Les modifications législatives intervenues en 2006 et 2007 n’ont pas substantiellement modifié l’économie générale du texte initial concernant les cas de placement. L’ajout de l’interdiction du territoire et de l’obligation de quitter le territoire aux motifs de rétention ne constitue pas une atteinte aux droits fondamentaux. Le juge constitutionnel estime donc que ces évolutions ne remettent pas en cause la déclaration de conformité prononcée lors de l’examen de la loi initiale.
B. La pérennité des restrictions au droit au séjour des demandeurs d’asile
L’examen porte également sur les articles L. 741-4 et L. 742-6 fixant les conditions d’admission au séjour et de maintien des demandeurs d’asile. L’article L. 741-4 prévoit les cas où l’admission peut être refusée, notamment en cas de fraude délibérée ou de demande d’asile abusive. Le Conseil rappelle avoir déjà validé ces dispositions dans ses décisions du 13 août 1993 et du 4 décembre 2003 sous certaines réserves. Les modifications législatives postérieures ont simplement intégré la protection subsidiaire sans altérer la portée du droit au séjour garanti jusqu’à la notification de l’Office français. La loi dispose ainsi qu’aucune « mesure d’éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l’office ». Le Conseil réaffirme que le cadre législatif actuel respecte les principes constitutionnels de sauvegarde du droit d’asile et de liberté individuelle.
II. L’appréciation de la portée constitutionnelle de l’interprétation juridictionnelle
A. Le refus de reconnaître une jurisprudence constante à la Cour nationale du droit d’asile
Le requérant invoquait une pratique de la Cour nationale du droit d’asile consistant à prononcer un non-lieu à statuer en cas d’éloignement du demandeur. Cette interprétation aurait pour effet d’interrompre l’instruction de l’affaire lorsque l’étranger est reconduit à la frontière avant que la juridiction ne se soit prononcée. Le Conseil constitutionnel admet que tout justiciable peut contester la « portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère » à une disposition législative lors d’une question prioritaire. Il juge cependant que la pratique dénoncée ne présente pas le caractère de constance nécessaire pour constituer un changement de circonstances de nature constitutionnelle. La décision précise que cette « jurisprudence dégagée par la Cour nationale du droit d’asile n’a pas été soumise au Conseil d’État » pour validation. L’absence de confirmation par la juridiction suprême de l’ordre administratif empêche donc de considérer cette pratique comme une interprétation stabilisée de la loi.
B. La réaffirmation de la compétence régulatrice du Conseil d’État
La décision du 8 avril 2011 délègue au Conseil d’État la mission de veiller à l’effectivité du droit au recours des demandeurs d’asile. Le juge constitutionnel rappelle qu’il appartient au sommet de l’ordre administratif de s’assurer que les procédures garantissent le respect de l’article 16 de la Déclaration. Cette autorité doit vérifier que la jurisprudence de la Cour nationale garantit le « droit au recours rappelé au considérant 87 de la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993 ». Le Conseil évite ainsi de censurer la loi sur le fondement d’une pratique juridictionnelle qu’il juge encore susceptible d’être corrigée par la voie administrative. Cette position préserve la hiérarchie des normes tout en maintenant une exigence de protection juridictionnelle efficace pour les étrangers en situation précaire. La déclaration de conformité globale confirme la solidité du système français de rétention et d’asile face aux exigences de la Constitution.