Conseil constitutionnel, Décision n° 2011-170 QPC du 23 septembre 2011

Le Conseil constitutionnel a rendu le 23 septembre 2011 une décision importante relative à la définition de l’inaptitude au travail des professionnels libéraux. La disposition contestée, l’article L. 643-5 du code de la sécurité sociale, précise les conditions d’ouverture du droit à la retraite anticipée pour ces travailleurs.

L’auteur du recours soutenait que ce texte imposait une inaptitude totale, alors que les salariés bénéficient d’un seuil fixé par un décret spécifique. Cette différence de traitement méconnaîtrait le onzième alinéa du Préambule de 1946 garantissant la sécurité matérielle et le repos aux vieux travailleurs. Le grief portait également sur la violation du principe d’égalité devant la loi énoncé à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme.

La juridiction constitutionnelle devait déterminer si l’absence de renvoi à un taux d’incapacité réglementaire privait les professionnels libéraux de garanties légales essentielles. Les juges ont finalement conclu à la conformité de la loi, estimant que les définitions de l’inaptitude demeuraient globalement analogues entre les régimes.

I. La mise en œuvre souveraine de l’exigence constitutionnelle de solidarité nationale

A. La consécration d’un large pouvoir d’appréciation au profit du législateur

Le Conseil constitutionnel rappelle que la Nation garantit aux travailleurs âgés la protection de la santé ainsi qu’une forme de sécurité matérielle. Il précise qu’il appartient au législateur de « choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées » pour satisfaire cette exigence de solidarité nationale. Cette liberté permet de modifier ou d’abroger des textes antérieurs pour adopter des modalités nouvelles jugées plus opportunes par les pouvoirs publics. Le législateur peut ainsi adapter le système de protection sociale sans être lié par des dispositifs devenus éventuellement excessifs ou inefficaces.

B. La préservation de garanties légales suffisantes pour les travailleurs inaptes

L’exercice de cette compétence législative ne doit cependant pas aboutir à « priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel » fondamentales. En l’espèce, le législateur a instauré un régime de retraite anticipée au bénéfice des professionnels libéraux officiellement reconnus inaptes à l’exercice professionnel. Les juges considèrent que ce dispositif répond adéquatement aux exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. La protection de la santé et la sécurité matérielle sont assurées malgré les spécificités propres aux modalités de calcul de l’inaptitude retenues.

II. La validation d’une différence de traitement justifiée par l’autonomie des régimes

A. Une distinction opérée entre des catégories professionnelles placées dans des situations différentes

Le principe d’égalité « ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes » pour des motifs d’intérêt général. La décision souligne que les professionnels libéraux bénéficient par nature d’un régime autonome de retraite distinct du régime général applicable aux salariés. La différence de traitement doit simplement rester en rapport direct avec l’objet de la loi établissant cette distinction entre les assurés sociaux. L’absence de renvoi systématique à un décret fixant un taux d’inaptitude ne constitue donc pas une discrimination prohibée par la Constitution.

B. L’équivalence fonctionnelle des définitions légales de l’inaptitude au travail

La disposition litigieuse retient une définition de l’inaptitude « analogue à celle figurant à l’article L. 351-7 » applicable au régime général d’assurance vieillesse. Le Conseil constitutionnel estime que l’absence de référence explicite à un taux chiffré ne crée pas une inégalité réelle entre les catégories de travailleurs. La notion d’inaptitude est appréciée souverainement en tenant compte de l’âge, de l’état de santé ainsi que des capacités physiques du demandeur. L’article L. 643-5 est déclaré conforme car il assure une protection équivalente à celle dont bénéficient les autres membres de la collectivité nationale.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture